Le buzzer venait à peine de retentir. Les confettis tombaient du plafond. La fête pouvait commencer. Les Warriors sont de nouveau champions de la conférence Ouest et on les retrouvera la semaine prochaine en Finals NBA. Cette phrase tellement familière avait pourtant une saveur si particulière.
C’est la sixième apparition des Warriors en NBA Finals en huit saisons. La première en 2015 avait pris toute la ligue par surprise. Les quatre suivantes, de 2016 à 2019, étaient une évidence. Il suffisait de voir les sourires de Stephen Curry et Draymond Green, l’excitation de Klay Thompson, et l’émotion de Steve Kerr pour comprendre que cette sixième accession était unique en son genre pour de très nombreuses raisons.
« C’est irréel comme sensation, c’est dur de trouver les bons mots, » disait Klay Thompson après le match. « À cette époque l’année dernière, je commençais à peine à courir. »
« Ce n’était pas notre première fois mais c’était tellement différent compte tenu de ce que notre franchise a traversé lors des deux dernières saisons »
« Ce n’était pas notre première fois mais c’était tellement différent compte tenu de ce que notre franchise a traversé lors des deux dernières saisons, » lançait un Steve Kerr ému.
Il y a trois ans, la dynastie de Golden State est tombée de son piédestal en quelques jours. Le tendon d’Achille de Kevin Durant était le premier domino, suivi trois jours plus tard par le ligament du genou de Klay Thompson lors du Game 6, et de la défaite valeureuse contre les Raptors lors du dernier match à l’Oracle. De cette nuit, on se souvient de la détresse de Stephen Curry, prostré dans un coin du terrain à l’opposé de son « Splash Brother ».
Ce déchirement fut le début de deux ans au purgatoire. Kevin Durant est parti à Brooklyn, Stephen Curry s’est cassé la main, et les Warriors ont fini la saison 2020 avec le pire bilan de la NBA. La renaissance tant attendue a disparu avec le tendon d’Achille de Klay Thompson, juste avant le début de saison dernière. Deux saisons blanches pour l’arrière, deux saisons sans playoffs, et des points d’interrogations de plus en plus imposants.
Est-ce que Stephen Curry et Draymond Green allaient lâcher ? Est-ce que Klay Thompson allait pouvoir redevenir Klay Thompson ? Est-ce que Steve Kerr et Bob Myers pouvaient reconstruire une équipe digne de ce nom ?
« Personne n’avait peur de nous après les deux dernières saisons, » s’amusait d’ailleurs Stephen Curry.
« Il ne s’agit pas de gagner des matchs pendant la saison, ça ne veut rien dire. Notre objectif était de progresser tout au long de la saison pour nous donner une chance d’être dans cette position aujourd’hui »
Face aux doutes, les Warriors se sont retranchés dans des certitudes. Leur culture, leur philosophie, une fondation altruiste et collective, une faim de retrouver les sommets, un ADN et un cœur de champions. À ce moment-là, l’adage de Rudy Tomjanovich avait pourtant tout l’air d’un cliché. L’histoire nous dit qu’il ne faut « jamais sous estimer le cœur d’un champion, » mais comment ne pas douter de la capacité de Golden State de symboliser cette expression après deux saisons aussi compliquées.
« Je suis fier d’eux parce qu’ils ont continué à travailler dur pendant ses deux saisons que ce soit sur le terrain, dans la salle de muscu, sachant que c’était la seule manière de retrouver les sommets malgré une absence totale de certitudes d’y arriver, » rappelait Steve Kerr.
« Nous avons dû faire face à beaucoup d’adversité mais nous n’avons jamais perdu notre confiance et notre foi de pouvoir retrouver ce niveau, » ajouté Stephen Curry,
Les comparaisons avec les Chicago Bulls des années 1990 sont évidentes. Après tout, l’équipe de Michael Jordan est la dernière équipe à avoir jouer six Finals en huit saisons. Ces Warriors ont toutefois plus un parfum des San Antonio Spurs de Gregg Popovich. Une autre franchise qualifiée de dynastie, qui a su se réinventer au fil des générations. Des « Twin Towers » de David Robinson et Tim Duncan, à un jeu plus épicé avec les arrivées de Tony Parker et Manu Ginobili, avec enfin l’éclosion de Kawhi Leonard.
Les Warriors en sont également à leur troisième itération sous Steve Kerr. Il y a eu deux saisons avec Stephen Curry en MVP et le record 73-9, les trois années avec Kevin Durant, et la saison actuelle. Mais comment espérer que Kevon Looney, Andrew Wiggins, Jordan Poole, Otto Porter Jr, un Andre Iguodala semi retraité, deux rookies et d’autres baroudeurs puissent porter cette version au firmament.
« Nous savons ce qu’il faut faire pour gagner un titre, » expliquait Draymond Green. « Il ne s’agit pas de gagner des matchs pendant la saison, ça ne veut rien dire. Notre objectif était de progresser tout au long de la saison pour nous donner une chance d’être dans cette position aujourd’hui. Avec tous les jeunes joueurs qu’on a, c’est à nous de le montrer la voie. Si vous le faites comme il se doit et avec confiance, les autres joueurs auront la même approche. »
« La culture commence avec nous, mais tout le monde en profite, tout le monde peut briller. Et c’est ça qui est super »
Tout commence toujours avec le trio Stephen Curry – Draymond Green – Klay Thompson, mené par la main ferme dans le gant de velours de Steve Kerr. Les trois tauliers ont pourtant chacun raté entre 18 et 50 matchs cette saison mais leur influence sur l’identité de ce groupe a transcendé le reste de l’effectif.
« Tout ça est construit sur des années et des années d’expérience. L’alchimie que nous avons parle d’elle même, » expliquait le meneur. « Le fait que nous n’avions pas joués ensemble depuis les Finals 2019 et je ne sais plus combien de jours et dès qu’on a pu se retrouver ensemble sur le terrain, c’était comme au bon vieux temps. »
Leur exil forcé loin des sommets, et des parquets, leur a donné une nouvelle perspective. Ce n’est pas normal d’aller en NBA Finals cinq saison de suite, mais ça l’est devenu pour ce trio.
« Ça vous donne une autre perspective et vous vous rendez compte de la fragilité ce que nous avons accompli, » lançait un Draymond Green philosophe. « Vous devez tirer profit des moments que vous avez quand vous êtes en bonne santé et bonne forme physique, c’est tout ce que vous pouvez faire.
Sachant que leur temps est compté, ils ont mis toute leur énergie au service de cette soif de victoire, et tout le monde leur a emboité le pas.
Le système était le même, la recette aussi. « Strength in Numbers », pendant toute la saison et encore plus en playoffs. Ils ne seraient pas de nouveau au sommet de leur conférence sans les inspirations fulgurantes de Jordan Poole, les efforts de l’ombre de Kevon Looney et d’Andrew Wiggins, et les contributions inattendues de Moses Moody, Jonathan Kuminga et bien d’autres.
« La culture commence avec nous, mais tout le monde en profite, tout le monde peut briller. Et c’est ça qui est super, » décrit Stephen Curry.
Dans une NBA où les stars et entraineurs jouent aux chaises musicales, Golden State mise sur la continuité. Ils n’ont jamais perdu une série de playoffs à l’Ouest depuis l’arrivée de Steve Kerr. « Je l’ai toujours dit, personne a prouvé qu’ils pouvaient nous battre quand nous sommes au complet et c’est toujours le cas, » lâchait un Draymond Green qui faisait référence à la blessure d’Andrew Bogut en 2016, et aux blessures de Klay Thompson et Kevin Durant en 2019.
Les Celtics, en particulier, et le Heat présentent cependant le duel le plus ardu auquel ils devront faire face dans ces playoffs mais les hommes de Steve Kerr ne voulaient pas encore y penser.
La nuit dernière, sur le même parquet qu’en 2019, bien que de l’autre côté de leur Baie, les Warriors ont renoué avec un succès qui leur est tellement familier, tout en étant si particulier.
Propos recueillis à San Francisco.