Après sept saisons sous le maillot de Portland, Nicolas Batum (16.4 points, 6.5 rebonds, 4.7 passes décisives) a mis le cap à l’Est cette saison en rejoignant Charlotte. Nouvelle conférence, nouvelle équipe, nouveau rôle pour l’ailier de l’Équipe de France. Après les deux premiers mois de la saison régulière, le bilan est plutôt positif même si la marge de progression du groupe, encore très jeune, reste immense.
Propulsé leader au sein d’un effectif dont il est l’un des vétérans, Nicolas Batum revient sur son début de saison et nous donne son avis éclairé sur les principaux favoris en NBA. Il nous parle aussi de sa relation avec Michael Jordan, le propriétaire des Hornets, et évoque la vie d’un joueur NBA pendant les fêtes de fin d’année.
« La conférence Est est très dense et très relevée »
Nicolas, les Hornets réalisent un excellent début de saison. Comment expliquez-vous ces bons résultats à la fois sur le plan collectif et aussi sur le plan individuel ?
On peut dire que l’on est à peu près satisfaits parce qu’on a tout de même perdu quelques matchs qui nous ont échappé sur des petites erreurs, et le coach n’est pas toujours entièrement satisfait de ce que l’on peut produire pour l’instant. C’est quelqu’un de très perfectionniste, mais c’est tout de même plutôt un bon début de saison. L’équipe a vraiment essayé de se renforcer cet été en signant des free agents et en s’activant sur le marché des transferts. On est en train de voir le travail qui s’effectue depuis deux ou trois mois. Pour le moment, ça se passe plutôt pas mal.
La Conférence Est est très homogène depuis le début de la saison, qu’est-ce qui fera la différence au cours des prochaines semaines et prochains mois ?
Pour départager les huit équipes qui feront les playoffs à l’Est, il y aura un peu de chance, un peu de blessures, il faudra rester en bonne santé, le calendrier, gérer les effectifs… C’est un petit mix de tout ça qui va jouer jusqu’à la fin de saison mais c’est vrai que la Conférence Est cette année est très relevée et très dense. Beaucoup d’équipes ont progressé par rapport à l’année dernière comme par exemple Detroit, Orlando, Boston, Indiana avec le retour au top de Paul George, nous-mêmes, et puis il faut ajouter celles qui étaient déjà en haut par le passé comme Cleveland, Toronto, Atlanta, Miami… Je ne vais pas toutes les nommer mais c’est une conférence qui, je pense, est assez intéressante à suivre.
Sur le plan personnel, vous tournez à près de 17 points de moyenne. Comment vivez-vous le fait d’être à nouveau l’un des principales armes offensives d’une équipe ?
À Portland, j’avais un rôle différent de celui qui est le mien aujourd’hui. Attention, ce n’est pas comme si je ne jouais pas à Portland… J’avais le plus gros temps de jeu de l’équipe. Mais les responsabilités n’étaient pas les mêmes. Je m’étais mis moi-même dans un rôle « d’all-around player » comme on dit ici.
On avait quand même LaMarcus Aldridge et Damian Lillard qui étaient les deux gros scoreurs de l’équipe, avec également Wes Matthews comme autre option offensive, et j’étais quant à moi dans un rôle un peu plus complet, que j’aimais beaucoup d’ailleurs parce que l’équipe tournait bien. On prenait beaucoup de plaisir à jouer ensemble et on gagnait beaucoup de matchs. Maintenant c’est différent. C’est vrai que j’ai un rôle beaucoup plus complet où l’on me demande plus de scoring. Au final, mes stats aux rebonds et passes n’ont pas forcément beaucoup bougé. Mais mon rôle au niveau du scoring a beaucoup évolué. J’ai aussi plus de balles en main et c’est assez intéressant pour la suite.
L’équipe de Charlotte est globalement très jeune, si l’on excepte Al Jefferson. Comment vivez-vous ce rôle de vétéran au sein du groupe ?
Ça aussi, c’est un changement important pour moi parce que j’ai souvent été l’un des plus jeunes joueurs de l’équipe et c’est vraiment l’une des premières fois où je me retrouve dans les vétérans. C’est un rôle différent pour moi mais assez intéressant au niveau du leadership, et le fait d’être un peu plus vocal. C’est une nouveauté pour moi.
« J’ai gagné un pari avec Michael Jordan »
Comment évoluez-vous sur le terrain avec Kemba Walker à la mène et Al Jefferson comme point d’ancrage dans la raquette ?
C’est vrai que si on regarde l’axe Kemba – Jefferson, c’est un peu ce que j’avais déjà à Portland avec Lillard et Aldridge. Kemba est pour moi l’un des joueurs les plus sous-estimés de la ligue. Son nom est souvent assez délaissé dans la liste des meilleurs meneurs mais c’est un joueur qui est très « clutch », qui n’a peur de rien, qui nous fait de gros, gros matchs et qui réalise une très grosse saison pour l’instant. Et Jefferson, je pense que balle en main poste bas, il n’y a pas beaucoup de monde qui puisse l’arrêter et au niveau intérieur, je pense qu’il est dans le Top 3 de la NBA. Donc c’est assez intéressant d’évoluer avec des joueurs comme ça.
L’une des particularités des Hornets, c’est que beaucoup de joueurs ont été champions NCAA ou sont passés par le Final Four : Walker, Lamb, Hansbrough, Kidd-Gilchrist, Marvin Williams, Troy Daniels, ou encore les rookies Frank Kaminsky et Aaron Harrison. Est-ce que cela apporte quelque chose de différent et de particulier à l’équipe ?
On est une équipe jeune, c’est vrai, mais on a des jeunes joueurs qui ont connu de très gros matchs avant d’arriver en NBA parce que les Final Four NCAA, faut les jouer quand même… C’est le pays entier qui regarde dans des stades de 80 000 ou 90 000 places quand on a 18 ou 19 ans. Faut les faire ces matchs-là. On a beaucoup de joueurs qui l’ont gagné ou qui sont allés jusqu’en finale. On a donc l’expérience de matchs à grosse pression et c’est peut-être ce qui nous aide à franchir un cap cette saison.
Charlotte Hornets : propriétaire Michael Jordan. Comment se passe votre relation avec « His Airness » ?
La première fois qu’il te parle, tu es forcément assez impressionné. Mais en le côtoyant au quotidien ou presque tous les jours, il devient presque « normal ».
Avez-vous une anecdote ou une petite histoire à nous raconter ?
On avait un petit pari en cours entre lui et moi. Avec ma femme, on attend un bébé et on a découvert le sexe de l’enfant la semaine dernière et on avait parié là-dessus. Lui était persuadé que ce serait une fille, moi je disais un garçon et ce sera un garçon, donc j’ai donc gagné par rapport à ça. Mais ça montre le genre de relation qu’il entretient avec ses joueurs.
C’est quelqu’un de très accessible, très ouvert. Il restera quoi qu’il arrive la légende ultime et adulée par le monde entier mais il reste quelqu’un de « normal » et qui adore le basket avant tout.
Garde-t-il un rôle sur le plan du basket au sein de l’équipe ou essaye-t-il de ne pas trop s’impliquer ?
Je pense qu’il essaye de rester en retrait comme par exemple pendant les matchs parce qu’il est assis au bout du banc avec nous mais quand le match commence à être tendu, c’est limite s’il ne veut pas entrer sur le terrain. Il est toujours entrain de parler et de nous encourager, et nous donne des conseils tout le temps pendant les 48 minutes.
« Les Spurs restent l’équipe à abattre. Devant les Warriors »
Revenons sur le début de saison au sein de la ligue avec en premier lieu l’incroyable série des Warriors. Un commentaire sur leur parcours ?
Comment ne pas suivre la série des Warriors ? C’est impressionnant la façon dont ils jouent et imposent leur jeu. On a joué contre eux pendant cette série et on a pu constater la façon dont ils jouaient.
J’ai l’impression qu’ils sont encore plus forts que l’année dernière. Ils ont acquis une confiance supplémentaire, non pas qu’on ne les prenait pas au sérieux l’an passé mais ils n’avaient « encore rien fait ». Maintenant qu’ils ont une bague et sont allés au bout, ils auraient pu se relâcher mais ils sont au contraire encore plus concentrés et impliqués. Ils ont perdu un match mais bon, ils ont tout de suite gagné derrière et vont pouvoir relancer une série. Ils vont être difficile à chercher cette année.
Pas si loin derrière les Warriors, on retrouve les Spurs. Seront-ils leurs principaux rivaux ?
Oui bien sûr. Les Spurs sont et resteront l’équipe à abattre à l’Ouest, devant les Warriors. Ils ont… tout. Et puis ils ont désormais en plus l’émergence de Kawhi Leonard et ils ont signé Aldridge. On a beau me dire que les Spurs sont vieux, quand je suis arrivé en NBA en 2008, on disait déjà qu’ils étaient vieux à cette époque. Pour moi, tant que le « Big Three » sera là, ils seront toujours dangereux.
Tim Duncan approche des 40 ans mais reste au même niveau année après année. Pourrait-il conserver ce même niveau de jeu s’il joue jusqu’à 42, 43 ans ?
Il aurait toujours les mêmes stats, c’est sûr et certain. C’est vrai qu’il est assez impressionnant. C’est un homme qui doit avoir une hygiène de vie hors du commun pour rester compétitif aussi longtemps de cette façon, et puis les résultats sont là parce que c’est pas quelqu’un qui ne joue que 82 matchs par saison. Il passe plusieurs fois le deuxième tour pour aller en finale de conférence puis en finale NBA. Ce sont de longues saisons et il est toujours là.
« Cleveland peut être battu »
Et enfin OKC avec le duo qui carbure le plus, ne serait-ce que sur le plan statistique avec Russell Westbrook et Kevin Durant.
« KD » revient très bien après une saison assez galère l’année dernière. Il a des stats à la « KD ». Capable de mettre 30 points comme ça d’un claquement de doigts, et Westbrook a peut-être moins d’impact que l’an passé à cause du retour de Durant et il a peut-être moins de shoots puisqu’il faut les partager, mais s’il veut faire 30 points, 10 rebonds, 10 passes dans un match, il le fera. Ça reste un très gros outsider à l’Ouest.
Passons à l’Est. Cleveland peut-il être battu ?
Oui, je pense que Cleveland peut être battu mais pas facilement. Ils ont le meilleur joueur du monde ex-æquo (je n’arrive pas à les départager avec Curry). Ils ont Kyrie qui revient, ils ont Kevin Love qui est, je pense, enfin installé. Changer de statut comme ça et passer de superstar à « role player » a nécessité un ajustement pour lui. Il revenait aussi de blessure. Là, il fait une énorme saison. Et puis si l’on ajoute les seconds couteaux comme Shumpert ou Mozgov, très bien coachés par David Blatt… C’est une équipe armée pour aller au bout.
Les Hornets peuvent-ils être l’un des challengers à l’Est ?
Pourquoi pas ? C’est vrai que l’on n’est pas forcément très connus, avec beaucoup de nouveaux joueurs donc je pense qu’on peut surprendre pas mal de monde. On va tout faire pour.
Pour finir, je me permets de vous souhaiter de joyeuses fêtes au nom de tout Basket USA. D’ailleurs, comment vit-on le fait d’être sur la route pour Noël ou le Nouvel An, parfois loin de sa famille ?
Cette année, le calendrier est assez sympa pour moi. Je suis chez moi à Noël. Je ne joue pas le 24 et le 25 décembre, et je reprends le 26 à domicile. Je serai à la maison avec ma mère, ma soeur et ma femme, et on fera un petit Noel en famille à quatre. Par contre pour Nouvel An, je serai le 31 au soir à Toronto, mais je préfère passer Noël à la maison et être en déplacement pour le 1er janvier.
Propos recueillis à Washington.