Interview Rudy Gobert : « On va ouvrir les portes de l’enfer à OKC, mais on n’a rien à perdre »

Auteur d’un solide double double mercredi soir face à Jusuf Nurkic, Rudy Gobert (13 points, 13 rebonds) n’a pas pu empêcher la défaite du Jazz face aux Blazers en clôture de la saison régulière. Et par conséquent, Utah n’aura pas droit non plus à l’avantage du terrain au 1er tour des playoffs face à Oklahoma City, mais après un tel parcours du combattant en saison régulière, le Jazz est déjà satisfait d’être en playoffs.

Et pour le reste, comme nous l’a confié Rudy, il n’y a rien à perdre ! Dans la situation de l’outsider qu’il adore, Gobert avait le sourire en coin et l’oeil pétillant au moment d’évoquer le duel face au Thunder. Ce sera une véritable opposition de styles entre le collectif et le bloc défensif d’Utah et le « superstar power » du Thunder.

« Le Thunder me manque un peu, pour tout vous dire »

Rudy, vous avez dû vous incliner face à Portland hier soir dans un match avec un enjeu certain, est-ce une grosse déception ?

Il y avait un gros enjeu puisqu’on jouait quand même l’avantage du terrain. Mais on n’allait pas risquer de se blesser non plus dans les trois ou quatre dernières minutes. Les gars qui étaient sur le terrain n’ont rien lâché mais c’est vrai qu’on a laissé les titulaires sur le banc pour finir car on ne voulait pas se blesser bêtement maintenant et foutre notre saison en l’air. On est content de notre saison régulière. On a une superbe opportunité et c’est à nous de la saisir.

Vous n’avez pas semblé être en capacité de vous imposer face aux Blazers qui étaient remontés, comment l’expliquez-vous ?

Ils ont joué très physique. On ne pouvait pas demander meilleure opposition avant de commencer les playoffs. On s’est battu pendant tout le match et on n’a jamais laissé tomber. C’était un bon test pour nous.

En quoi était-ce un bon test ?

Pour l’aspect physique du jeu, on sait qu’on va prendre des coups quand on ira jouer à OKC. C’était une bonne manière pour nous de nous habituer à ce qui va nous arriver. Le Thunder est une bonne équipe. On savait qu’on allait forcément avoir à affronter une grosse équipe. C’est une équipe très talentueuse, qui joue très physique. Ça va être un sacré duel.

Vous allez donc devoir commencer les playoffs à l’extérieur, à Oklahoma City, comment tournez-vous la page sur cette 3e place que vous aviez en vue ?

Cela aurait été bien d’avoir l’avantage du terrain mais c’est comme ça, on a perdu. On commencera la série à OKC et on sera prêt à jouer. On a confiance en nous. L’équipe est pour ainsi dire au complet. C’est une nouvelle saison qui démarre. On ne va pas oublier ce qui a fait notre succès durant la saison régulière.

Quelles premières impressions avez-vous quant à ce duel à venir au 1er tour des playoffs, un gros défi pour vous ?

Ça fait un moment qu’on n’a pas joué contre eux. La dernière fois, j’étais blessé donc ça devait être en décembre ou en janvier. Ils me manquent un peu, pour tout vous dire. C’est toujours un bon duel. Me prendre des coups de coudes et me faire brasser me manque [rires]. Non, mais ça va être une grosse confrontation.

« OKC est très physique, surtout Steven Adams »

Est-ce que votre absence lors de ces dernières confrontations directes peut être un avantage pour vous ? Vous avancez un peu masqués d’une certaine manière…

C’est totalement différent. C’est un duel complètement nouveau quand c’est les playoffs et il faudra qu’on soit prêt pour ça. J’aime bien la compétition, donc peu importe le duel, ça me plaît ! Mais je sais qu’OKC est une équipe très physique, surtout Steven Adams. Je sais à quoi m’attendre. C’est une bonne chose.

Et ce duel est une vraie opposition de styles entre le Jazz qui incarne les valeurs collectives et le Thunder qui vit et meurt par ses individualités, qu’en pensez-vous ? 

C’est une équipe qui a effectivement beaucoup de talents individuels. Mais c’est une équipe qui défend bien et qui joue très dur. Nous, on est un peu comme ça aussi, à la différence près qu’on joue un style de basket différent en attaque. Ça va être une bonne série. Si j’étais devant ma télé, je serai impatient de voir ce qui va se passer [rires]… »

Pour revenir un petit peu sur votre saison collective, est-ce qu’on peut dire que c’est un succès, quoiqu’il advienne en playoffs ?

Oui, dans le sens où on a progressé… Ce que je retiens, c’est qu’on a vraiment progressé. On nous a mis pas mal de bâtons dans les roues cette saison, on a connu beaucoup de hauts et de bas mais on n’a jamais rien lâché. On a une énorme opportunité devant nous. L’objectif, c’est d’aller chercher le titre. Il ne faut pas avoir peur de le dire. On sait que ça sera très très dur, que la route est longue, mais on va prendre les matchs les uns après les autres. Et si on y croit et qu’on reste ensemble, pourquoi pas ? »

Comment expliquez-vous cette culture défensive qui est maintenant la force première de la franchise d’Utah ?

C’est un ensemble. Déjà, depuis que Quin est arrivé, le plan a été d’axer notre équipe autour de la défense. Quand on a la chance d’avoir des joueurs comme moi qui peuvent avoir un gros impact défensif, ce serait dommage de ne pas en profiter. C’est notre philosophie, ça l’a été depuis que Quin est là. On sait qu’on peut gagner n’importe quel match parce qu’on aura notre défense, même si on ne rentre pas nos shoots. C’est notre mentalité.

C’est le sens du sacrifice…

La mentalité, c’est de mettre l’équipe avant les joueurs. On sait que c’est que comme ça qu’on pourra aller loin. On a des joueurs dans l’équipe qui pourraient marquer plus ou faire plus de stats… Mais à quel pourcentage ? Quelle efficacité ? Le but sur chaque possession est d’obtenir le meilleur tir possible et de défendre dur. C’est ce qu’on a fait plutôt bien cette année.

Et à Utah maintenant, comme à San Antonio ou Boston, on a le sentiment que le coach va toujours tirer le meilleur de ses joueurs. Est-ce que vous partagez cette opinion ?

Pour moi, on a des joueurs intelligents, des joueurs qui veulent gagner. À partir du moment où l’équipe en son entier comprend ça… Quand on gagne, tout le monde est beau ! Les médias aiment bien attribuer le succès à un ou deux joueurs mais c’est le collectif qui paye. Il y a beaucoup de joueurs qui font des choses que tu ne vois pas sur le stats mais c’est ça qui aide à gagner les matchs. Quand ça gagne, tout le monde est beau.

« J’aime être l’underdog »

Individuellement, vous êtes à nouveau en course pour le titre de meilleur défenseur de l’année, et pour la deuxième année de suite. Or la logique de la NBA est souvent de donner le trophée à un joueur qui a déjà été proche la saison précédente… Pensez-vous pouvoir rafler la mise cette fois-ci ?

Ce serait super de le gagner. Quoi qu’il arrive, je suis très content de ce qu’on a pu faire en tant qu’équipe sur cette saison régulière. J’ai donné mon meilleur quand je suis revenu de blessure. On a été la meilleure défense de la ligue, maintenant, je me concentre sur les playoffs. Mais c’est sûr que ce serait un honneur de gagner cette récompense.

Et vous n’avez pas tellement de concurrent dangereux cette année. Joel Embiid est le joueur le plus souvent mentionné mais lui aussi a manqué des matchs, donc l’argument des matchs ratés qui est souvent évoqué dans votre cas ne tient pas…

On verra ce que les votants vont décider. On ne sait jamais comment ça se passe vraiment. Encore une fois, ce serait super si je pouvais le gagner, et ce serait effectivement la récompense d’un travail de plusieurs années, que j’ai fourni mais aussi que l’équipe a fourni. Car sans mes coéquipiers, rien de tout ça ne serait possible. Ce serait super.

Dans le registre des récompenses individuelles, il y a un énorme débat en ce moment avec le rookie de l’année, entre Ben Simmons et Donovan Mitchell. Quel est votre sentiment sur la question ?

Donovan a futur très prometteur qu’il gagne ce trophée ou pas. Et honnêtement, je ne pense pas que ça importe. Dans cinq ans, on s’en fichera de savoir s’il a gagné le titre de rookie de l’année ou pas. Il a montré qu’il pouvait devenir une superstar dans cette ligue. Et il va l’être.

Comment décririez-vous son évolution et son importance grandissante dans l’équipe ?

Il a été très important pour nous, surtout quand j’étais blessé. C’est lui qui nous a maintenus au niveau. Son énergie, son optimisme, je pense que l’équipe avait vraiment besoin de ça aussi. Il veut faire partie des plus grands et cette année, il s’est amélioré chaque mois. Je n’ai aucun doute qu’il va continuer à progresser.

Direction les playoffs donc, pour la 2e année consécutive pour vous, quel est votre dernier mot ?

J’aime bien être l’underdog. Je ne sais pas pourquoi mais j’aime ce rôle. On sait qu’on va arriver là-bas et on va ouvrir les portes de l’enfer et ils vont nous attendre, et ils seront déjà chauds. Mais on a rien à perdre. On va aller là-bas, jouer match après match, et tout donner.

Propos recueillis à Portland

Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.