« La photographie est une brève complicité entre la prévoyance et le hasard », disait le philosophe britannique John Stuart Mill. Ce hasard a plutôt bien fait les choses pour notre photographe Chris Elise, un soir de novembre 2017 où Stephen Curry était de passage au Pepsi Center de Denver, pour affronter les Nuggets.
Capter l’image du meneur des Warriors en train de tirer depuis la ligne à 3-points n’a plus rien d’exceptionnel. « C’est assez facile vu le nombre de tirs à 3-points qu’il prend », remarque le professionnel, habitué à shooter le shooteur depuis sa saison rookie (2009/10). On rappelle que la superstar tente sa chance derrière l’arc à près… de neuf reprises par match en moyenne en carrière.
D’où cette envie pour tout photographe de capter un geste ou une situation qui sort de l’ordinaire. Comme avec ce cliché où Stephen Curry semble être seul au monde, dans le sien.
« J’ai vu une opportunité immédiate sur ce shoot », raconte le photographe. « C’est quelque chose dont tu rêves, que tu essaies d’avoir : isoler le joueur. Tu obtiens ainsi une photo atemporelle qui, médiatiquement, peut être utilisé à n’importe quel moment. »
Exemple cité : une photo de Kobe Bryant défendu par Ron Artest lorsque ce dernier évoluait avec le maillot des Kings renvoie nécessairement aux années 2006 à 2008, quelques mois avant que l’ailier ne rejoigne la légende des Lakers à Los Angeles. « Tu dates la photo immédiatement. Si tu as Kobe par lui-même, c’est un peu éternel. »
Cette photo du Warrior, en noir et blanc (dont le photographe n’est pas fan car « c’est un peu la facilité ») qui renforce sa dimension atemporelle, est l’une des préférées de Chris Elise dans toute sa carrière.
« Une combinaison de facteurs fait que Curry est tout seul pour prendre ce shoot. Je le cadre large immédiatement, aussi large que je peux. J’aime beaucoup la trajectoire du ballon. C’est important sur un shoot comme ça d’avoir la balle, pas juste le mouvement. Et même en ayant un grand angle, avec beaucoup d’espace, tu ne vois pas un autre joueur. »
Non seulement pas un défenseur, ce qui est rarissime pour un joueur qui concentre autant d’attention défensive sur lui (la défense des Nuggets ayant déjà à s’occuper de Kevin Durant et Klay Thompson ce soir-là…), mais pas de coéquipier non plus.
Le photographe fait une proposition de légende pour ce cliché pas comme les autres : « ‘Seul dans sa propre ligue’. Car il est vraiment à part quand on parle de shooter à 3-points. C’est ce que cette photo représente pour moi et ce dont on va se souvenir de lui. J’ai couvert la NBA sur les bords des terrains pendant 16 ans, je suis comme beaucoup je pense : je n’aurais imaginé que Curry devienne ce qu’il est devenu. » À savoir le meilleur shooteur de l’histoire de ce sport.
L’action du tir en question
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