Le 12 août dernier, à l’occasion de sa première “Commissioner’s Cup” entre Seattle et Phoenix, la WNBA, qui fêtait sa 25e saison, a équipé ses joueuses d’une nouvelle technologie appelée à révolutionner les études analytiques dans le sport professionnel américain. Portés au niveau de la ceinture des shorts, ces outils, qui prennent la forme de petits boitiers, ont recensé certaines données, comme les accélérations, les changements de direction des joueuses ou encore leur agilité, près de 25 fois par seconde !
En parallèle, pas moins de 14 caméras “Hawk-Eye” (utilisées pour juger les “challenge” au tennis) étaient disposées à divers endroits du Footprint Center de Phoenix et ont identifié 17 points d’analyses stratégiques du squelette de chaque joueuse et des arbitres, pour une étude toujours plus complète de leurs mouvements.
Une technologie de moins en moins invasive
Développés par l’entreprise KINEXON, ces outils font ce que d’autres proposent déjà dans certaines ligues sportives professionnelles en Europe et partout dans le monde. Mais ils sont nettement moins invasifs.
“À l’étranger, beaucoup d’équipes portent ces capteurs pour suivre leur rythme cardiaque, leur niveau d’oxygène et tous ces trucs, dont je l’ai déjà fait avant” expliquait-t-elle. “Sauf que là-bas, ils le posent à même le corps, donc durant tout le match on doit constamment faire en sorte que ça tienne sur nous. Je l’ai porté une fois puis je l’ai jeté, je n’y arrivais pas.”
En WNBA, il n’y a donc pas ce problème : les boitiers sont disposés dans la ceinture du short, de façon à ce que les joueuses ne sentent pas trop le dispositif, et finissent donc par ne même plus remarquer sa présence durant le match. “J’ai même oublié que je l’avais sur moi à la fin du match” s’amusait DeWanna Bonner.
Changer la manière de regarder et consommer le basket
Par la complémentarité des caméras “Hawk-Eye” et de la technologie KINEXON, un système utilisé pour la première fois sur le sol américain, ce sont donc environ 50 millions de “points” qui ont été prélevés durant la rencontre. Un paquet de données immense, qui pourrait transformer l’expérience de consommation du sport.
“C’est la première fois que ces deux systèmes ont été utilisés simultanément pour un évènement sportif ici aux Etats-Unis, si ce n’est dans le monde” affirmait Christy Hedgpeth, responsable des opérations stratégiques de la WNBA. “C’est une étape dans un processus de transformation plus grand, à une époque clé de notre histoire.”
Pour les spectateurs, cette entrée dans l’ultra-technologie pourrait permettre de mieux comprendre les joueurs et joueuses, leurs choix sur le terrain et toutes les statistiques qui leur sont associées. “La possibilité de regarder Breanna Stewart et d’étudier son tir, c’est finalement la perspective que l’on tente de donner aux spectateurs” jugeait Lisa Byington, qui commentait la rencontre en question.
Quelle utilité en NBA ?
Au sein des franchises, la démocratisation de ces nouveaux outils pourraient offrir une étude plus approfondie des équipes adverses, avec des “scouting report” plus complets, et donc des défenses mieux préparées. Contrairement aux outils actuels, qui mesurent les joueurs de torse à torse, ces nouveaux outils devraient ainsi permettre d’avoir des analyses beaucoup plus fines, en mesurant la distance entre la main et le ballon au moment du tir.
Déjà utilisée par la ligue pour s’assurer du bon respect de la distanciation sociale durant la “bulle” d’Orlando à l’été 2020, la technologie KINEXON pourrait aussi drastiquement faciliter la vie des arbitres durant les matchs, et donc celles des spectateurs dans les salles ou devant leurs écrans.
Par exemple, les innombrables données recueillies pourraient permettre de savoir rapidement quel joueur a touché la balle en dernier avant qu’elle ne sorte des limites du terrain, épargnant à tous des “reviews” interminables.
Toutes ces données pourraient aussi faciliter les décisions arbitrales vis-à-vis des contres illégaux, des violations des trois secondes dans la raquette et toutes ces décisions qui peuvent parfois être mal interprétées par les hommes en gris. Enfin, la santé des joueurs, et notamment leur niveau de fatigue, pourrait bénéficier d’un niveau de compréhension approfondi, en vérifiant en temps réel si un basketteur n’est pas proche du niveau de rupture.
Interrogée à ce sujet, Michele Roberts, à la tête du syndicat des joueurs, tempère toutefois l’intérêt de la ligue, affirmant que certains joueurs pourraient, à juste titre, être réticents à l’idée de partager ce degré d’informations. “Si je suis un athlète, et que, par exemple je suis en instances de négociations d’un contrat, certaines de ces données pourraient être utilisées contre moi” affirme-t-elle. “J’ai le droit à une certaine confidentialité sur ces sujets, sauf si j’accepte de lever ce droit.“