Début des années 90. Tous les recruteurs de la planète essaient en vain de dénicher le nouveau Michael Jordan. Un joueur universitaire lui ressemble beaucoup. Langue pendante, maillot rouge et n°23. Bon, il y en a pas mal qui essaient d’imiter le Maître. Là où ça devient véritablement original, c’est que notre homme est surnommé « Baby Jordan ».
Ainsi débute la fabuleuse histoire d’un kid américain né le 5 mai 1971, à 500 m du Forum d’Inglewood, la salle qui verra briller les Lakers version showtime. A quelques mètres de la nouvelle salle des Clippers. Tout le rapprochait de l’équipe californienne. Mais il ressemble désormais comme deux smashes à Michael Jordan. Ah, on allait oublier : l’intéressé se nomme Harold Miner (1,96 m, 95 kg). « Il n’y a pas meilleur que Michael. Jouer plus tard avec lui serait grandiose. »
Il en rêve et il y croit, le jeune Harold. Cet arrière shooteur gaucher idôlatre Jordan au point d’adopter tous ses tics, ses manières, sa démarche et même sa « coupe » de tifs. « Je ne m’en rends même pas compte . Les gens pensent que je le copie mais ce n’est pas vrai, j’essaie juste d’être le meilleur en restant moi-même. »
Tout comme Michael. Ou presque…
Harold est bien parti. Il parle presque comme Sa Majesté. Son étiquette « Baby Jordan » n’est pas usurpée. Pincez-vous, vous ne rêvez pas. Il y a vraiment du « M.J. » dans le jeu de Miner, capable de prendre feu et de planter dans toutes les positions. Harold est une véritable star universitaire. A sa sortie du lycée, l’Inglewood High School, il est contacté par les plus prestigieux colleges. En high school, Miner tournait à 29 points et 10 rebonds. Ça vous permet de choisir votre future formation. Sa préférence ? North Carolina. Tiens, tiens… Comme Michael.
Le recrutement devait se réaliser quand l’assistant coach de l’époque, Roy Williams, fit ses valises pour Kansas. Manque de chance, Kansas est suspendu pour le tournoi final. Harold s’inscrit donc à Southern California University, près de chez lui. Le coach de la fac n’est autre que le célèbre George Ravelling. « Harold est le joueur que j’ai eu le plus de mal à recruter », confie celui-ci. « Si North Carolina n’avait pas hésité, il jouerait pour les Tar Heels. »
Du haut de son 1,96 m, « Baby Jordan » entame, en cette année 1991, sa troisième saison sous les couleurs californiennes. L’année précédente, il a permis à son équipe de disputer, pour la première fois depuis six ans, le tournoi final NCAA. Il est alors en passe de battre le record de points inscrits par Sean Elliott, l’ailier vedette des San Antonio Spurs, dans la Conférence Pac 10. Miner est un sacré shooteur extérieur. C’est aussi un fabuleux créateur offensif. Mais c’est avant tout un smasheur époustouflant. Comme « Air ». « Dieu m’a béni », dit-il. « Il m’a offert la créativité et une détente d’enfer. Smasher est un soulagement pour moi. J’adore monter au plafond et déchirer le cercle. » « Je crois que le ciel est sa seule limite », ajoute son coach. « Il doit maintenant apprendre à bien défendre et penser au rebond. »
Son dunk préféré ? Le « cup dunk » : une prise d’élan, un tour sur lui-même, le ballon coincé entre la main gauche et le poignet, un petit mouvement moulin à vent, le tout si possible sur la tête d’un défenseur. Aïe ! L’ex-coach de Notre Dame, Digger Phelps, voit en lui une future légende de la NBA :« Il va devenir l’un des plus grands marqueurs que le basket pro ait jamais connus »…
Ado, Harold Miner défie Michael Jordan en un-contre-un !
Le plus drôle, c’est que Harold a déjà rencontré son idole. Il a même disputé un « one on one » avec Jordan. Six ans plus tôt, lors d’un camp d’été, Miner termina meilleur stagiaire de la promotion. Suprême récompense, Michael lui proposa un face-à-face. Le premier à cinq paniers gagne. « A toi l’honneur… »
Miner ne se dégonfle pas et marque les quatre premiers. A un tir du paradis. Sur sa cinquième tentative, Jordan lui colle un contre et smashe dans la foulée. Michael déroule. Miner ne peut empêcher Sa Majesté de remporter ce petit duel. Au début des années 90, Jordan ne se souvient plus exactement de ce jeune joueur. « J’aimerais bien le retrouver et lui dire de rester lui-même », déclare le top scoreur de la Ligue.
Miner possède le don de se faire remarquer. Il y a son look, son jeu mais aussi des comportements pour le moins bizarres. Ainsi, Harold a la sale manie de mettre son nez partout. Pas un objet n’échappe à la détection de ses narines. « Je ne renifle pas mais j’adore toucher avec mon nez. C’est bizarre, je vous l’accorde ! »
« Baby Jordan » aime bien aussi claquer des doigts, parler tout seul et caresser les parquets de la main avant de jouer. Avant chaque lancer franc, il caresse le ballon, caché derrière son dos. Folie ou superstition ? Sa mère analyse son comportement : « Harold peut sembler excentrique mais il désire être le meilleur ».
Alors, Michael et Harold réunis sous le même maillot, c’est pour quand ? « Je ne sais pas », répond Miner. « Je suis sûr d’avoir toutes les qualités pour réussir en NBA. Mais je dois me préparer. Je raisonne année après année. Je fais comme je le sens. »
Rien, évidemment, ne se passera comme prévu. Durant sa saison junior, en 1992 (sa dernière à la fac), l’histoire s’emballe. L’hebdomadaire américain « Sports Illustrated » en fait son joueur universitaire de l’année, aux dépens de Shaquille O’Neal et Alonzo Mourning (Christian Laettner et Tom Gugliotta sont de la même promo). Les Trojans abordent le tournoi NCAA avec la tête de série n°2 dans la région Midwest (Kansas est premier).
12e choix de la Draft
Au deuxième tour, c’est le drame… Georgia Tech élimine USC (79-78) sur un tir primé au buzzer de James Forrest qui demeure l’un des exploits les plus épiques de la « March Madness ». Preuve de la défiance dont il fait désormais l’objet, Miner est retenu en douzième position de la draft, derrière les quatre joueurs cités plus haut mais aussi Jim Jackson, LaPhonso Ellis, Clarence Weatherspoon ou Robert Horry, qui le précède d’un rang. Point de chute : Miami.
Durant sa saison rookie en Floride, Miner dépasse tout juste les 10 points de moyenne (10.3). Difficile d’exister derrière deux gâchettes comme Glen Rice et Steve Smith. Harold se voit convier au Slam Dunk Contest de Salt Lake City, en 1993. Shawn Kemp, blessé (mais seulement sixième du concours l’année précédente), doit renoncer. Cedric Ceballos, vainqueur en 1992, termine troisième et perd sa couronne au profit de l’arrière du Heat, à peine inquiété par Clarence Weatherspoon.
En 1995 à Phoenix, Miner doit relever le même challenge : battre le champion sortant, en l’occurrence Isaiah Rider. Il devance l’arrière-ailier de Minnesota au premier tour comme en finale (46 pts contre 34) et réussit donc le doublé à deux ans d’intervalle.
Un surnom maudit
Mais à Miami, sa situation n’évolue guère. Cette saison-là, il chute même à 7.3 points (45 matches). Les talents de dunkeur d’Harold font l’unanimité. Sorti de ce registre, il ne convainc pas du tout. Ses coaches, Kevin Loughery et Alvin Gentry, ne croient tout simplement pas en lui. Le premier, peu sensible à son sens du spectacle, met carrément en cause son Q.I. basket, en plus de sa défense… Miner porte comme un fardeau sa double étiquette, celle de marsipulami et celle de successeur du Roi. George Ravelling, son coach à USC, ne dit pas autre chose : « Je crois que la pire chose qui soit arrivée à Harold, finalement, fut d’hériter de ce surnom, Baby Jordan… »
Le 14 juin 1995, Miner est envoyé à Cleveland contre un deuxième tour de draft. Les Terrell Brandon, Danny Ferry, Dan Majerle, Bobby Phills et autres Chris Mills s’inviteront en playoffs mais Harold ne participera pas à la fête. Avec ses 19 matches, 7.2 minutes et 3.2 points de moyenne, il est au niveau de John Crotty…
Le 18 octobre, Cleveland essaie de le refourguer à Toronto mais Victor Alexander échoue lors des tests médicaux. Miner, blessé au genou, dispute son dernier match NBA en février 1996. Cinq misérables minutes dans une défaite de 26 points contre Chicago… Il est beau, le nouveau Jordan !
Coupé dans l’Ohio le 8 août, il tente sa chance chez les Raptors mais se fait remercier durant la présaison. Haro sur Harold… Que faire ? Quémander une pige dans une Ligue mineure ? Tenter l’aventure européenne ? Rien de tout ça. Dégoûté du jeu, le natif d’Inglewood met carrément un terme à sa carrière pro. Médiatiquement aussi, il prend sa retraite. Pas d’interviews, pas d’apparitions publiques, hormis en 2012 lorsque sa fac’ a retiré son maillot. L’occasion de revenir sur sa carrière, manquée… « Je crois simplement que je n’ai pas été capable d’être à la hauteur de mes ambitions. »
Sur le plan professionnel, Harold Miner place ses billes dans la pierre du côté de Las Vegas. Oh, pas l’argent récolté en NBA : durant ses quatre ans de carrière, il n’aurait même pas amassé 7.3 millions de dollars…
Harold David Miner ? Un espoir déçu. Comme tant d’autres. Jetez un œil à la liste des vainqueurs du Slam Dunk Contest, on en trouve une ribambelle. Pour un Kobe Bryant, un Vince Carter, un Dwight Howard ou un Donovan Mitchell, combien de crazy dunkeurs qui se sont crashés en beauté, façon Isaiah Rider, Fred Jones, Desmond Mason ou Harold Miner ?
Palmarès
Vainqueur du Slam Dunk Contest : 1993, 95
Highlights de son année rookie
Le concours de dunks de 1995
Harold Miner | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
1992-93 | MIA | 73 | 19 | 47.5 | 33.3 | 76.2 | 1.0 | 1.0 | 2.0 | 1.0 | 1.8 | 0.5 | 1.3 | 0.1 | 10.3 |
1993-94 | MIA | 63 | 22 | 47.7 | 66.7 | 82.8 | 1.2 | 1.3 | 2.5 | 1.5 | 2.1 | 0.5 | 1.5 | 0.2 | 10.5 |
1994-95 | MIA | 45 | 19 | 40.3 | 28.6 | 72.6 | 0.8 | 1.8 | 2.6 | 1.5 | 1.9 | 0.3 | 1.7 | 0.1 | 7.3 |
1995-96 | CLE | 19 | 7 | 44.2 | 20.0 | 100.0 | 0.2 | 0.4 | 0.6 | 0.4 | 1.2 | 0.0 | 0.7 | 0.0 | 3.2 |
Total | 200 | 19 | 46.0 | 31.1 | 78.5 | 1.0 | 1.2 | 2.2 | 1.2 | 1.9 | 0.4 | 1.4 | 0.1 | 9.0 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.