C’est officiel : Carmelo Anthony a donc quitté les Knicks pour rejoindre le Thunder de Russell Westbrook et Paul George. En échange, New York récupère Enes Kanter, Doug McDermott et le choix de Draft 2018 de Chicago au deuxième tour. Une compensation bien faible, même si les Bulls ont des chances de plonger dans les tréfonds de la NBA et d’offrir donc aux Knicks un choix de Draft en tout début de deuxième tour. Ce qui reste limité pour un joueur dix fois All-Star.
Mais ce transfert marque surtout la fin de l’aventure de Carmelo Anthony à Big Apple. Une aventure que l’ailier a choisie en forçant son départ de Denver, et qui laissera quelques hauts, mais surtout beaucoup de regrets et de frustration.
Une arrivée non souhaitée par Mike D’Antoni
Durant l’été 2010, la tension devient palpable à Denver. Alors que les Nuggets avaient atteint les finales de conférence l’année précédente, leur élimination au premier tour est cette fois suivie par le refus de Carmelo Anthony de prolonger. L’ailier a en effet la possibilité de tester le marché à l’été 2011 et Denver tente de rallonger le bail de sa star. Mais l’intéressé refuse de parapher l’offre de 65 millions de dollars sur trois ans que la franchise lui offre…
« Nous faisons tout ce que nous pouvons pour faire de Melo la version basket de John Elway », explique le GM de l’époque, Mark Warkentien. « Quelqu’un qui a joué pour une seule équipe toute sa carrière et qui est devenu ‘The Guy’. »
Mais Carmelo Anthony a déjà une autre idée en tête : il veut jouer à New York, sa ville natale.
Free agent en devenir, Melo prend d’ailleurs soin d’imposer sa destination à tout le monde. Comme il sera libre de signer où il le souhaite l’été suivant, il indique clairement aux autres prétendants (Nets, Clippers, Cavaliers, Raptors…) qu’il ne prolongera pas chez eux s’ils le récupèrent. Les Nuggets ne peuvent donc négocier qu’avec les Knicks, une situation qui dure des mois et qui gagnera un nom, le « MeloDrama ». Avant que les choses ne se débloquent enfin le 22 février 2011.
À New York, on hésite pourtant. D’après Donnie Walsh, le GM de l’époque, le propriétaire James Dolan était dubitatif, et Mike D’Antoni, qui commençait à mettre en place son système de jeu, était carrément contre.
« James Dolan m’a appelé. Je lisais quelques trucs et il m’a dit : ‘Eh bien, voilà ce qu’il va falloir faire pour que ça arrive. Je ne pense pas que ça arrivera si nous ne l’acceptons pas.’ C’était quasiment le deal qui a eu lieu ensuite. Il m’a dit : ‘Donnie, je ne suis pas un spécialiste du basket. Je ne peux pas prendre la décision donc c’est à toi de le faire’. Je lui ai dit : ‘Ok, je vais appeler Mike D’Antoni’. Mike ne voulait pas le faire non plus. Mais je me suis dit que nous n’aurions pas un gars comme Carmelo Anthony sans faire cet échange… et que j’allais donc le faire. Je me suis décidé. Je savais que j’allais devoir lâcher Gallinari, que j’adorais, et Wilson Chandler, que j’adorais aussi. Je savais que ça arriverait dans n’importe quel échange pour Carmelo. Je n’aimais pas le fait de lâcher Moz [Timofey Mozgov] ni le petit meneur [Raymond Felton]. »
En place depuis deux ans, Mike D’Antoni avait en effet réussi à replacer les Knicks dans le positif (28 victoires – 26 défaites) au moment du transfert, porté par le duo Raymond Felton – Amar’e Stoudemire pour mettre en place son pick-and-roll et des joueurs (Danilo Gallinari, Wilson Chandler, Timofey Mozgov, Landry Fields…) qui collaient à son style de jeu autour. L’entraîneur savait que Carmelo Anthony n’était pas fait pour son système, et la démonstration viendra vite.
L’éclaircie de 2013
Après le lockout de 2011, les Knicks coupent Chauncey Billups mais engagent les vétérans Mike Bibby et Baron Davis et surtout le champion NBA Tyson Chandler, pour former un frontcourt alléchant avec Carmelo Anthony et Amar’e Stoudemire.
Malheureusement pour le club, l’absence d’un véritable training camp et d’un meneur performant pour mettre en place le style de Mike D’Antoni empêchent la mise en route de l’équipe. Fin décembre, les Knicks sont encore dans le négatif alors que Carmelo Anthony et Amar’e Stoudemire se marchent sur les pieds, dans les mêmes zones de jeu. L’éclaircie inattendue viendra d’un inconnu, Jeremy Lin. Plombé par les blessures à la mène, et simplement à court de solutions, Mike D’Antoni le lance dans le cinq majeur et ça fonctionne. La « Linsanity » embrase New York, le joueur tournant à 24 points et 9 passes de moyenne pour enchaîner sept succès consécutifs et relancer l’équipe.
« On a traversé ça ensemble et c’était marrant » se souvient l’entraîneur. « En tant que coach, ça m’a aidé, c’est une certitude. On avait la tête sous l’eau. C’était une année difficile, nos meneurs étaient blessés, on n’en avait pas vraiment. C’est une super histoire. Quand on vit ça pendant un mois, ça rapproche. C’est un bon garçon, sa famille est sympa, et c’est quelque chose dont je me souviendrai toujours, et j’espère que je serais toujours proche de lui. »
Cette éclaircie correspond d’ailleurs à une blessure de Carmelo Anthony, qui vit cette folie éphémère en tant que spectateur. À son retour, son entente avec Jeremy Lin n’est pas naturelle et c’est globalement sa compatibilité avec Mike D’Antoni qui se pose. Le coach confirme d’ailleurs que le joueur a demandé aux dirigeants du club de choisir…
S’ouvre alors ce qui est la plus belle période de Melo à New York, sous les ordres de Mike Woodson. Recruté l’été précédent pour seconder Mike D’Antoni, l’ancien entraîneur des Hawks prend sa place au pied levé et profite des blessures d’Amar’e Stoudemire, dont les genoux commencent à lâcher, pour replacer Carmelo Anthony au poste 4. Les Knicks finissent très bien l’année, même s’ils seront finalement balayés par les Celtics lors du premier tour des playoffs.
L’année suivante sera la plus belle de Carmelo Anthony aux Knicks. Ailier fort à plein temps alors qu’Amar’e Stoudemire passe son temps à l’infirmerie, il profite de l’influence positive de vétérans comme Jason Kidd pour porter New York à la deuxième place de l’Est. Dans un groupe plus adapté à son jeu, Melo s’éclate jusqu’en demi-finale de conférence.
Une reconstruction ratée avec Phil Jackson
Mais les belles promesses de 2013 ne dureront pas longtemps. Jason Kidd a annoncé sa retraite et les Knicks tentent le pari Andrea Bargnani. Amar’e Stoudemire se bat avec ses genoux et Tyson Chandler est également souvent sur la touche. Dans ces conditions, New York rate complètement son début de saison et ne se qualifie même pas en playoffs. Seuls les 62 points de Carmelo Anthony, nouveau record de franchise, inscrits face aux Hornets viennent un peu égayer la saison.
C’est alors que James Dolan décide de rappeler une figure mythique du club et de la NBA. Le 18 mars 2014, Phil Jackson est ainsi nommé président des Knicks, moyennant un contrat de 60 millions de dollars sur cinq ans. Le « Zen Master » a les pleins pouvoirs pour replacer les Knicks sur la carte de la NBA et l’ancien coach, vainqueur de 11 titres avec les Bulls et les Lakers, annonce la couleur en voulant mettre en place son fameux triangle et en engageant Derek Fisher pour le faire.
Carmelo Anthony a alors un choix à faire. En fin de contrat, il peut prolonger aux Knicks et être la pièce centrale du projet de Phil Jackson. À 30 ans, il envisage également de rejoindre Chicago, éliminé en demi-finale de conférence par Miami, malgré l’année blanche de Derrick Rose, et qui pense être « à un scoreur du titre ». En s’appuyant sur le retour attendu du MVP 2011 et la signature de Melo, Tom Thibodeau et les Bulls pensent pouvoir faire tomber les « Three Amigos » à l’Est. Au final, l’ailier décide finalement de rempiler chez les Knicks, moyennant un contrat de 124 millions de dollars sur cinq ans.
50 millions de dollars de plus que l’offre des Bulls ? La ville de New York ? Les questions autour de l’état de santé de Derrick Rose ? Difficile de déterminer la raison exacte qui a fait pencher la balance vers un retour aux Knicks.
Toujours est-il que l’association entre Carmelo Anthony et Phil Jackson ne produira pas grand-chose, si ce n’est de la frustration. Après la signature de son nouveau contrat, l’ailier se traîne jusqu’au All-Star Game dans une équipe en reconstruction et en pleine déconfiture. Opéré du genou, il observe ses camarades filer vers la Draft en roue libre. C’est là que le « Zen Master » réalise ce qui reste comme le seul véritable bon coup de son mandat : choisir Kristaps Porzingis.
Car malgré l’arrivée du Letton, le président ne parvient pas à monter l’équipe compétitive promise à Melo. Surtout, son obsession du triangle accentue la déstabilisation d’un club dont c’est l’habitude. Malgré des progrès encourageants – mais quelques soucis hors des terrains – Derek Fisher est ainsi limogé parce qu’il s’est trop éloigné du triangle, Phil Jackson testant son fidèle bras droit, Kurt Rambis, pour finir la saison. Dans la foulée, l’ancien gourou des Bulls et des Lakers se met en tête de transférer son ailier. Le problème, c’est que ce dernier dispose d’une clause anti-transfert…
Habitué des piques publiques en tant que coach, le « Zen Master » reprend la même stratégie pour tenter de pousser Carmelo Anthony vers la sortie. Après les déclarations répétées sur le fait que l’ailier monopolise trop le ballon et les critiques contre son ami LeBron James, il déclare clairement qu’un transfert est la meilleure solution pour les deux camps. Finalement, c’est lui qui a fait ses valises en premier, avant que Carmelo Anthony ne l’imite.
Au final, cette cohabitation de trois ans n’aura jamais porté l’équipe en playoffs. Globalement, Melo quitte d’ailleurs les Knicks avec seulement trois campagnes de playoffs à son compteur avec New York, dont une seule série remportée en 2013, face aux Celtics. Un bilan bien maigre au regard des espoirs créés par son transfert, il y a plus de six ans.