Parti aux Etats-Unis depuis l’âge de 14 ans, Moussa Diabate (2m08, 18 ans) vient d’annoncer qu’il allait porter les couleurs de l’Université de Michigan à partir de la saison 2021-22. Avec le transfert d’Olivier Sarr de Wake Forest à Kentucky (pour la saison prochaine), ça fait donc un deuxième Frenchy qui s’invite dans un des programmes les plus prestigieux de NCAA.
Mais qui est Moussa Diabate, ce gamin parisien d’origine malienne et guinéenne qui a sa fiche Wikipédia en anglais… mais pas en français ?
Une formation en accéléré
Actuellement classé 6e meilleur ailier fort, soit 20e meilleure recrue du pays, Moussa Diabate a connu une progression assez époustouflante quand on sait que le gamin de la région parisienne n’a commencé le basket qu’à 12 ans. En six ans à peine, il est ainsi passé de parfait inconnu et grand débutant au deuxième joueur français de l’histoire, après le pionnier Olivier Saint-Jean (futur Tariq Abdul-Wahad), à donner son accord pour rejoindre l’équipe de basket de la grande université de Michigan, en NCAA.
Du haut de ses 2m08 et doté d’un physique de plus en plus impressionnant, Moussa Diabate présente aujourd’hui les caractéristiques idéales pour être un intérieur moderne, avec sa mobilité et sa dextérité. Mais les débuts n’ont pas été aussi évidents…
« J’ai commencé dans un petit club, à 12 ans. J’aimais bien courir, j’étais plus grand que tout le monde. Un de mes potes me disait de faire du basket mais je ne venais jamais. Mes amis étaient tous dans un club pourtant. Finalement, je me suis lancé, au Sporting Club Maccabi de Paris dans le 11e arrondissement, un petit club départemental », racontait-il sur BeBasket. « J’ai fait quelques mois puis je suis parti à l’USD Charonne et c’est là que j’ai commencé à vraiment aimer le basket. Mon entraîneur s’appelait Philippe (Pronier), il a été la meilleure découverte que j’ai faite. Je ne savais pas jouer au basket, tous les autres joueurs étaient au-dessus de moi. »
De Charonne à Charenton, Moussa Diabate passe de l’apprentissage des fondamentaux à un club formateur historique de l’Hexagone. Il y passe un cap mais il doit aussi redoubler d’efforts pour rester à niveau.
Travailleur à l’entraînement mais encore laborieux sur le terrain, Moussa Diabate prend peu à peu confiance durant ces premières années de basket organisé, mais c’est bien à la fin de la saison 2015/16 qu’il a le déclic. Intégré dans le cinq majeur de son équipe, il « crève l’écran » durant la Lions Cup, un tournoi international organisé par Charenton, notamment face à la sélection polonaise qu’il gratifie d’un contre mémorable sur la planche.
Un départ sur un coup de tête
Tous les voyants semblent alors au vert. Mais alors que sa deuxième saison en U15 France avec la Saint-Charles Charenton se profile, et que son duo avec Daniel Batcho – un autre solide prospect tricolore – semble plus prometteur que jamais, Moussa Diabate est introuvable. On est à la Toussaint 2016, et il a effectivement disparu des radars.
Attendu pour un tournoi à Temple-sur-Lot avec la sélection d’Île-de-France, il a en fait pris un avion pour les États-Unis. Et la fameuse Montverde Academy, usine à talents NBA, en Floride.
« Les lycées ne voulaient plus me prendre pendant deux mois. Sauf une grande école, Montverde, dans le programme Middle School. C’était le dernier délai avant qu’ils ne puissent plus m’accepter. »
Sous les conseils d’un gardien de gymnase parisien qui a développé son petit réseau aux États-Unis, Moussa Diabate commence à penser sérieusement à un départ pour les Etats-Unis. Le refus du CREPS quelques mois plus tôt lui a évidemment porté un coup au moral… et c’est sur un coup de tête qu’il décide de quitter la France. À 14 ans.
Accueilli d’abord à Montverde, Moussa Diabate va ensuite s’inscrire à la Florida Prep Academy de Melbourne pour sa première saison complète. Il passera ensuite par la DME Academy de Daytona Beach puis la fameuse IMG Academy la saison passée pour monter en gamme en termes d’adversité. Car, de son propre aveu, le niveau de jeu est assez inégal, le circuit AAU étant même « un cirque » selon Moussa…
« C’est un vrai business [aux Etats-Unis]. Les qualités individuelles priment sur le basket d’équipe. Surtout en AAU. C’est du cirque parfois. En France si tu es le plus fort de ton équipe et que tu perds tous les matches, personne ne te regardera. Les Européens ont une meilleure approche. Ce qui compte c’est ce que tu montres sur le terrain, pas les vidéos sur YouTube » explique-t-il sur le site de la FFBB.
Deux étés importants chez les Bleuets
Durant l’été 2018, Moussa Diabate choisit pour le coup de zapper les tournois AAU pour répondre à l’appel du drapeau tricolore. Avec les Bleuets, il participe à l’Euro U16 en Serbie. Si la France échoue au pied du podium, Diabate a lui marqué des points auprès de la Fédération avec 11 points et 10 rebonds de moyenne, dont un gros double-double en quart de finale face à la Serbie avec 16 points et 17 rebonds.
« J’ai eu des moments de prise de conscience qui ont été très importants dans ce que je fais aujourd’hui », relate Moussa Diabate . « À Montverde, après deux mois, c’était terriblement difficile. Je devais m’habituer à un nouveau jeu. Je ne comprenais rien, je ne parlais pas anglais. Je n’étais même pas dans l’équipe 1. J’étais loin. Je me demandais ce que je faisais là. »
Mais, à force de travail et d’abnégation, Moussa Diabate se fait graduellement sa place aux Etats-Unis, recevant notamment l’intérêt de grandes universités dès la fin de sa deuxième année américaine, dont Memphis, Georgia Tech ou encore Oklahoma. Arizona, Kentucky ou Florida State suivront par la suite… Le projet audacieux du jeune Moussa est alors bien engagé, et ce d’autant plus qu’il ne perd pas contact avec la France.
« Je trouve que c’était vraiment cool [de revenir en Equipe de France], j’ai appris beaucoup de choses pendant cet été. C’était une petite vengeance pour moi. Je suis une personne en dehors du système français, j’ai connu un sentiment de rejet en étant refusé par le CREPS parce que je n’avais pas ci ou cela (ses notes trop faibles). Que l’équipe de France vienne m’inviter, j’étais vraiment content. Les joueurs étaient bons, sympas. Il fallait que je m’adapte au jeu français, qui est plus posé. Le jeu américain est lui basé sur la rapidité, la contre-attaque. »
L’été suivant, en 2019, Moussa Diabate remet le couvert avec 13 points et 11 rebonds de moyenne pour l’Euro U18 qui a lieu en Grèce. Moussa l’Américain a encore de gros progrès à faire mais il a notamment marqué les esprits avec un gros match face à la nation hôte en phase de poule : 14 points et 20 rebonds.
« Les compétitions internationales m’ont vraiment aidé sur mon jeu », estime-t-il. « Mais si j’étais resté aux Etats-Unis, j’aurais aussi développé mon basket. C’était surtout une question personnelle. J’aime la compétition. Quand on me parlait d’Ousmane Garuba (ndlr : pivot de l’Espagne U18 déjà vu en Euroleague avec le Real Madrid), je voulais voir par moi-même. Et puis faire la préparation à l’INSEP ça voulait vraiment dire quelque chose. Je trouve qu’on m’a regardé de haut. On m’a sous-estimé. »
Un prospect NBA en puissance
Encore frêle physiquement – mais quelle évolution déjà – et fragile techniquement, Moussa Diabate reste un prospect NBA en puissance. Son moteur et son énergie sont les qualités premières qui ressortent dans la bouche de tous les spécialistes interrogés. Gros rebondeur, très long mais aussi très mobile pour sa taille, il dispose d’outils athlétiques qui font saliver tous les scouts, notamment pour ce qui est de sa polyvalence défensive qui le rapproche d’un Jaren Jackson Jr. pour prendre un exemple récent.
« Il peut jouer partout sur le terrain », s’emballe ainsi le scout Brian Snow dans le Detroit News. « On peut espérer qu’il ait la capacité de défendre sur un arrière ou un ailier sur un changement de défenseur, et puis aussi sur les ailiers forts et les pivots vu comment il est grand. Je pense que c’est ça que beaucoup de gens observent avec attention car il a tellement d’aptitudes pour la défense. »
Avant de pouvoir rallier la Grande Ligue, Moussa Diabate devrait pouvoir bénéficier d’un tremplin idéal avec le Michigan de Juwan Howard, ailier fort All-Star durant les années 90. Bon shooteur dans le petit périmètre durant sa carrière NBA, le coach aura notamment pour mission de développer le tir extérieur de Moussa Diabate.
Un autre chantier à lancer sera celui de sa lecture de jeu, avec un travail à faire sur les bons placements et une attention particulière au spacing, là aussi des critères inhérents au basket moderne. Mais il faudra encore se montrer patient, tout ça sera pour la rentrée 2021.
En attendant, Moussa Diabate est probablement dans une salle à bosser son jeu et progresser. Encore et toujours…
« S’il n’a pas de pépins, il sera drafté, j’en suis persuadé », lance sans hésiter Lamine Kébé, son coach chez les Bleuets l’été passé. C’est tout le mal qu’on lui souhaite…
Breaking: 2021 five-star Moussa Diabate has committed to Michigan, he tells me. @M0ussaDiabate pic.twitter.com/ENuLqusfeQ
— Joe Tipton (@TiptonEdits) November 9, 2020