À l’image de la rencontre Serbie-Turquie, la conférence de presse qui a suivi restera dans les annales.
Avec son anglais approximatif, Boscia Tanjevic a passé plus d’une demi-heure à répondre aux questions des journalistes, le tout dans la bonne humeur.
Basket USA était là, et vous fait partager les réponses du coach de la Turquie.
Qu’est-ce que vous avez demandé à vos joueurs sur la dernière action ?
Il n’y avait pas de tactique, je leur ai juste dit d’y aller s’ils trouvaient un trou. Nous avons été chanceux ce soir parce que la Serbie a joué un meilleur match, mais ils ont un peu faibli sous la pression dans les dernières minutes. Ça a été le match le plus dur pour nous depuis le début du tournoi contre une équipe parfaitement organisée. Coach Dusan Ivkovic est un maître dans la préparation de ses équipes, il sait choisir les joueurs qu’il faut pour obtenir un bon collectif. Et alors qu’ils n’ont que trois joueurs expérimentés, ils ont joué le plus beau basket du tournoi.
Qu’avez-vous pensé lorsqu’il a fallu rejouer les 5 derniers dixièmes de seconde ?
J’ai mis sur le terrain nos joueurs les plus capables de changer de joueur en défense sur les écrans en espérant qu’ils nous sauvent. (rires) Aujourd’hui, avec la remise en jeu au milieu du terrain, les dernières possessions sont vraiment dangereuses. C’est très difficile de gagner ce genre de match et il faut de la chance. Aujourd’hui on a été chanceux.
Vous affrontez les Américains en finale. Comment abordez-vous ce match ?
C’est très difficile pour les Américains car ils n’ont pas la même préparation que nous. Nous, nous prenons le temps de nous préparer et nous sommes donc en pleine forme pour le championnat du monde, mais les Américains, ce n’est pas le cas. Ils ne sont pas à 100 % dans ce tournoi parce qu’ils se reposent deux ou trois mois après leur saison. Donc physiquement, ils commencent de zéro en début de stage, tandis que ce n’est jamais le cas pour nous. Pour demain, ce sera plus facile qu’aujourd’hui car on aura moins de pression et si on perd, on sera les « petits » champions du monde, car pour moi, les États-Unis sont vraiment au-dessus. Si on jouait le championnat du monde au mois de juin, les Américains gagneraient de 20 ou 25 points tous leurs matches. Mais à cette période de l’année, c’est plus difficile pour eux et donc cela nous laisse une chance. Mais les Américains sont très forts. Ils ont de très bons joueurs qui sont des athlètes qui peuvent tirer, défendre, jouer intelligemment. Et en plus ils ont un joueur incroyable, Kevin Durant qui sait tout faire sur un terrain.
Souvent, après ce genre de victoire, les équipes ont du mal à se reconcentrer pour jouer un autre match important le lendemain. Vous pensez que votre équipe va y parvenir ?
Les Américains vont avoir deux ou trois heures de plus que nous pour récupérer. (sourire) Vous savez, je pense que nous serons libérés demain. Mon équipe a tellement travaillé pour arriver là. Cette année, je n’ai jamais eu à me plaindre ou à élever la voix durant les entraînements et j’ai toujours fini les séances en félicitant mes joueurs. Donc arriver en finale, c’est une récompense et je pense qu’on sera prêt à jouer ce match.
Cela fait de nombreuses années que vous êtes entraîneur et vous allez bientôt jouer la finale du championnat du monde. Qu’est-ce que cela représente pour vous ?
Énormément de choses ! Vous savez, j’ai toujours passé beaucoup de temps à construire mes équipes. Je suis resté dix ans au Bosna Sarajevo. Ensuite deux ans avec l’équipe nationale yougoslave. Après je me suis échappé en Italie pour gagner un peu d’argent car j’étais mal payé dans mon pays. (rires) Je suis resté quatre ans à Caserte et on est passé de la deuxième division à la finale du championnat contre le grand Milan. Puis j’ai passé dix ans avec Trieste. Et aujourd’hui, ça fait cinq ans que je suis à la tête de la sélection turque. Donc vous voyez, j’aime rester longtemps avec mes équipes pour construire quelque chose. Alors pour moi, jouer demain en finale face aux Américains, c’est quelque chose de très important. En plus si on gagne, ce sera la première qualification de la Turquie pour les Jeux olympiques.
Comment allez-vous faire pour battre les États-Unis ?
Il faudra contrôler les rebonds et ralentir le jeu sans perdre des ballons qui pourraient leur donner des contre-attaques. Mais ils sont tellement forts que ce sera très difficile. On va se préparer du mieux qu’on peut. Ils ont quand même des points faibles. Leur défense sur pick and roll n’est pas très bonne par exemple et ils manquent de taille.
Les trois autres demi-finalistes – États-Unis, Serbie, Lituanie – sont de vrais pays de basket. Est-ce que la Turquie est aujourd’hui devenue un pays de basket aussi ?
Je me souviens des années 1970 quand la Yougoslavie a gagné quatre titres, tous les enfants se sont mis à jouer au basket et ce sport est devenu ce qu’il est aujourd’hui dans ce pays. Pour moi, la Turquie va dans la bonne direction. L’État et la Fédération investissent dans l’avenir en construisant des salles pour les matches et pour les entraînements. Nous avons besoin d’équipements pour pouvoir nous entraîner dans de bonnes conditions et ils sont en train d’apparaître petit à petit. Et puis les bons résultats de l’équipe nationale sont importants, parce que des jeunes enfants qui voient ça, ils ont ensuite envie de jouer au basket plutôt qu’au foot ou à un autre sport. C’est très important.
Propos recueillis par Romain Brunet à Istanbul