Lorsqu’il est question de passes aveugles ou laser, le premier nom qui vient en tête est celui de Magic Johnson. Pour vous faire une idée, la créativité de ses passes n’avait d’égale que la vacuité de ses propos aujourd’hui en tant que commentateur.
Plus récemment, sous les couleurs des Kings, Jason Williams en a fait vibrer plus d’un au début des années 2000. Pour délivrer le ballon, l’imagination du White Chocolate n’avait pas d’équivalent sur le terrain.
Aujourd’hui, des Ricky Rubio ou Chris Paul parviennent à nous illuminer par séquences, mais aucun ne parvient à égaler la créativité de Manu Ginobili, le sixième homme des Spurs.
Le spécialiste des angles
À bientôt 37 ans (au fait, Giannis Antetokounmpo n’a pas encore 20 ans…), l’Argentin a enfreint plus de règles avec ses passes que Michael Beasley et J.R Smith avec l’herbe. Depuis son arrivée dans la ligue, le triple champion NBA émerveille par sa faculté à trouver des angles irrationnels.
Il suffit de revenir au match 2 contre Oklahoma pour en trouver l’illustration la plus récente: coincé dans le corner gauche, Ginobili use de sa fameuse patte gauche pour lâcher la gonfle le long de la ligne de fond et trouver Danny Green à l’opposé qui conclut. Le geste paraît simple mais ce n’est pas un hasard si dès la petite enfance, les entraîneurs le déconseillent.
À l’issue du match, le récipiendaire de la passe ne s’étonnait plus de la fantaisie de son coéquipier.
« Je ne m’attendais pas à recevoir le ballon à cet endroit là. » expliquait Danny Green. « Il était coincé dans le coin, bien plus loin qu’attendu. Je ne pensais pas qu’il la lancerait mais c’est Manu, donc il l’a lancée. Quand Manu lance la balle, cela vient toujours de plein d’angles différents. Je sais quand la balle me parvient. Je ne sais simplement pas comment elle va me parvenir. » poursuit il. « Cela peut être une passe avec rebond, ou incurvée, entre les jambes ou même entre les oreilles d’un joueur. »
En quelques mots, le spécialiste longue distance des Spurs a synthétisé à merveille le champ des possibles de Manu Ginobili. Scoreur déjà émérite, son aisance à la passe en fait un attaquant insaissable pour son défenseur. Ses pénétrations sont de fait toujours dangereuses car le sixième homme peut sanctionner lui-même ou fixer pour ses coéquipiers.
Le don de clairvoyance
Aussi, lorsque c’est lui qui mène l’attaque, il n’est pas non plus rare qu’il attende quelques secondes, balle en main, qu’un de ses coéquipiers coupe pour lui lâcher la gonfle, même si celui-ci est entouré de trois défenseurs. Et souvent, cela paye car son sens de l’anticipation est certainement l’un des plus aiguisés de la ligue.
Repérée par Dimitri lors du dernier match, cette séquence en dit long sur l’avance du bonhomme en matière de playmaking.
Après le match, Tim Duncan confirmait à quel point l’oeil de son coéquipier est rare dans la ligue, ce qui procure nombre d’avantages à son équipe mais aussi quelques désagréments.
« Il voit les choses deux ou trois actions avant qu’elles n’arrivent. Parfois, même quatre ou cinq alors que personne d’autre ne les voient et parfois, cela ne fonctionne pas. »
Cet éveil génère en effet un jeu à hauts risques, non sans conséquence pour les Spurs. Avec deux ballons perdus par match en seulement 23 minutes de jeu, l’Argentin est le Spurs le plus gourmand. Mais le jeu de son équipe ne serait pas aussi flamboyant sans ses excès de folie.
Coéquipier du fantasque créateur depuis 2006, Matt Bonner relatait l’an passé les sensations in situ provoquées par de telles actions. Lors du match 1 des finales contre Miami, c’était à son tour de recevoir une de ces fameuses passes incurvées.
« Je revenais juste en attaque et la seule chose que je sais, c’est que l’instant d’après la balle était dans mes mains. » ironisait-il. « C’était presque comme une balle glissante au baseball, de telle manière qu’en touchant le sol, le rebond est si bas que la défense ne peut l’attraper. »
C’est ce même type d’effet dont s’était servi Ginobili pour un de ses plus beaux services à l’adresse de Tony Parker, également contre Miami.
Danny Green se souvient encore de cet éclair de génie, dont seul l’Argentin est capable.
« Même type de passe, main gauche avec rebond et le petit effet. Pendant le match, j’étais sur le banc et je n’avais pas compris qu’elle était passée entre les jambes. J’ai réalisé lorsque je l’ai revue à la télé, j’étais complètement choqué. »
À jamais incontrôlable
Tous ses coéquipiers s’accordent à dire que lorsque ces instants sont concluants, ils font de Ginobili un joueur magique. Quand ça rate, évidemment cela n’est pas au goût de Popovich.
Après le match 2 contre Oklahoma, le légendaire coach des Spurs commenta avec humour la passe de son arrière pour Green.
« Si cela ne vous ennuie pas, je préférerais ne faire aucun commentaire sur qui fait quoi sur quelle action. »
Plus loin du terrain, souvent la surprise du téléspectateur est telle que pour faire le moindre commentaire, il lui faut attendre le prochain replay.