On vante si souvent les mérites de l’attaque des Spurs qu’on en oublie que Gregg Popovich et son staff ont réussi à faire de San Antonio la meilleure défense du pays. À l’exception de Kawhi Leonard, meilleur défenseur en titre, il n’y a pas d’athlète exceptionnel dans l’effectif, et pourtant les champions 2014 encaissent moins de 90 points par match. De surcroit dans une conférence réputée pour son basket offensif. Gros plan sur quelques clés pour comprendre cette formidable forteresse.
Des défenseurs expérimentés et malins
Statistiquement, les Spurs possèdent l’une des meilleures défenses des 40 dernières années. Chaque soir, on voit ainsi leurs adversaires être étouffés et ne pas arriver à trouver leurs solutions offensives habituelles. La première raison est simple : San Antonio possède des défenseurs individuels de grande qualité. Tim Duncan, Kawhi Leonard et Danny Green sont ainsi excellents et très malins dans les couvertures défensives. Le premier maîtrise son poste sur le bout des doigts, oriente et dissuade pendant que les deux extérieurs sont capables de tenir en un-contre-un tout en se montrant assez mobiles pour gérer des surnombres en cas de prises à deux.
Tony Parker assure son boulot et alors qu’il n’était pas réputé dans le domaine lors de ses années à Portland, LaMarcus Aldridge se révèle un défenseur étonnant depuis son arrivée à Fort Alamo. Plus rapide qu’on ne l’imaginait sur ses appuis et plus volontaire, il se sert bien de son envergure et tient le choc lors des changements à l’extérieur.
Comme la plupart des équipes NBA, les Texans « icent » les pick-and-roll, c’est-à-dire qu’ils orientent les porteurs de balle adverses vers le côté du terrain pour leur éviter l’axe central de la raquette, où les choix sont alors trop nombreux.
En faisant cela, San Antonio élimine déjà pas mal d’options pour l’attaque. Car lorsqu’un meneur adverse parvient à prendre le couloir central de la raquette avec un temps d’avance sur son meneur, la défense est dans la réaction et la suite est souvent fâcheuse. Obligée de déclencher une aide, la défense a dès lors toujours un coup de retard et pour peu que l’attaque fasse correctement tourner la balle, il y a de fortes chances qu’elle arrive à trouver un bon tir au bout du compte.
L’obsession de ne jamais laisser d’accès au cercle libre
Avec également des remplaçants intelligents et expérimentés en défense (Boris Diaw, David West, Manu Ginobili) et d’autres capables d’être de vraies pestes (Patty Mills), les Spurs ont déjà tout ce qu’il faut pour gêner leurs adversaires.
Mais ce qu’on remarque aussi lors des matchs de San Antonio, c’est une obsession à ne jamais laisser l’accès au cercle libre en cas de différence à l’extérieur. La défense « ICE » (ou « PUSH », comme l’appellent Gregg Popovich et ses assistants) met ainsi toujours un intérieur entre le porteur du ballon qui profite d’un écran haut et le cercle.
Sur cette séquence face à Cleveland, la situation est pourtant différente.
Après un changement, Tim Duncan se retrouve face à LeBron James. Le King reconnait un matchup favorable et décide alors de joueur l’isolation. Son équipe s’écarte et l’ailier s’apprête à attaquer l’intérieur des Spurs sur un quart du terrain.
Sauf que du côté des Spurs, Manu Ginobili dézone et vient se placer derrière son camarade pour ne pas permettre à LeBron James d’attaquer trop facilement le cercle dans le cas (probable) où il arriverait à faire la différence par le dribble. Bloqué par ce double rideau, le quadruple MVP déclenche finalement un trois points compliqué… et raté.
Kawhi Leonard, le maître du côté faible
Si une telle stratégie empêche forcément l’adversaire de profiter des duels avantageux et bloque l’accès au cercle (ce n’est d’ailleurs pas un hasard si San Antonio est l’équipe qui autorise le plus faible pourcentage aux tirs à moins de 3 mètres du cercle : 50.9% de réussite), elle pose par contre forcément un problème du côté où le ballon n’est pas.
Du côté faible, les adversaires des Spurs devraient donc avoir un avantage lorsque les intérieurs sont emmenés au large mais également lorsque les Texans décident de faire une prise à deux. La séquence suivante est toutefois révélatrice.
Car dès que Dirk Nowitzki voit qu’il est défendu par Danny Green, il demande la balle poste bas. Tony Parker abandonne alors son joueur pour aider et forcer l’Allemand à lâcher le ballon. La technique est risquée, sachant que les Spurs font face à un surnombre évident de l’autre côté du terrain, Wesley Matthews et Raymond Felton attendant le ballon pour dégainer.
Sauf que Kawhi Leonard, par sa vitesse et son envergure, peut tout à fait couvrir le côté faible (soit quand même un quart du terrain !) à lui seul. Dès que Wesley Matthews reçoit le ballon, l’ailier se précipite pour couper la ligne de passe vers Raymond Felton et forcer l’ancien Blazer à repasser vers le centre. Tony Parker retrouve son joueur alors que Dallas a perdu l’avantage du matchup de Dirk Nowitzki et qu’il ne reste plus que cinq secondes à l’horloge. Deron Williams est alors obligé de prendre un tir à mi-distance compliqué face à Tim Duncan.
Et le schéma est identique un peu plus tard dans le match.
Depuis des années, le trophée du meilleur défenseur n’est pas forcément décerné au joueur étant le plus capable d’arrêter son adversaire mais à celui qui possède la plus grande influence défensive. C’est pour cela que les pivots y régnaient en maître, car les équipes utilisaient l’intimidation de leurs géants comme base de leurs stratégies défensives.
Avec cette capacité à gérer les surnombres côté faible, Kawhi Leonard apporte lui tant sur la défense directe que sur l’influence défensive. Car non seulement le MVP des Finals 2014 est un monstre en un-contre-un mais sa gestion de l’aide et des zones sans ballon permet à San Antonio de développer toute une stratégie pour bloquer l’accès au cercle et mettre en place des prises à deux risquées. Voire suicidaires… s’il n’était pas là pour en gérer les conséquences.