Arbitrage NCAA : le nouveau règlement crée la polémique

Aux grands maux, les grands remèdes ? La NCAA reste sur sa plus faible saison sur le plan offensif depuis plus de trente ans, avec seulement 67,5 points inscrits en moyenne par chaque équipe. Afin d’inverser la tendance, le comité directeur de la ligue universitaire n’a pas hésité à implémenter des changements drastiques destinés à favoriser les attaquants. Ainsi, il sera bien plus difficile de défendre efficacement sans enfreindre le nouveau règlement du jeu et risquer d’écoper d’une faute.

Les arbitres devront désormais sanctionner le « hand checking » (créer le contact avec les mains ou l’avant-bras en défense) et être plus attentifs sur les passages en forces. Le nombre de fautes risque fort de grimper en flèche lors des premières semaines de compétition, comme cela a déjà été le cas en matches amicaux ces derniers jours, comme par exemple lors du match entre Louisville et Kentucky Wesleyen au cours duquel pas moins de 64 fautes ont été sifflées.

« C’est un changement drastique des règles. Cela aura un impact considérable sur le jeu. Une mini-révolution. Difficile de savoir si c’est un bien ou mal » a commenté Larry Brown, le coach de Southern Methodist.

C’est donc avec beaucoup d’appréhension que les coaches et les joueurs vont aborder le début de la saison ce vendredi, et la véritable question est de savoir si ce changement est bénéfique pour le jeu et le spectacle. Si l’on risque de voir plus de points au tableau d’affichage, il n’est pas sûr que cela soit forcément positif s’ils sont inscrits sur la ligne des lancers-francs et que la durée d’un match soit augmentée d’une demi-heure en raison d’interruptions successives.

Lon Kruger, le coach d’Oklahoma, fait partie des sceptiques :

« Une tonne de fautes, des lancers-francs à répétition, des matchs longs et moches. Voilà à quoi les fans doivent se préparer. De la frustration… »

Même son de cloche chez Bill Self, son homologue de Kansas :

« Oui, plus de points seront marqués. Mais ce ne sera pas à cause de la qualité du jeu. Il ne faut s’attendre à ce que le surplus de point soit inscrit de façon artistique. Certains matchs se résumeront à des concours de lancers-francs. »

« Va-t-on vraiment regarder cette daube pendant des heures ? »

Bob Huggins, le légendaire coach de West Virginia, est connu pour ne pas avoir sa langue dans la poche. Il partage l’opinion de ses confrères :

« Les dirigeants de la ligue ne veulent pas d’un match intense et disputé se terminant sur un score de 57-54. Ils veulent du 86-82. Mais vont-ils vraiment regarder cette daube pendant quatre heures et demie ? Les gens ne veulent pas voir un match haché par des fautes. »

Curtis Shaw est l’un des arbitres les plus respectés en NCAA avec plus de 1 500 matchs à son actif et sept Final Four à son palmarès. S’il confirme qu’il faudra une période d’adaptation à tous les acteurs d’un match, il pense que cette règle est une bonne chose pour le basket.

« Je pense que c’est un retour aux sources de ce que doit être le basketball. Un jeu athlétique, et non pas physique. Je ne sifflerai pas de faute au moindre contact, mais poser son avant-bras sur le dos d’un joueur, c’est terminé. Il faut mettre fin à ses mauvaises attitudes et revenir à l’essence même du jeu. Quand je regarde certains matchs de la saison passée, j’ai l’impression de voir du rugby. »

La grande crainte des coachs concerne le pressing défensif. Comment ralentir une attaque sans utiliser ses bras en barrage ? John Calipari, le coach de Kentucky, pense que cette règle avantagera surtout les équipes pratiquant le contre-attaque avec un rythme soutenu. Il craint que pour freiner une équipe rapide, il ne faille sacrifier la moitié de son effectif avec des fautes au milieu du terrain.

Avec l’armada de stars présentes la saison prochaine sur les parquets de la NCAA, comme Andrew Wiggins ou Jabari Parker, la ligue prend sans doute un risque. Qu’arrivera-t-il si ses joueurs sont condamnés à passer le plus clair du temps sur le banc de touche après avoir écopé de deux ou trois faites rapides ? Le public suivra-t-il malgré tout le championnat ?

« Nous aurons beaucoup de bons joueurs qui seront aussi spectateurs cette saison… Les fans ne l’accepteront jamais » déplore Matt Painter, le coach de Purdue.

Larry Eustachy, coach de Colorado State, va plus loin, pensant même que l’affluence risque de diminuer la saison prochaine :

« Si je paye pour aller voir Céline Dion, elle ne risque pas de se faire expulser pendant l’entracte. Je ne suis pas sûr que les gens soient ravis de payer 50 ou 100 dollars pour voir les meilleurs joueurs assis sur un banc. »

Mais qu’en pensent les principaux intéressés à savoir les joueurs ? Probablement le meilleur défenseur extérieur de la ligue, le meneur Aaron Craft (Ohio State) estime que la nouvelle règle n’aura pas d’impact majeur :

«  Beaucoup pensent déjà que je faisais faute sur chaque possession. Je vais juste devoir être sûr de montrer mes mains le plus possible. Peut-être même devrai-je défendre avec les mains dans le dos si c’est que les arbitres veulent… »

Une réunion entre le comité des arbitres, celui des coachs et la NCAA est d’ores et déjà prévue pour faire le bilan des premiers « scrimmages » et matchs exhibition de la saison. Pour l’heure, la moyenne est estimée à 30-35 lancers-francs par match, avec des pointes à 70. Le vrai bilan sera fait après le début de la saison régulière.

Quant au deuxième changement majeur, concernant la ligne jaune entre passage en force et faute défensive, les attaquants seront là aussi privilégiés. Les défenseurs seront dans l’obligation d’être parfaitement en place, les « pieds dans le ciment » selon le coach d’Oklahoma State Travis Ford, avant de provoquer une faute offensive.

Ces deux nouvelles règles auront en tout cas un impact majeur sur le jeu cette saison. Reste à savoir si c’est un mal ou un bien…