Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques 2000 à Sydney, de bronze aux Championnats d’Europe en 2005, Fred Weis fut un cadre de l’équipe de France de basket durant huit ans, entre 1999 et 2007. L’ancien joueur du Limoges CSP et de Malaga cumule 100 sélections à son compteur. Aujourd’hui retraité, il reste un observateur très avisé du basket français et européen. Comme l’an passé pour l’Eurobasket, il s’installe avec nous autour de l’équipe de France pour nous confier ses pensées sur cette quête des Jeux Olympiques de Rio.
La France débute sur un premier match compliqué devant et chez les Philippines, un public fou et fan de basket, des joueurs galvanisés. Comment as-tu senti les Bleus sur leur première mi-temps ?
En effet, les mecs étaient complètement fous et ils ont un mec de grand talent : Andray Blatche. Il a de vraies mains et c’est un mec qu’on ne peut pas tenir sur tout un match. Après, il se fait mal à la cheville et ça aide. Quoi qu’il en soit, on voit que le mec est bourré de talent, on n’est pas habitué à jouer devant un pivot de ce type : bon à trois-points, dribbles entre les jambes, il fait des moves, rebond, passes à une main. C’est clairement une équipe atypique et dans ces conditions, avec la pression, c’est le TQO, il faut gagner le match et tu joues devant 20 000 personnes survoltées, parce qu’il ne faut pas oublier que c’est le sport national là-bas, il y avait beaucoup de conditions qui expliquent que ce soit un match difficile. Mais le contrat est rempli, il fallait gagner, quel que soit le score et ils l’ont fait, quel.
Les cadres ont répondu présents : notamment Nando De Colo, Tony Parker et Boris Diaw, très précieux dans le combat et l’animation du jeu. Ensuite, on peut toujours parler du statut des deux premiers dans cette équipe mais sur ce match, il semble que les deux se soient bien trouvés, cela se fluidifie clairement par rapport à certaines années où ils se marchaient peut-être dessus. Est-ce qu’avec la prise de pouvoir de Nando De Colo, Tony Parker ne joue pas avec davantage de relâchement ?
Les trois font un très bon match : Nando De Colo est encore une fois exceptionnel, il met des paniers nécessaires, il joue comme un métronome, il fait même le spectacle en deuxième mi-temps avec ses passes. Le patron de cette équipe sur ce match, c’est lui. Je pense que Tony a fait preuve de beaucoup d’intelligence en se rappelant ce qui s’était passé avant, lorsqu’il n’était pas le plus en forme. Il lui passe doucement le relais et il subit moins de pression, donc il est mieux. Ça laisse plus de liberté à Nando et Nando est encore meilleur.
En tant qu’ancien intérieur, as-tu été satisfait de l’alternance extérieur-intérieur et des matchups joués par nos grands ?
Nos grands ont bien joué, et je voudrais vraiment noter la défense d’Adrien Moerman, dont on n’a pas parlé. Dans le deuxième quart-temps, il a complètement annihilé Blatche en l’empêchant de ressortir les ballons. Certes, il y a eu un gros travail de sape fait en amont par Joffrey Lauvergne et Kim Tillie mais Adrien a vraiment bloqué le Philippin et c’était bien plus compliqué pour leur équipe de trouver des solutions par la suite.
Qu’en est-il de la couverture à trois-points ? Une lacune un peu redondante face à ce genre d’équipes, comme la Finlande ou encore la Lettonie.
Oui, on se fait manger à trois-points mais encore une fois, c’est pas une équipe typique : elle peut shooter n’importe quand et n’importe comment. On a l’habitude d’équipes plus structurées, avec des systèmes exécutés jusqu’au bout mais c’est inhabituel de voir des équipes qui vivent et meurent presque uniquement par le tir à trois-points, en dégainant presqu’à n’importe quel moment. Je ne sais pas si on peut vraiment tirer des leçons de ce match. Après oui, cette couverture est une lacune et l’an dernier, c’était surtout contre des équipes plus régulières dans ce secteur. Là, face aux Philippines, c’est plus embêtant car on ne sait pas à quoi s’attendre. Face à leurs pistoleros, qui partent dans tous les sens, ce n’est… pas évident de les contrôler. Ils font quand même le match de leur vie, hein. Franchement, on joue dix matchs contre eux, je ne suis pas sûr qu’ils nous en font dix comme ça.
Dans deux jours, c’est la Nouvelle-Zélande et ce sera un autre défi, plus physique, plus athlétique aussi. Comment tu l’appréhendes ?
Oui, ce sera vraiment rugueux et je me rappelle d’avoir joué cette nation aux J.O. en 2000, je me souviens qu’ils étaient déjà physiques. Ce n’est pas forcément le plus beau basket du monde mais c’est dur, c’est accrocheur, sans panier facile donc il va falloir supporter ce défi. Si l’on arrive à faire ça, techniquement et en termes de talent, on est bien au-dessus. La clef de ce match sera dans notre capacité à jouer ce défi physique.
Ce n’est qu’un premier match et la route pour les J.O. est encore longue. Même si ça peut paraître une hérésie de jouer ce tournoi de qualification après avoir remporté une médaille, est-ce que ce n’est pas la meilleure des préparations possible aux J.O. si l’on se qualifie ?
C’est toujours bien de jouer des matchs à enjeu avant une grande compétition. Je me remémore les mots de Tony qui disait qu’en 2012, les Russes étaient passés par un TQO et ils ont fini par remporter une médaille. C’est tout le mal que je souhaite à la France : arriver en rythme pour continuer par la suite sur cette lancée. Après, ce qui m’inquiète un peu, c’est à la fois une mauvaise et une bonne chose, c’est que l’on va sans doute changer d’équipe si on va aux J.O. Je ne sais pas si c’est bien d’intégrer des nouveaux joueurs mais quoi qu’il en soit, enchaîner des matchs compétitifs avant ce tournoi ne peut qu’être positif.
Justement, puisque tu y viens : en tant qu’ancien international, ça t’est déjà arrivé de vivre des modifications de groupe entre ceux qui font les qualifications et ceux qui jouent l’échéance finale. Est-ce qu’en tant que joueur, c’est une situation que l’on comprend ?
Alors, ça dépend. Si c’est à cause d’une blessure, on le comprend évidemment : en 2005, j’ai dû remplacer Vincent Masingue blessé, il avait très bien compris que ce n’était pas ma faute. Après, ce doit être beaucoup plus compliqué hors de ce contexte : on peut se dire qu’on est appelé lorsque le groupe en a besoin et finalement, après le travail fait, on appelle les autres. Franchement, moi, je pense que je l’aurais mal pris mais chacun fait comme il veut, et j’espère qu’ils ont un meilleur état d’esprit que le mien car honnêtement, pour moi, ce serait difficile à avaler : on est aussi des êtres humains et on veut forcément faire les J.O., donc si on se bat pour y accéder, on se bat aussi pour la compétition finale.
En revanche, je ne reproche rien à Vincent Collet mais par rapport à l’état d’esprit d’un joueur, c’est compliqué de se dire que l’on va faire le bouche-trou… Mais je trouve qu’ils font preuve d’une belle abnégation alors que la plupart le savent, et je trouve ça génial de leur part de bosser pour ça alors que certains sont presque sûrs de partir après la qualification. Je trouve ça beau, mais il faut être capable de le faire.
Dernière chose, le match face au Japon était le dernier du trio Parker-Piétrus-Gelabale sur le sol français. Quel est ton ressenti face à cette fin de cycle ?
C’est une page qui se tourne, c’est dommage mais c’est la vie, c’est normal et je suis content qu’on leur ait fait la fête. Je trouve ça magnifique qu’ils aient accompli toutes ces choses pour la France… Une page se tourne, mais il y a d’autres joueurs derrière de très grande qualité qui suivent et d’autres belles pages vont s’écrire.
Propos recueillis par Jérémy Le Bescont
(Remerciements à Adidas)