Les Américains ont eu Christian Laettner, nous, on a Mam Jaiteh ! Rookie et douzième homme de la plus belle sélection bleue de l’histoire, Mouhammadou Jaiteh est un petit veinard bien conscient de sa chance.
Le pivot de Nanterre savoure pleinement son parcours aux côtés des tauliers Parker, Diaw, Batum. Il apprend beaucoup… et très vite. Pour celui qui a vu le train NBA lui passer sous le nez, cet Eurobasket est bien plus qu’un simple lot de consolation.
Mam, vous êtes en quart de finale. Pour le moment, tout se passe comme prévu, quelle est votre principale force ?
On a une équipe complète. Si on regarde depuis le début de la compétition, c’est à chaque fois un nouveau joueur qui prend la relève. On a la chance d’avoir Nando qui est tout simplement exceptionnel en ce moment. Mais chacun apporte sa pierre à l’édifice. C’est ce qui fait la force de notre équipe.
Le parcours n’a pas été de tout repos jusqu’à Lille…
Oui, tout le monde pensait qu’on allait passer le premier tour aisément. Mais ça n’a pas été le cas. On a certes obtenu cinq victoires mais ce sont des succès qu’on est allé chercher dans la difficulté. Chaque match est à prendre au sérieux.
Toi, en tant que rookie, tu vis ça avec des yeux écarquillés et une vraie joie de vivre, est-ce que tu te rends compte de ta chance extrême de jouer cet Euro à domicile avec ce qui est de l’avis de tous, la meilleure équipe de France de l’histoire ?
C’est un moment inoubliable. Mais je pense que je ne réalise pas encore, et d’une certaine manière, c’est ce qui m’aide à le vivre. Je n’essaie pas de prendre du recul pour regarder ce qui se passe. Je fonce tout simplement, je ne me prends pas la tête. Je profite de chaque moment en me disant qu’à la base, je n’aurais pas forcément dû être là.
Et ce public au Stade Pierre Mauroy alors ?
C’est une sensation incroyable. Rien que de venir s’échauffer quand on arrive sur le terrain, on sent l’émotion qui monte d’un coup. Même Tony dit qu’il n’a joué qu’une fois dans une salle plus grande que ça. C’est impressionnant. Je pense qu’avec ce public, l’équipe a été boostée. Ce n’est pas un hasard pour moi si l’équipe a fait son meilleur match devant ce public-là.
« Boris, c’est le Capitaine et ce n’est pas pour rien ! »
En général, les fans vous suivent partout pour demander des autographes et autres, est-ce que tu as été surpris par cet engouement populaire, à Montpellier comme à Lille ?
Pour moi, tout est une surprise. Depuis qu’on est arrivé à Lille, il y a une nouvelle dimension. Mais ça nous porte positivement.
Comment l’équipe gère ces deux jours de repos avant le quart ? C’est trop long ou c’est ce qu’il faut ?
Il y a pas mal de temps consacré aux soins et au repos pour les joueurs qui ont été particulièrement sollicités. Parce qu’il reste encore trois matchs et ça va être la guerre. Après, pour les autres joueurs qui ont moins joué, ils s’entraînent pour faire travailler le cardio, comme moi, Léo, Charles. Car tout le monde doit être prêt. C’est le mot d’ordre.
Est-ce que vous faites plus de vidéos pour étudier le jeu de la Lettonie ?
Non, on se prépare de la même manière. On ne veut pas se surestimer mais il ne faut pas non plus avoir peur de notre adversaire. Si on changeait nos habitudes, ça serait un signe de crainte. On fait comme d’habitude.
Peux-tu nous parler de ce prochain adversaire ?
C’est le genre d’équipe qu’on n’aime pas jouer parce qu’ils n’ont pas de Rudy Gobert, de Joffrey Lauvergne, de vrais intérieurs. Ils jouent beaucoup sur les extérieurs. Ça court beaucoup, c’est assez fuyant, c’est assez mobile. On n’a pas encore commencé, on fera ça avant le dîner. Mais on a déjà travaillé sur nous-mêmes. Si tout le monde est rigoureux, si tout le monde est concentré, on a tous les éléments pour aller jusqu’au bout.
On t’a vu très proche de Boris Diaw qui t’a un peu pris sous son aile. Qu’est-ce que ça t’apporte d’évoluer à ses côtés ?
C’est le Capitaine et ce n’est pas pour rien. C’est lui qui prend le temps de tout expliquer, de te répondre si tu as des questions. Il va toujours chercher à t’aider à corriger des choses, à te faire des remarques pour te faire prendre conscience de certaines choses. S’il a quelque chose à te dire, il te le dit. Quand il faut rigoler, il est toujours présent. C’est un gars simple mais on le respecte pour tout ce qu’il fait sur et en-dehors du terrain.
« La draft NBA ? La première claque de ma carrière »
Sur quels aspects de ton jeu t’a-t-il le plus aidé ? Sur la mécanique de shoot, sur le placement…
C’est un peu plus sur le placement qu’il se permet de me donner des conseils. C’est très bien pour moi. Il m’aide à savoir où me mettre. Et ça porte déjà ses fruits ! Il y a déjà un ou deux paniers que je mets grâce à ces conseils, et ceux de Nando.
Tu es placé dans un accélérateur de particules avec les Bleus, comment tu évalues ta progression depuis le début de l’aventure cet été ?
Je progresse énormément. Que ce soit au niveau des coachs ou au niveau des joueurs, j’ai des conseils tout le temps. J’essaie au maximum de me nourrir de toutes ces informations. C’est un stage d’apprentissage, version complète !
Sans vouloir remuer le couteau dans la plaie, cette draft NBA ratée te semble-t-elle déjà loin ?
Ça a été digéré dès le lendemain. Je me suis surpris moi-même. J’ai bien réagi à cet échec, car ç’en est un ! J’ai pris une bonne claque ! Et c’était vraiment la première de ma carrière, on peut dire. Comme j’ai rebondi ici, ça fait un contraste énorme, ça m’a aidé énormément. C’est le genre d’événements qui va me servir de motivations dans les moments difficiles.
Et puis, tu évolues aux côtés de joueurs NBA ici, en Bleu…
Oui, c’est ça. J’ai déjà un avant-goût de ce que c’est. Ça nourrit mon envie pour la suite.
Propos recueillis à Lille