Coupé en début d’année par les Blazers, le 1er choix de la draft 2007 reste une énigme pour les fans NBA. Et pour cause, Greg Oden n’aime pas les médias. Il les évite comme la peste. Ça complique clairement le dossier.
Mais avec un ami connu au lycée (« Je peux vous faire confiance, à vous. » dit-il en parlant de sa famille et de son réseau d’amis d’enfance), dans sa région natale d’Indianapolis, Greg Oden peut s’ouvrir. Et revenir sur ses 5 dernières années entre incompréhension, alcool et grosse déprime.
Extraits de cette interview fleuve.
Une des plus grandes énigmes de l’histoire de la NBA
Lorsqu’il arrive à la table d’un restaurant du centre-ville d’Indianapolis, Greg Oden s’étonne :
« Qu’est-ce que tu veux dire dans cet article ? »
« Je veux te rendre humain et donner une idée de ce qu’ont été ces 5 dernières années pour toi, lui explique Mark Titus. Tu ne t’en rends peut-être pas compte, mais tu es une des plus grandes énigmes de l’histoire de la NBA. A cause de tes blessures, la plupart des fans ne t’ont jamais vu jouer. Et comme tu ne fais pas beaucoup d’interviews, ils ne te connaissent pas non plus en dehors des parquets. »
« Je sais. C’est comme ça que je le voulais. »
Le ton est donné. Greg Oden est bien ce personnage taciturne et timoré, il n’aime pas que l’on parle de lui, et n’apprécie donc que moyennement de parler de lui-même. Quand trois groupes de personnes arrivent alors à sa table, le géant s’acquitte de l’épreuve de la photo et de l’autographe ; mais dans le fond, il s’échauffe.
Un personnage secret et introverti
« Je ne comprends pas qu’ils soient tous aussi excités de me rencontrer. Je suis juste une personne. Je ne m’en rendais pas compte quand j’étais à Ohio State ou après la draft, mais maintenant, ça semble tellement faux. Sérieusement, pourquoi tu viens m’embêter alors que je dîne pour une photo quand je ne suis plus personne ? »
« Je ne sais pas. J’ai toujours été comme ça. Je ne m’ouvre qu’à ma famille et à mes amis parce que je peux vous faire confiance à vous. Personne d’autre n’a besoin de savoir quoique ce soit sur moi. C’est pourquoi je n’aime pas quand les gens viennent me voir dans la rue pour me parler, ou que je n’aime pas les interviews. »
Mais ce n’est pas là une nouveauté. À bien des égards, il est resté fidèle à lui-même. Fidèle à son caractère timide qui l’avait rapproché, lors des entraînements de leur équipe de lycée, de Mark Titus qui s’en fait aujourd’hui le journaliste.
Il était déjà alors le garçon renfermé et antisocial qui préférait rester à l’hôtel lors des déplacements pour réciter du Will Ferrell ou regarder les séries à la télé (Laguna Beach) comme tous les ados de son âge. Et deux semaines après son licenciement de Portland, il est encore ce mec en proie à son image qui lui échappe.
Des secrets douloureux
L’histoire du désamour de Greg Oden pour les médias ne date pas d’hier. Cela remonte aux débuts de Greg à Ohio State. Alors que le pivot des Buckeyes cumule 19 points et 6 rebonds pour emporter le match de deux points contre Michigan State, il apprend également que son meilleur ami, Travis Smith, vient de succomber dans un accident de voiture alors qu’il se rendait au match.
Greg apprend la nouvelle après le match, et rapidement en voiture, part s’isoler sur la rocade de Columbus. On n’aura de ces nouvelles qu’à l’entraînement de l’équipe l’après-midi suivante. Encore aujourd’hui, il porte des bracelets avec l’inscription de Travis sur les poignets, et participe chaque année à un événement pour lever des fonds pour l’association dédiée à son ami.
Un autre secret bien gardé concerne la cellule familiale de Greg Oden. Alors qu’il porte un tatouage sur l’épaule gauche (Always There) en l’honneur de son frère, la rivalité fraternelle fut la cause de la blessure qui priva Oden de la première moitié de la saison universitaire (avant d’échouer en finale contre les Gators de Noah). Une bagarre et un ligament touché, Oden sait déjà qu’il lui faut protéger sa sphère privée.
Grosse déprime et alcoolisme
Et le grand barnum NBA est passé par là. Les fastes de la draft, et encore plus pour un 1er choix, ont tôt fait de créer le buzz autour de Greg Oden. Mais le joueur doit passer sur le billard et annonce saison blanche pour sa campagne rookie. Les dents commencent à grincer, et ce, d’autant plus qu’Oden est arrivé dans la ville qui a déjà connu l’idylle Sam Bowie et le déclin de Bill Walton.
A 19 ans seulement, blessé et sans suivi individuel, le pivot commence son apprentissage de la vie de star NBA alors qu’il lutte encore pour surmonter la douleur de la mort de son pote.
« Pour commencer, Portland n’est pas une super ville à vivre quand on est jeune, noir et avec un paquet de pognon. Mais c’est encore plus vrai quand tu n’as personne pour te guider. Comme j’étais blessé toute la saison, j’étais souvent laissé seul et je n’avais pas beaucoup de vétérans de la ligue pour m’aider à m’adapter à ce style de vie NBA. »
Et puis, Oden est revenu sur les parquets. Avec 9 points, 7 rebonds en 22 minutes de jeu et 61 matchs joués pour les Blazers, Greg démontre qu’il dispose effectivement d’un combo puissance et dextérité qui pourrait faire de lui une force pérenne de la ligue. Mais dans le privé, ça tangue. Au lieu d’un vétéran de la NBA, Oden reçoit l’aide d’un vétéran de l’armée, son cousin qui sortait de l’Air Force.
« Si l’on sait un truc à propos des mecs de l’Air Force, c’est qu’ils boivent comme des trous. Mon cousin s’est jeté à corps perdu dans le style de vie NBA et organisait des fêtes chez moi tout le temps. Et je me suis moi aussi laissé aller à ce penchant. Quand je jouais bien, je buvais pour célébrer. Et quand je jouais mal, je buvais pour oublier. Cette deuxième année à Portland, j’étais devenu alcoolique, quoi. »
Et quand la saison des Blazers se termine sur une élimination au 1er tour des playoffs contre les Rockets de Yao et Ron Artest, Greg Oden se met au vert. Il dégage son cousin et le remplace par un diététicien. Il est dans la meilleure forme physique de sa carrière et cumule 12 points, 9 rebonds et plus de 2 contres en moins de 25 minutes par match lors des 21 premières rencontres de la saison 2009-2010. Et puis le sort le rattrape.
Deux regrets majeurs
À nouveau blessé, il doit renoncer à sa saison qui partait sur d’excellentes bases. Et si figurer parmi les plus gros navets de l’histoire de la NBA ne suffisait pas, les fameuses photos des parties intimes de Greg Oden font leur apparition sur la toile. Le bonhomme a honte, il ne sort pas de chez lui pendant trois jours.
« J’aurais aimé n’avoir pas commis cette erreur. Mais je ne vais pas non plus m’en excuser. Après tout, je suis humain et des mecs de 21 piges ont déjà fait bien pire que ça. Je me suis simplement laisser emballer avec toutes ces femmes qui se jetaient sur moi. Quand une fille t’envoie 100 photos d’elle, je me sentais obligé de lui en envoyer une de temps à autre. Je ne suis pas un goujat. »
Brocardé dans le privé, Oden commença à s’éloigner de sa franchise quand cette dernière se mit en contact avec le psychologue du sport, Joseph Carr, que Greg avait engagé lui-même plus tôt dans la saison pour juguler sa blessure. Conflit d’intérêt ou pas, la méfiance grandissait pour Oden vis-à-vis de sa franchise.
Et quand le grand Greg se présente au training camp en septembre 2010, il sait que son corps n’est pas encore prêt. Mais se sentant coupable de laisser tomber son équipe, il s’entraîne et le staff de Portland ne bronche pas. Pourtant, la sanction tombe à nouveau : il faudra une nouvelle opération. Et Oden de simplement dire « OK » quand on lui annonce l’affreuse nouvelle.
Nulle surprise à ce qu’Oden alla chercher les soins d’une première clinique à Los Angeles pour soigner ses genoux meurtris. Et puis alors qu’il allait compléter son traitement d’un passage par New York, le lockout avait enfin été levé et les Blazers attendaient leur joueur de retour. Et rebelote, l’opération est encore à prévoir pour Oden.
Le dindon de la farce
Avec 82 matchs joués à cheval sur 5 saisons, Greg Oden sait que la réalité des choses joue en sa défaveur. Ses compagnons de draft sont pour la plupart à jouer les premiers rôles, et Kevin Durant en première ligne, lui le 2nd choix qui vient de remporter un troisième titre de meilleur scoreur et postule légitimement au titre de MVP.
« Je mentirai si je te disais que c’est cool que Durant soit si bon. Simplement parce que chaque fois qu’il faisait un bon match ces dernières saisons, je savais que j’allais en prendre pour mon grade de la part des haters. Mais ça ne veut pas dire que je n’apprécie pas la personne de Kevin Durant. C’est un bon gars et un des trois meilleurs joueurs actuellement dans la ligue. La seule raison pour laquelle ça m’embête, c’est que je sais que si j’avais eu la chance de montrer ce que je vaux, je serai moi aussi dans les équipes All Star comme lui, et Horford. C’est la partie la plus difficile à avaler de toutes ces blessures et ces critiques. Cela aurait été autre chose si j’avais été en bonne santé pendant 5 ans mais que j’avais été nul sur le terrain. Mais je ne peux pas prouver ce que je vaux parce que je ne peux pas rester en bonne santé. Ne pas avoir le contrôle sur la situation rend tout ça très compliqué à gérer. »
Ses projets
Après son licenciement, on a rapidement entendu des rumeurs selon lesquelles la carrière de l’ex-futur Shaq ne serait pas encore terminée, ou encore que le local de l’étape voulait revenir au pays, mais pour Greg Oden, les choses sont encore plus simples que cela.
« Je me fous de savoir ce que ces blessures veulent dire pour l’histoire de Greg Oden. Je veux juste jouer au basket. J’aurai pu signer avec une autre équipe après que Portland m’ait coupé et m’asseoir sur leur banc en ramassant les chèques. Mais ce n’est pas mon style. Ça ne me semble vraiment pas éthique. Et puis, l’argent n’est pas un problème pour moi. J’en ai assez. Tout ce que je veux, c’est d’être physiquement sain à 100% et revenir sur le parquet. »
« [Si un docteur t’annonce que tu ne peux plus jouer], je devrai l’accepter. Je suis en paix. Je veux plus que toute autre chose être capable de jouer encore. Mais si je ne peux pas, j’aurai quand même une vie décente. D’avoir été coupé a remis les choses en perspective pour moi. Il n’y a pas que le basket dans la vie, et puis, ça se serait arrêté à un moment donné. Je vais tout faire en mon possible pour revenir sur les terrains, mais si ça ne marche pas, je trouverai autre chose à faire et j’aurai une vie normale. »
Une certitude : il ne jouera pas l’an prochain. Au mieux, on le reverra donc à l’automne 2013…