NBA
Ce soir
NBA
Ce soir
DET
NYK1:30
LAC
DEN4:00
Pariez en ligne avec Unibet
  • DET1.82NEW2Pariez
  • LA 1.35DEN3.25Pariez
  • 100€ offertsLa suite →

Saga Supersonics (#5) – L’éducation par l’échec

Suite de notre panorama rétro sur le basket dans le grand Nord-Ouest, avec la dernière décennie glorieuse des Supersonics. L’ascension fulgurante de la franchise de Seattle au début des années 90 s’accompagne aussi de quelques crashs mémorables.

Ça se passe en 1989 et 1998. C’est une petite décennie de basket à Seattle, dans la franchise des Supersonics qui commence à ressortir des bas-fonds du classement pour redorer un peu son blason vert et jaune.

Après le long spleen des années 80 dans la Cité Emeraude, championne NBA en 1979, le premier coup de pouce du destin intervient en 1989, avec la « géniale intuition » de Bob Whitsitt de sélectionner un diamant brut de 19 ans qui n’a même pas foulé les parquets NCAA, un certain Shawn Kemp. Le GM ne s’arrête pas en si bon chemin et l’année suivante, il remet le couvert en choisissant, après un coup de pot à la loterie, Gary Payton en 2e choix de Draft.

La montée en puissance des Sonics suivra la trajectoire de progression de ces deux larrons au fur et à mesure des saisons, avec six ans de très haut niveau à 57 victoires de moyenne entre 1991 et 1997, dont trois campagnes de pure domination à 61 victoires de moyenne entre 1993 et 1996.

Mais, finalistes NBA en 1996 face aux Bulls de nouveau lancés vers un ThreePeat, les Sonics ne feront jamais mieux qu’une demi-finale de conférence avant l’anéantissement total d’un groupe qui n’aura donc pas eu la chance de soulever le trophée. Comme leurs voisins des Blazers après l’an 2000, les Sonics sont retombés dans le rang très rapidement après leur échec de 1996.

Dix ans avant leur tragique déménagement vers Oklahoma City, les Supersonics faisaient tout simplement partie des équipes dominantes de la conférence Ouest. Dans les années 90, Seattle était une place forte de la Grande Ligue, un conte de fées « made in NBA ».

« On a contribué à l’histoire de cette franchise », résumait bien Shawn Kemp en 2013 dans le New York Times. « On est même devenu une des franchises qui vendent le plus de produits dérivés. C’est un peu comme si les Charlotte Bobcats devenaient soudainement les Lakers. »

Pour retracer cette épopée, nous avons épluché les archives et nous sommes aussi partis à la récolte de plusieurs opinions éclairées sur le sujet, en discutant notamment avec Bob Weiss (assistant coach à Seattle de 1994 à 2006) et Mark Warkentien (scout de 1991 à 1994 pour Seattle) mais aussi avec Gary Payton, Hersey Hawkins, Eddie Johnson ou encore Frank Brickowski et Michael Cage.

1ère partie : l’arrivée de Shawn Kemp

2e partie : la Draft de Gary Payton

3e partie : George Karl, la revanche d’un pestiféré

4e partie : le Sonic Boom

L’EDUCATION DES SONICS

L’image est devenue culte : Dikembe Mutombo serre le ballon dans ses bras. Il est au sol, mais heureux ! Les Denver Nuggets viennent de faire tomber les Seattle Supersonics au premier tour des playoffs 1994. Le n°1 de la conférence Ouest, et même carrément le meilleur bilan de la Ligue, se fait sortir dès le premier tour !

C’est la première fissure dans l’armure des Sonics qui étaient alors cette équipe de jouvenceaux sans peur et sans reproche. Projetée sur le devant de la scène, la jeune garde de Seattle s’est prise les pieds dans le tapis… gâchant là une opportunité en or d’atteindre la Terre Promise.

« Le seul regret que j’ai vraiment sur ces sept années à Seattle sont les deux saisons où on perd au premier tour », avançait George Karl bien après les faits. « On a gâché notre chance de gagner pendant la retraite de Michael Jordan. Si on avait pu avoir la dureté mentale de notre équipe deux ans plus tôt, je pense qu’on aurait gagné un titre. »

Pour comprendre cette humiliation face à Denver, il faut tout de même se replonger dans la psyché d’une équipe encore en pleine éducation. Car, que ce soit coach Karl sur le banc ou Kemp et Payton sur les planches, ces Sonics étaient encore trop verts… et ils en ont ri jaune !

L’humiliation face à Denver

« Inexplicablement » C’est l’adverbe qui revient sans cesse pour décrire la défaite des Sonics au premier tour des playoffs en 1994. Mais ce scénario catastrophe était, sinon prévisible, au moins présent à l’esprit de ses propres acteurs comme étant du domaine des possibles.

On en veut pour preuve le discours alarmiste de certains Sonics, qui occupait les colonnes de Sports Illustrated en avril 93, à l’approche de la fin de saison régulière, la meilleure dans l’histoire de la franchise alors. « Parfois, on ne sait pas qui nous sommes nous-mêmes », explique Payton dans ce numéro de SI. « On peut sortir d’un temps mort et il y a deux gars qui vont suivre un système pendant que les trois autres vont en suivre un autre. » « Parfois on joue comme si on était dans le brouillard », ajoute Dana Barros. « Soit on peut aller jusqu’au bout, soit on va s’écraser dès le premier tour », conclut le vétéran Eddie Johnson.

Malheureusement pour les fans des Sonics, qui nourrissaient de légitimes ambitions pour un second titre NBA, c’est Eddie Johnson qui a eu raison… Seattle a remporté les deux premières levées (la deuxième déjà ric rac) avant de s’incliner trois fois de suite…

« C’est le truc le plus fou que j’ai vu dans ma carrière », lâche Steve Kelley, le beat writer du Seattle Times. « Denver n’appartenait clairement pas à la même catégorie que ces gars-là. »

Et pourtant…

Pour l’emporter, les Nuggets ont compté sur un incroyable Robert Pack lors de l’ultime manche décisive. Alors que Mahmoud Abdul-Rauf, le titulaire à la mène, n’y arrivait toujours pas, malgré la longue laisse autorisée par Dan Issel (3/10 aux tirs), Pack a été le facteur X par excellence.

Auteur de 19 de ses 23 points dans la 2z mi-temps (plus la prolongation), Pack a traumatisé la défense des Sonics, alors complètement démantibulée. Mais Pack n’était pas le seul héros de ce match côté Denver. Dikembe Mutombo a lui aussi été magnifique défensivement, avec 15 rebonds et 8 contres dont un ultime stop sur Kemp à 26 secondes de la fin de la prolongation qui a tué pour de bon les Sonics !

De même, Brian Williams (17 points, 19 rebonds) a été époustouflant dans une rotation immense dans la peinture, aux côtés de Mutombo. Avec le futur et regretté Bison Dele et le Mont Mutombo ensemble dans la raquette, les Sonics se sont définitivement heurté à un mur ! Pour ne rien arranger, ce sont les vétérans LaPhonso Ellis et Reggie Williams qui ont aussi su briser la glace offensivement dans les moments cruciaux de ce match 5 à la vie à la mort.

Après leurs deux victoires initiales, de +24 et +10, les hommes de George Karl se sont peu à peu désolidarisés pour donner lieu à ce premier crash d’un n°1 de la saison depuis 1984. Les Nuggets devenant à l’inverse la 5e équipe de l’histoire seulement à revenir d’un 0-2 dans une série de playoffs.

« On était tendu et ils étaient détendus », commentera George Karl a posteriori pour le New York Times. « Je ne peux pas nier que notre trac a pesé lourd. »

La victoire du match 3 a fait la bascule pour les Nuggets qui se sont alors imposés dans les grandes largeurs à domicile (110-93) en enfilant notamment 41 points dès le 1er quart à la défense de Seattle !

Mais ce que le grand public ignore, c’est que le vent a tourné avant le match 3, « en interne ».

« Quelque chose s’est passé à la mi-temps du match 2 à Seattle », confirme Steve Kelley, le journaliste du Seattle Times. « Un des policiers est venu me voir et m’a dit que je n’allais pas croire ce qui venait de se passer à la mi-temps. Il n’a pas pu me le dire mais j’ai découvert des années plus tard que Ricky et Gary se sont bastonnés à la mi-temps de ce match 2. Et toute la série a basculé après ça. »

Dans l’intimité du vestiaire des Sonics, la tension monte effectivement entre le jeune meneur et son arrière vétéran. Les interférences sous-jacentes de la saison explosent violemment dans le feu de l’action et l’intensité des playoffs.

« Gary et Ricky menaçaient d’aller chercher des flingues », ajoute George Karl dans le Bleacher Report. « Les joueurs m’ont dit qu’ils avaient des flingues dans leur sac de sport. C’était du genre : je vais tuer ta famille, c’était dingue ! »

Du côté de Ricky Pierce, on assure que cet événement a été monté en épingle. Il y a bel et bien eu prise de becs entre les deux joueurs, mais pas de quoi fouetter un chat non plus !

« Gary et moi, on a eu une petite embrouille, un désaccord par rapport à l’équipe et c’est probablement pour ça que je n’ai pas beaucoup joué par la suite dans cette série. Mais George, de ce que j’ai compris, était plus inquiet pour sa place et il voulait donc se lier aux jeunes joueurs. Ce n’est pas comme si on se battait. On a simplement eu une discussion un peu houleuse, mais comme des coéquipiers le font. Je pense que c’est de la faute de George. Il a été lâche et m’a mis sur le banc. Ça nous a coûté cette série. Il ne m’a pas adressé la parole du tout, pas un mot… »

Effectivement passé de 20 minutes de moyenne sur les matchs 1 et 2 à 7 minutes sur les matchs 4 et 5, Ricky Pierce a été mis à la niche ! De là à dire que c’était uniquement à cause de cette échauffourée en privé, il n’y a un pas qu’on ne franchira pas. Car le vétéran était également en manque de réussite aux tirs, et lui aussi investi de ses propres revendications.

« C’était fou à cause du timing », explique George Karl dans le Seattle Times. « Si ça s’était passé durant la saison, on aurait pu arranger la situation. Mais c’est arrivé dans un moment crucial, sous haute pression, et ça a détourné notre énergie de ce sur quoi on devait se concentrer. On n’était pas assez fort mentalement. Pas encore du moins. »

À vrai dire, l’embrouille entre Pierce et Payton a plusieurs origines. Il y a d’abord la critique publique de Pierce sur la distribution de la balle de son meneur, un classique du genre. Mais de son côté, Payton explique aussi que Pierce ne la jouait pas forcément collectif non plus, sortant parfois des systèmes de jeu. Une remarque que Pierce n’a pas acceptée, rétorquant que c’est justement à Payton de faire circuler le cuir et le distribuer intelligemment (et équitablement) à ses coéquipiers.

Pendant un temps mort, lors de ce match 2 de l’infamie, les deux hommes ont continué à faire monter la tension alors que Pierce se retrouve sur le banc et que ce dernier croit que Payton a influencé cette décision de coach Karl. De fil en aiguille, toujours à se lancer des mots doux sur le chemin des vestiaires à la mi-temps, Payton et Pierce ont fini leur discussion virile en privé.

« Si Ricky pensait que je prenais trop de tirs, il aurait dû me le dire avant », argue de son côté Payton. « C’était comme ça toute la saison. Je suis celui qui prend le plus de tirs dans l’équipe. Et au match 3, je n’en ai pris que 6 ! Pour moi, ce n’était pas un souci. Depuis qu’il est dans l’équipe, Ricky n’a jamais rien dit contre moi. Toute cette histoire, je ne m’y arrête même pas. J’ai laissé pisser. »

Une équipe jamais contente

Ce que la défaite humiliante à souhait face à Denver a clairement laissé entrevoir, c’est que cette escouade des Sonics est définitivement instable émotionnellement. Avec George Karl le sanguin à sa tête, et deux jeunots encore trop verts pour donner le ton (Kemp trop solitaire et Payton trop volubile), Seattle ne savait pas où aller.

C’est, grosso modo, l’essence du discours tenu par Payton quelques semaines seulement après cet échec retentissant, dans sa villa de Bellevue. Le meneur de jeu reconnaît que la faute en revient aux joueurs, et non au coach (ce qui alimente la théorie de Ricky Pierce de la collusion entre Payton et Karl) ; mais il explique aussi dans un second temps que cette équipe vivait mal en général.

Face à Denver, les Sonics étaient paralysés par l’enjeu.

« Même quand le match est allé en prolongation, je n’avais pas confiance en nous », avoue très étonnamment (de sa part) Payton dans le Seattle Times. « Je n’avais jamais vu des gars jouer comme ça : c’était comme si on ne savait plus quoi faire, on était apeuré. Tous autant qu’on est. J’étais pareil. Je suis devenu vraiment parano, en fait, j’ai paniqué. Il y avait un gars dans toute cette fichue équipe qui n’avait pas peur de Mutombo et c’était Kendall. »

A ce moment-là, la présence rassurante d’un vétéran, ou tout simplement celle d’un Derrick McKey apprécié de tous dans les vestiaires, aurait pu tout changer.

« Si on avait encore eu Eddie Johnson dans l’équipe pour claquer tout le monde et dire : oubliez tout, on doit gagner ce match à tout prix, votre vie en dépend », regrette encore Steve Scheffler, le pivot blanc de bout de banc. « On avait tellement de rage, de frustration parce qu’on se rendait compte qu’on était tout près. On n’avait pas simplement perdu au 1er tour contre Denver, on avait surtout perdu une bonne chance de gagner un titre. »

Littéralement submergés par la pression médiatique qui a entouré leur montée en puissance supersonique, les coéquipiers de Kemp (24 ans) et Payton (25 ans) ont tout simplement craqué en playoffs 94.

On peut évoquer les différents ajustements, défensifs et offensifs, qui n’ont pas été opérés au cours de la série face à Denver, mais le fond du problème, c’est qu’on a à faire à une équipe éternellement insatisfaite.

Comme si les joueurs étaient perpétuellement en train de chercher la petite bête, ou alors que la direction de l’équipe a tout simplement trop voulu jouer avec l’alchimie fragile d’un groupe en construction.

« On avait Derrick l’an passé. Il apportait une grosse différence en cela qu’il pouvait défendre sur les grands comme les petits. Il contrôlait notre défense pour ainsi dire », théorise Payton. « Quand Kloppy (Bob Kloppenburg) lui disait de faire le pressing, il répondait que non, qu’on pouvait rester en individuel. On n’a pas eu ça cette année. »

Ayant échangé McKey le 1er novembre 1993 pour faire venir Detlef Schrempf, Bob Whitsitt a-t-il lui aussi contribué involontairement à ce mécontentement généralisé ? On peut y répondre par l’affirmative… d’autant plus que le GM ne résistera pas à l’élimination face à Denver, viré sans ménagement avant même la draft.

« Quand nous effectuons un échange, la chose qui nous importe le plus est l’alchimie », commentait alors Bob Whitsitt pour Sports Illustrated, de manière assez ironique quand on pense à la suite de sa carrière à Portland notamment. « Quand je parle d’alchimie, je parle de cohésion, d’unité et de camaraderie sur le terrain. Mais on est aussi concerné par l’alchimie que par le talent. C’est pour ça qu’on a confiance en notre système. »

Dans l’esprit de Payton, mais d’autres Sonics de l’époque, ces différents échanges à répétition ont usé les joueurs. A chaque fois, il fallait effectivement intégrer les nouveaux mais il fallait encore plus faire le deuil du départ des anciens.

« Ils étaient incroyables… mais ils étaient jeunes », nous a confirmé Eddie Johnson de vive voix en 2017. « Et je pense que c’est ce qui nous a fait le plus mal quand j’y repense a posteriori. J’étais plus vieux quand j’y suis arrivé. On a tous pu voir ce qu’ils ont réussi à faire par la suite [atteindre les finales NBA en 1996 notamment, ndlr]. Mais je dirai que c’était probablement l’équipe la plus talentueuse que j’ai connue, du premier au quinzième joueur. Shawn Kemp, Derrick McKey, Michael Cage, Dana Barros, Nate McMillan, Ricky Pierce, Sam Perkins, moi. On avait du talent sur tous les postes et une grosse profondeur de banc. Avec le recul, je me dis que j’aurais dû être plus direct et plus ferme avec Shawn. Je pense que j’aurais pu l’aider. Mais quand on est jeune, je devais avoir 28 ou 29 ans, on ne pense pas comme ça. À l’époque, je pensais à moi avant tout, à mettre les choses en ordre pour moi. C’était un super gars. Et je regrette vraiment que sa carrière ait tourné comme elle l’a fait, car pour moi, c’était pour sûr un joueur destiné au Hall of Fame. »

Dans le cas de Derrick McKey, drafté par le club et ayant participé à sa montée en puissance, ce fut par exemple ressenti comme une véritable séparation. Surtout après avoir flirté avec les Finales NBA dès 1993 !

« Je ne comprends pas vraiment pourquoi une équipe qui était si proche des Finales NBA doit consentir à deux échanges majeurs », s’indignait ainsi Kemp dans Sports Illustrated en décembre 1993. « Je suis content qu’on ait Detlef avec nous mais une grosse partie de mon cœur est avec Derrick. »

Jamais contents, les Sonics en sont-ils pour autant carrément méchants ? Non. Comme l’expriment Payton et Kemp, l’arrivée de Detlef Schrempf n’est pas considérée comme une mauvaise chose. Simplement, les joueurs se sentent floués…

Payton a ainsi essayé de perpétuer la tradition du barbecue qui rassemble les joueurs, après le départ de McKey. Mais au lieu d’avoir toute l’équipe qui se retrouvait dans la joie, Payton regrettait que ce ne soit que les « quatre ou cinq mêmes gars » qui répondent toujours à l’invitation.

Bis répétita en 95 ?!?

Le pire, c’est que ce camouflet va se répéter l’année suivante ! Pas verni, Seattle va effectivement hériter de sa bête noire en playoffs, les Lakers. Défaits quatre fois sur cinq par l’équipe phare de Los Angeles durant la saison régulière, les Sonics partaient certes avec l’avantage du terrain. Mais ils ne réussiront pas à inverser la tendance…

Lors du match 2, les Sonics ont de nouveau démontré qu’ils n’étaient clairement pas à l’aise dans le jeu sur demi-terrain. A l’image de Gary Payton qui finira à 7/19 aux tirs dans cette défaite à la maison (ou presque, au Tacoma Dome dans la banlieue de Seattle), les Sonics n’ont pas pu compter non plus sur Detlef Schrempf, Kendall Gill et Sam Perkins qui ont eux combiné un bien triste 9/36 !

Trop tendres psychologiquement, les Sonics ont à chaque fois dû courir après le score face à des Lakers qui démarrent pied au plancher. Largués à -15 en 3e quart lors du match 3, Seattle a bien réussi à revenir souffler sur la nuque des californiens. Mais pour mieux s’échouer sur les plages de Malibu…

Ou, quand ils menaient au score, comme à l’entame du dernier quart du match 4 (+8), les Sonics n’ont rien eu de Super. Au contraire, ils ont irrémédiablement craqué sous la pression, terminant le match avec des choix offensifs plus que douteux…

« Il y a eu deux saisons où on a eu des problèmes d’alchimie et les gars ne jouaient pas pour les bonnes raisons », résume bien Detlef Schrempf. « Même si on était très talentueux, on n’a pas mis l’équipe au-dessus de tout. C’était évident en playoffs quand il faut que tout le monde fasse des sacrifices et exécute les systèmes. »

Ainsi que le suggère malicieusement George Karl en expliquant que son équipe peut parfois être un peu folle, car « se criant et s’insultant certainement plus que la plupart des équipes NBA », les Sonics ont poursuivi leur beau parcours de saison régulière… mais avec une étiquette de « choker » qui commence à entacher leur réputation cristalline.

« C’est évidemment très vexant d’avoir cette image d’équipe qui craque sous la pression », concède McMillan dans le Spokesman Review. « Mais on a encore une opportunité en face de nous. On est encore une bonne équipe et on peut encore progresser et aller de l’avant. »

Si la défaite face à Los Angeles n’a pas été suivie du même séisme que l’horrible déconvenue contre les Nuggets, c’est somme toute assez logique. Les Lakers n’étaient finalement qu’à quelques encablures des Sonics au classement de la conférence Ouest.

Mais la douleur reste profonde alors que, dans le match 4 au Forum d’Inglewood, Nick Van Exel a pris le meilleur sur Gary Payton avec 34 points, dont 7 tirs à trois points plus 9 passes pour infliger une 3e défaite de rang à Seattle, celle de trop. A 24 points, 5 passes et 4 rebonds de moyenne sur la série, Van Exel a fait la nique à son adversaire direct, Payton (18 points, 5 passes, 2 rebonds). Une deuxième claque en pleine figure pour le futur Glove…

Comment expliquer une telle différence entre ces « Supes » de 94 et 95 qui ont coulé à pic en playoffs alors même qu’ils ont semé la terreur en 1993, alors complètement inattendus. Quelles différences y a-t-il entre l’équipe qui frôle la Finale en 93 et celles qui se ratent deux ans de suite au 1er tour des playoffs ?

« On n’était pas encore au sommet et on avait de la motivation », justifie Payton. « On avait de la détermination et on jouait, tout simplement. L’équipe de 1993 s’en foutait ! Les gens disaient qu’on ne pourrait pas gagner car on était trop jeune. Par la suite, les gens nous ont donné beaucoup plus d’attention et la pression qui va avec. Et les joueurs ont commencé à être jaloux les uns des autres… »

De plus, cette saison 1994-95 avait cette sensation étrange pour des Sonics privés de leur Key Arena, alors en rénovation. Contraints de jouer au Tacoma Dome, soit quasiment à une heure de bus du centre ville de Seattle, les hommes de Coach Karl n’y ont clairement pas gagné en sérénité…

« La saison après le désastre contre Denver était bizarre et l’équipe était plutôt perturbée car on devait jouer nos matchs à domicile à l’extérieur au Tacoma Dome, » expliquait de fait Karl dans sa biographie, Furious George. 

Dans le viseur se trouvait notamment Kendall Gill, perpétuel insatisfait durant son séjour à Seattle. Ciblé comme une des mauvaises influences du groupe, Gill n’a jamais vraiment réussi à s’intégrer dans l’équipe après son arrivée en échange de Dana Barros et Eddie Johnson au début de la saison 1993. Extrêmement talentueux sur le terrain, Gill éprouvait par contre de grandes difficultés à mener sa barque en dehors.

Face aux Lakers en playoffs, il a touché le fond avec 6 points de moyenne contre 14 en saison régulière. Ayant ouvertement déclaré qu’il souffrait de dépression, Gill était en quelque sorte en avance sur son temps. Malheureusement pour lui, ses problèmes psychologiques n’ont pas vraiment été pris au sérieux à Seattle (ni par la Ligue comme c’est le cas maintenant), coach Karl le mettant sur le banc à cause de ses absences et de son attitude changeante.

Déjà précédé d’une réputation de diva à Charlotte, où il s’était notamment enguirlandé comme il faut avec un assistant coach des Hornets, Bill Hanzlik lors du match 2 des playoffs 1993 face à New York, Gill tombera également à Seattle pour ses soucis hors parquet.

Dans le même sac, le lituanien Sarunas Marciulionis a aussi dû faire ses valises pour « problème d’attitude ».

« Je pense qu’on avait besoin de changer les gars qu’on a changés », soufflait Karl durant l’été 1995. « Leur égo et leur individualité avait créé des problèmes dans le vestiaire et des problèmes pour la bonne gestion de l’équipe. Je faisais partie du problème mais je suis heureux que la franchise m’ait soutenu. Maintenant, on va de l’avant et on va essayer de régler nos problèmes. » 

Dans une sorte de prologue à son mandat à Portland, Bob Whitsitt commençait déjà à jouer avec l’alchimie de ses équipes, privilégiant le talent sur les qualités humaines. Mais c’était évidemment un mauvais calcul, surtout chez ces Sonics particulièrement émotifs et instables.

« On avait des vétérans qui, pendant toute leur carrière, voulaient la balle et voulaient des tirs. Mais c’était différent chez nous car on prêchait la défense avant tout », explique Kemp. « Même s’ils s’investissaient dans la franchise, ils ne se voyaient pas forcément réussir avec nous. »

Entre le programme de l’équipe et les desseins inavoués de ces joueurs qui essaient au mieux de gérer leur courte carrière pro, les Sonics ont donc implosé à deux reprises. La « supporting cast » de Seattle a effectivement posé bien des problèmes, entre Ricky Pierce qui ruminait et a fini par ruiner l’ambiance en 94 ou encore Kendall Gill qui a explosé en plein vol en 1995.

« Il y avait des moments l’an passé où les gars, s’ils ne touchaient pas la balle sur deux ou trois possessions de suite, commençait à s’énerver », illustre ainsi McMillan. « Et on pouvait les entendre ! »

Cette fin de campagne 95 a donc des airs de Bérézina… L’équipe Cendrillon de 1993 n’est désormais plus que ce ramassis de joueurs mécontents et instables, incapables de supporter la pression des playoffs.

Alors que George Karl était au bord des larmes en conférence de presse, avec son statut en suspens, Kendall Gill et Sarunas Marciulionis annonçaient eux tout haut qu’ils ne resteront pas si coach Karl est maintenu. Pendant ce temps-là, Gary Payton ne se prive pas d’attaquer certains de ses coéquipiers. Tout va bien donc !

« C’est un jour comme les autres pour nous », dit Payton dans le numéro de rentrée de Sports Illustrated à la fin octobre 1995. « On ne sera probablement jamais l’équipe où tout le monde est content et se fait des mamours toute la journée. Mais on a opéré des changements qui devraient faire que les choses iront plus calmement cette fois. » 

Heureux d’avoir pu « nettoyer l’attitude » de son équipe, George Karl était d’autant plus soulagé qu’il avait reçu le soutien de son directoire, le conservant malgré deux sorties de route prématurées en playoffs.

Et, comme souvent, la pérennité d’un projet (la fameuse continuité) a fini par payer en 1995-96.

« Moi et Shawn avons notre rôle à jouer mais c’est à tout le monde de le faire. Par le passé, les gars pointaient le doigt les uns sur les autres quand les choses se compliquaient, au lieu de se regarder dans le miroir », conclut Gary Payton. « Ça n’arrivera pas cette saison. Je pense qu’on a grandi. »

Prochain épisode : L’apogée sans lendemain

Suivez toute l'actualité NBA sur la chaîne WhatsApp de Basket USA

Suivez nous également sur Google Actualités

Commentaires
Forum (et HS)  |   +  |   Règles et contenus illicites  |   0 commentaire Afficher les commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *