La vie d’un rookie en NBA tient parfois à un fil. Ainsi, la destinée de Jeremy Lin, ce meneur inconnu sorti d’Harvard et qui postule sans sourciller à une place dans l’effectif pléthorique des Mavericks. Sans esbroufe, il s’impose de match en match comme un joueur techniquement prêt, et le meneur pur le plus efficace du roster.
D’autres sont plus avancés, mais doivent encore apprendre les ficelles du jeu, comme Dominique Jones, le choix de Dallas à la dernière draft en 25ème position sorti de South Florida. Ce dernier a joué les yeux dans les yeux avec John Wall. Notez plutôt : 28 points à 9/17 aux shoots contre 21 points (et 10 passes). Mais plus encore que sa saillie offensive, Darrell Armstrong, le coach d’été de Big D, relève sa performance défensive contre la menace Wall : « Il a défendu John Wall aussi bien que John Wall a jamais été défendu. »
Mais d’autres encore, tel Rodrigue Beaubois, doivent ajouter une corde à leur arc. On est désormais loin de ce 29 avril quand Roddy sortait du banc pour tenter un dernier baroud d’honneur contre les Spurs dans le crunch time de la postseason. Avec 16 points au compteur, il avait été (outre Nowitzki of course) le seul à proposer une alternative offensive viable dans le système ankylosé de Carlisle. Mais cet été, dans le désert du Nevada, là où ce qui s’y passe y reste, selon le slogan de la ville de tous les possibles, Beaubois a une toute autre mission.
Placé sous la tutelle de l’aboyeur Darrell Armstrong, il apprend tant bien que mal à devenir un meneur de jeu.
« Il est déjà un scorer, mais il doit devenir un playmaker. C’est son défi. C’est lui qui va décider comment vont jouer les gars en camps d’été à Vegas. Il doit savoir quand on doit trouver un bon shoot. Il doit appeler le bon système pour que ses coéquipiers se placent correctement. La communication avec ses partenaires va être fondamentale. Ça va être une très bonne expérience pour lui car il va devoir faire cela la saison prochaine. »
Et l’expérience s’avère complexe. L’ancien pensionnaire des Mauges alterne encore le correct et le médiocre. Le correct : un match gagné en duo avec JR Giddens contre les Bucks dans les dernières minutes d’une prolongation. Au total, Beaubois avait été plutôt consistant : 15 points à 6/14 et 7 passes (mais 8 balles perdues quand même). Le médiocre : hier soir, dans son duel déjà entouré de hype contre le n°1 de la draft 2010, John Wall, Rodrigue est passé au travers. 16 petites minutes de jeu, 9 fautes commises et une petite entorse à la cheville. Bref, une soirée à oublier.
« Horrible, horrible. J’ai joué super mal. Mais il reste un dernier match. Il faut que joue concentré. »
Si la summer league lui avait souri l’an dernier (17 pts, 3.8 pds, 3.4 rbds, 48 % aux tirs et 42% à 3-points), elle est cette année un calvaire pour Rodrigue qui cumule plus de balles perdues (19) que de passes (13), beaucoup trop de fautes (23) et un pourcentage aux shoots assez lamentable (39,6 %) dont un 5/22 derrière l’arc (22,7%).
« Je suis frustré parce que je sais que je peux jouer mieux que cela. J’ai fait beaucoup trop de grosses erreurs. C’est difficile de jouer aussi mal, mais dans le fond, c’est bien parce que j’apprends de mes erreurs. Je perds beaucoup trop le ballon. Mais c’est deux choses différentes que de jouer meneur. L’an dernier, j’entrais et on me disait d’être agressif. Maintenant, je dois faire jouer l’équipe, c’est autre chose. Je travaille là-dessus. »
Mais la patience est de mise dans le staff des Mavs. Le natif de Pointe-à-Pitre a déjà appris à surprendre ses dirigeants par sa capacité à saisir sa chance, répondre présent dans les moments chauds, et élever son niveau de jeu pour remplir les attentes. Opposé à des meneurs confirmés, comme Ty Lawson, puis John Wall ; et dans un contexte de jeu très approximatif où le jeu de passes est très limité par les exploits en un contre un des joueurs qui essaient de se faire leur place au soleil, Beaubois sait que l’apprentissage sera un chemin semé d’embûches mais il se concentre encore à améliorer son anglais.
« Il est horrible ; mais je travaille, et il s’améliore. Je m’exprime déjà plus facilement. Mais [Darrell] me pousse à parler sur le terrain parce que ce n’est pas ma nature. Il fait du bon boulot et ça m’aide beaucoup. Il a été lui-même un bon joueur dans cette ligue, alors je l’écoute. Ce n’est pas ma nature mais ça vient. Je le sens. »
A plus d’un titre, la phase d’apprentissage de la NBA est encore longue pour le jeune français ; mais le processus n’en est que plus excitant. Et si Wall l’a dominé hier soir, la tendance pourrait bien s’inverser sous peu si l’on en croit les dires de l’ancien meneur du Magic, époque T-Mac.
« Il est encore inconstant en ce moment, mais c’est précisément pourquoi il vient en ligue d’été, pour apprendre la position de meneur. Il apprend encore comment faire jouer l’équipe d’abord. Il doit encore comprendre comment jouer pour créer son propre shoot et garder ses coéquipiers dans le match. C’est une bonne expérience pour lui. »
Avec la corde vocale à son arc, Beaubois se prépare doucement mais sûrement à prendre le relais de l’icône Jason Kidd dans les années à venir. Vegas n’est qu’une étape supplémentaire dans son développement. Tout comme le sera certainement son séjour turc au sein de l’équipe de France à la rentrée.