Joffrey Lauvergne répond aux lecteurs de Basket USA

En terminant sa saison sur 11 points et 7 rebonds en 23 minutes, Joffrey Lauvergne peut partir en vacances et préparer l’Euro avec un réconfortant sentiment de satisfaction. Arrivé à Denver au moment du licenciement de Brian Shaw, l’ailier fort français est content de ses deux premiers mois en NBA (3.9 points, 3.2 rebonds en 11 minutes), malgré un temps jeu irrégulier. Avant la rencontre face aux Clippers la semaine dernière, l’Alsacien a accepté de répondre à vos questions (et parfois nos relances) pendant presque 30 minutes.

Kentish Quentin : La différence physique est-elle si énorme comparé à l’Europe ?

Les joueurs ici sont plus athlétiques, ils courent plus vite, sautent plus haut, ils font 10 cm de plus… Il y a une différence athlétique qui est indéniable. Dans l’impact aussi c’est différent mais j’ai du mal à comparer. Par exemple ici comme tu ne peux pas mettre les mains en défense, si tu n’es pas de face tu ne peux pas jouer le post-up. Il y a moins de contacts ici qu’en Europe, je trouve que c’est moins méchant.

Tu as discuté avant de venir avec le front-office des Nuggets sur ton poste, car tu es un 4 mais qui peut jouer 5 ?

J’ai toujours joué poste 4 à part en Equipe de France, où Flo et Boris sont des piliers. Je n’en ai pas parlé avec eux mais dans la mesure où toute ma carrière en club je l’ai faite pour l’instant au 4, je ne vois pas pourquoi ils m’auraient pris pour jouer 5. Je fais 2m10 et 114 kilos, c’est ni gros, ni maigre et je n’ai pas besoin de prendre du poids et de la masse musculaire. Je travaille sur le renforcement pour m’améliorer sur les impacts surtout.

@JuelzDacosta : Qui est le plus chambreur dans l’équipe et a contrario le plus sérieux ?

Y’a pas vraiment de chambreur. Je suis agréablement surpris de comment sont les gars. Par rapport à ce que j’ai vécu au Partizan, ils sont un peu relax (sourire)… C’est cool ici, y’a pas trop de pression. J’avais une mauvaise idée des joueurs américains à cause de ceux que j’avais pu rencontrer en Europe mais tous les mecs du groupe sont sympas, disponibles et simples. Ils n’ont pas le melon. Maintenant c’est la première équipe que je fais et je suis arrivé en fin de saison, peut-être que ça a joué.

@mounir2k15 : Tu as déjà affronté beaucoup de grands intérieurs, quel est celui qui t’as le plus impressionné ?

Nowitzki et Duncan sont ceux qui me viennent tout de suite en tête. Je dirais aussi Garnett car il a l’air complètement fou. Il m’a impressionné pour ça : son attitude, son regard, comment il parle à ses coaches et ses coéquipiers c’est incroyable ! J’ai compris que tu ne peux pas juger KG à la TV, faut le voir en vrai. J’avais entendu des histoires sur lui mais là ce que j’ai vu c’est énorme. Il est toujours en train de parler aux autres gars de l’équipe, sûrement pour les pousser. Mais il ne les engueule pas. J’ai aussi été impressionné par DeAndre Jordan : physiquement c’est un monstre et les seules choses qu’il sait faire il les fait à merveille, en acceptant de jouer simple : dissuasion, aides, rebonds, écrans, « roll ». Lui aussi il faut le voir en vrai pour se rendre compte de la puissance.

@KyStrongZOff : Quelle est la première chose à laquelle tu as pensée lorsque tu as su que tu allais jouer en NBA ?

Je savais et je pense toujours que c’est bien pour moi, ça ne va être que du plus. Pour l’instant ça se passe plutôt bien mais dans le pire des cas, si ça se passait très mal, je sais que je pourrais rentrer en Europe et avoir au moins aussi bien voire mieux que ce que j’avais en partant, rien que parce que j’ai fait du banc en NBA.

Ce qui a surpris beaucoup de nos lecteurs dans ton choix, c’est le timing : pourquoi aussi tard dans la saison et pas l’été dernier ou la saison prochaine ?

L’été dernier Denver n’avait pas la masse salariale nécessaire pour me proposer quelque chose qui ne m’aurait pas fait perdre de l’argent. J’avais déjà dit l’été dernier que je n’y étais pas allé parce que la proposition n’était pas assez bonne, pas parce qu’il n’y avait pas d’offre. Là après les trades, ils ont libéré de la masse salariale et je savais alors que je voulais y aller. Le dernier mois avec Khimki a été très compliqué, le club ne voulait pas me laisser partir. Mes agents ont été super forts, je pensais vraiment que ça n’allait pas se faire. Khimki était dans son droit et ils ont pris une clause de départ. Vu comment c’était parti je sentais la situation où j’aurais été obligé de rester après leur avoir dit que je ne voulais plus jouer pour eux. J’ai eu de la chance.

ShaqJordan : On dit de plus en plus que les meilleures équipes d’Euroleague pourraient rivaliser avec les équipes NBA? Toi qui as connu ces deux ligues, quel est ton avis?

Oui ça c’est sûr ! Y’a certaines équipes ici, oulala, ça craint ! Les Lakers sont faibles et les Knicks sur ce que j’ai vu, c’est incroyablement mauvais. Ils jouent n’importe comment. Les meilleures équipes d’Euroleague n’ont peut être pas autant de talents individuels mais ça joue autrement mieux. A contrario, j’ai vu ici des équipes qui n’ont pas énormément de talent mais qui jouent bien collectivement. Je pense au Jazz par exemple. Je me suis aussi fait ma réflexion pour Milwaukee, qui joue bien ensemble.

LE_JET : Une anecdote : au tournoi de Lezoux en benjamin première année, tu as perdu une finale de un point en compagnie d’Axel Toupane (qui joue à la SIG), et Anthony Racine (Joueur en Pro B à Saint-Quentin) ainsi que ses frères jumeaux. Te souviens-tu de ce match et envisageais-tu sérieusement déjà à cette période de faire du basket ton métier ?

Je me souviens de ce tournoi et de l’avoir joué avec les frères Racine et Axel, mais je ne me souviens pas du résultat pour être honnête. Et oui, je savais déjà que je voulais en faire une carrière. Dans ma tête c’était clair déjà bien avant de jouer en benjamin. Dès que j’ai commencé à jouer j’ai voulu être professionnel.

Quel a été justement l’influence et le rôle de ton père dans ce choix et ton parcours ?

C’est clair qu’avoir grandi dans le basket explique mon choix. Je n’aurais sûrement pas été un joueur professionnel dans ce sport si j’avais grandi dans une autre famille. Après, sur mes débuts, c’est marrant parce qu’à la fin de sa carrière mon père en avait marre du basket. Il a arrêté sa basket assez tôt par saturation. Quand il a arrêté, c’est le moment où j’ai commencé à m’entraîner tous les jours et c’est lui qui devait s’y coller. Je pense que ça le gavait un peu mais il l’a toujours fait de son mieux car il savait que c’est ce dont j’avais envie.

En parlant de ton père, tu savais qu’il avait joué avec le père de JaVale McGee et le père de Kobe ?

Oui, et en le voyant s’entraîner là je peux même aussi te dire qu’il a mis une gifle à Turkoglu, quand l’ASVEL a joué contre Efes en 8e de finale d’Euroligue. Hedo était tout jeune et il y avait aussi Kutluay dans l’équipe. Mon père a mis une gifle au premier match et au match retour à Istanbul. Greg Beugnot m’a raconté qu’après s’être fait sécher au milieu du terrain, il avait voulu réagir mais Beugnot lui a montré l’ambiance dans le public et lui a fait comprendre que ce n’était pas une bonne idée (rire).

Lexmanouche : Trouves-tu plus difficile de subir le difficile calendrier NBA, ou le difficile régime d’entrainement à la serbe ?

Quelle question… Le calendrier NBA, c’est des vacances, et encore plus quand tu ne joues pas beaucoup (rire). Pour des mecs comme Gallo, Farried ou Ty Lawson, qui jouent 35 minutes tous les matches, là c’est un peu dur. Mais quand tu joues 5, 10 minutes et que tu fais juste 20 minutes d’individuel avant les matches, faut arrêter c’est faisable et même facile. C’est pas la mer à boire. Ce qui est bien ici, comme tu as très peu d’entraînements collectifs et que tu peux vachement bosser en individuel. Surtout que les installations sont top. Quand tu es à domicile, tu peux vraiment bien bosser. Tu as tout ce qu’il faut.

Earlstef : Ne penses-tu pas que tu devrais limiter tes shoots à 3 points vu ton pourcentage en ce début de carrière NBA et plus rentrer dans la peinture comme tu sais bien le faire ou au contraire, veux-tu être considéré comme un pivot shooteur ?

Déjà pivot n’est pas la bonne terminologie du poste auquel je joue mais j’ai l’habitude donc je ne vais rien dire. Après je joue comme ce que m’apporte le jeu et l’équipe. Des fois je ne prends pas de shoots à trois points, d’autres fois je prends deux shoots et un sera à trois points. C’est pas facile quand tu joues 7 minutes, 7 secondes ou 2 minutes de faire toujours la même chose tous les matches, d’être dans un rôle spécifique. Mon pourcentage je ne le connais pas (ndlr : 18.8%), ça doit pas être terrible mais pas très mauvais non plus. Mais ça dépend à qui Earlstef compare : je ne suis pas Stephen Curry et je viens d’arriver dans une ligue où la ligne est plus éloignée.

SodomHeat : Cette année t’a-t-elle réellement permis de progresser ? Te sens-tu plus fort pour l’Euro à venir ?

Oui je pense que j’ai progressé. Le jour où ça arrivera, ça voudra vraiment dire que je ne fous plus rien. J’ai pu faire beaucoup de muscu et j’ai vachement bossé mon shoot. J’ai eu beaucoup plus de temps pour cela et j’en aurais encore cet été. Avec le Khimki, je m’entraînais vraiment bien, ça on ne peut pas leur enlever. Ce n’était pas non plus le Partizan mais ce n’est pas la même catégorie de joueurs et c’était vraiment sérieux. Je suis satisfait de ce que j’ai accompli cette année, j’ai le sentiment que je n’aurais pas pu faire ou faire mieux.

Est-ce vraiment plus dur de jouer avec l’altitude de Denver ?

Oui, ce n’est pas un mythe. Tu sens que tu es en altitude quand tu fais des efforts car tu as plus de mal à respirer. Il m’a fallu dix, quinze jours pour m’habituer, au début je ne comprenais pas pourquoi j’avais le souffle court. Pour les équipes qui viennent chez nous ce n’est pas évident, surtout si elles sont arrivées trop tôt car c’est prouvé qu’entre 0 et 24 heures ton corps ne ressent que la moitié des effets. Les adversaires savent que c’est chiant de jouer à Denver à cause de ça.

He_Got_Game : Pendant le match contre Sacramento, les commentateurs disaient que tu avais du mal avec les systèmes car tu ne comprenais pas toutes les terminologies. C’est vrai ? Plus généralement, comment se passe ton intégration au système de Hunt ?

Oui, j’ai des problèmes avec certaines terminologies car des choses que je connais ont un nom différent ici. Par exemple le pick and roll sur le côté c’est drak. Après concernant les problèmes avec les systèmes, ils sont gentils mais y’a pas de système ! C’est un pick ou une entrée et après c’est du jeu libre donc merci y’en a quatre, je les connais ! Y’a pas de système long qui te fait shooter après 20 secondes, toutes les 13 secondes y’a un shoot.

Nurkic et toi, vous vous retrouvez souvent avec des problèmes de fautes, est-ce plus à cause de la différence de vitesse et de la qualité athlétique des joueurs en face, de la différence entre les règles FIBA et NBA, ou as-tu l’impression que parce que vous êtes rookie, les arbitres ne laissent absolument rien passer ?

Il y a un peu de tout : ce ne sont pas les mêmes règles donc y’a de coups de sifflet qui surprennent, et oui parce qu’on est rookies on prend des fautes qui n’y sont pas. Mais bon je me suis déjà tellement fait voler, avec des matches où tu finis à 3 contre 5 que ça m’énerve même plus (rire).