NBA
Ce soir
NBA
Ce soir
DET
NYK1:30
LAC
DEN4:00
Pariez en ligne avec Unibet
  • DET1.84NEW1.99Pariez
  • LA 1.39DEN3.05Pariez
  • 100€ offertsLa suite →

Felipe Lopez, High School Tragical

Felipe LopezIl est une chanson de Public Enemy intitulée « Don’t believe the hype ». La hype, c’est l’emballement médiatique qui fait d’un prospect prometteur une superstar avant l’heure. Evidemment, peu sont ceux qui répondent réellement aux attentes. Plus nombreux et spectaculaires sont les crashes en plein vol. L’arrière dominicain Felipe Lopez était le meilleur lycéen du monde. C’est sûr, le héros latino serait le « Jordan du XXIe siècle. » Combien d’entre vous le connaissent et parmi ceux-là, combien ont retenu son nom ?

« Ce sera le basketteur du siècle ! »

En Amérique, on a réinventé la ruée vers l’or. Les pionniers sont les meilleurs coaches universitaires du pays, représentants de Michigan, UCLA, Florida State, Kansas… Et même le plus célèbre d’entre eux, Dean Smith, celui qui a formé Michael Jordan à North Carolina, s’est déplacé dans le Bronx, à New York, pour convaincre la pépite de venir scintiller dans sa bijouterie pour basketteurs de luxe. Tant d’efforts, tant de convoitises pour un seul homme, un lycéen fêtant tout juste ses 18 ans, mesurant 1,98 m et répondant au doux nom de Felipe Lopez. Les coaches en question sont unanimes :

« Ce sera le basketteur du siècle ! »

Un compliment appuyé par leur collègue du lycée George Washington, adversaire et victime d’un soir :

« Quand je le vois jouer, je me dis que si le basket a été inventé pour un être sur cette Terre, ça ne peut être que Felipe Lopez. »

2 décembre 1993. Duel de lycées. George Washington-Rice. Les Raiders entament la saison à l’extérieur. Le match a lieu à Washington Heights, un quartier de Manhattan à forte représentation dominicaine. Il y a une trentaine de photographes et autant de caméras de télévision. Des chaînes locales mais aussi nationales. Même CNN est là ! George Washington est un lycée public, Rice est une high school privée située à Harlem, celle de Lopez. La rencontre se joue dans une petite salle archi-comble qui ne peut contenir que 200 personnes. Ils sont dix fois plus nombreux à l’extérieur. Une foule en transe. L’arrière dominicain natif de Santo Domingo est le leader naturel de l’équipe.

« Quand il est là, on sait que rien ne peut nous arriver », proclame son coéquipier Melvin McKey, un nabot d’une adresse diabolique.

Le match démarre. Pas de Lopez sur le parquet. Cherchez l’erreur… Etonnement des adversaires, grogne du public. Dis, coach Lou DeMello, tu veux te faire lyncher ?

« Non. C’est une punition. Ces derniers jours, Lopez ne travaillait plus avec la même intensité aux entraînements. Je l’ai même viré d’une séance. Demain, il sera une star. Pour l’instant, il doit beaucoup apprendre, même si la Terre entière le courtise. »

Les convictions ne durent qu’un temps. Celui de voir George Washington prendre les devants. Une clameur monte dans la salle. Il reste quelques minutes à jouer avant la fin du premier quart-temps. Felipe va entrer sur le terrain. Ses coéquipiers retrouvent le sourire. Ceux d’en face sont morts de trouille. A tel point que leur coach est obligé d’appeler un temps mort pour les rassurer.

« Les gars, il est impossible de l’arrêter… C’est juste un moment difficile à passer. Concentrez-vous sur ses coéquipiers. »

48 points, 18 rebonds et 9 passes en 30 minutes !

Felipe est sur le parquet depuis 17 secondes à peine quand il se présente sur la ligne des lancers francs. Deux points. D’autres suivront. En deux minutes, Rice passe en tête. L’école restera devant tout au long du match. Lopez rentre 20 tirs sur 28, dont deux primés. Pour agrémenter son show, il délivre des passes incroyables, inflige des contres appuyés, réalise des interceptions éclairs, s’offre un coast to coast et plante cinq dunks apocalyptiques. Ses fans jubilent. Son bilan chiffré est éloquent : 48 points, 18 rebonds, 9 passes. Un vrai massacre en 30 minutes. Ahurissant ! Le coach adverse a du mal à se remettre de ses émotions, pourtant prévisibles.

« Quand Felipe s’est mis à danser après un dunk, j’ai demandé à l’arbitre de le calmer. Tout simplement pour lui sauver la vie. Les spectateurs étaient dans un tel état de folie qu’ils auraient pu envahir le parquet rien que pour le toucher. »

Son coach, Lou DeMello, aura ce commentaire dans les jours qui suivront :

« Ne pas lui faire débuter la rencontre était une sanction. Il le fallait. C’est le meilleur joueur de mon équipe. A la fin de chaque entraînement, je désigne le meilleur joueur de la séance. Depuis deux semaines, Felipe ne figurait pas au tableau. C’était intolérable. Il a compris. Son match d’aujourd’hui n’est pas si exceptionnel… A l’entraînement, le lendemain de sa punition, il était dix fois plus fort. Heureusement, nous avons des panneaux et des cercles de rechange. Il pouvait tout casser, personne n’a pu l’arrêter. Il a dû faire au moins 100 contres. »

Felipe est content de son effet :

« Je voulais juste montrer à mon coach ce que je savais faire. En toute franchise, je méritais d’être puni. Travailler est la seule chose de bien qui puisse m’arriver. Désormais, je jouerai tous mes matches de cette façon. Si possible mieux encore. »

On imagine ce que ça peut donner… En clair, ses adversaires peuvent s’estimer heureux : ils n’ont pas connu le pire. Felipe s’est bien comporté. D’ailleurs, il est cool. Une éducation liée à ses origines. Six ans plus tôt, il vivait dans le pays de ses parents, en République Dominicaine. Une ancienne colonie espagnole située sur la même île qu’Haïti. Le basket, il était loin d’en faire un objectif à l’époque.

« Je jouais avec les potes, comme ça. Mon idole, c’était Hector Vinicio Munoz, le meilleur joueur du pays. Je me suis inspiré de lui. »

En numéro 2, il y eut Michael Jordan. Ah, Michael… L’Amérique, la réussite, le rêve. Inaccessible pour lui. Eté 1989. Lou DeMello, entraîneur d’un lycée du Bronx, est en vacances sur l’île, son pays natal. Il se promène, observe une bande de mômes jouant au basket. Il s’arrête, réflexe naturel d’un dénicheur de talents. Son flair est son principal outil de travail. Une tête sort du lot.

« Tout semblait si facile pour Felipe… Il avait la vision, le geste, les qualités physiques. Je lui ai demandé s’il avait déjà joué en club. Ce n’était pas le cas. J’étais stupéfait mais j’ai compris. »

« Il ressemble à Michael Machin… »

Felipe a 12 ans. Lou tente de convaincre ses parents que l’avenir de leur fils se joue à New York. Refus catégorique. DeMello ne lâche pas l’affaire. C’est toute la famille qui embarque pour « Big Apple ». Le père Luis, la mère Carmen et les six enfants, quatre garçons et deux filles. Notez que papa fut basketteur amateur sur l’île des Caraïbes, grosse pourvoyeuse de talents de baseball comme les voisins Cuba et Porto Rico. D’ailleurs, un Felipe Lopez, Porto-Ricain celui-là, s’est fait un nom en MLB. Evidemment, Felipe (le basketteur) s’essaya au baseball mais il se découragea rapidement après avoir pris une balle en plein pif. Pour la famille Lopez, direction le South Bronx, plus précisément East Street. Le repaire de l’une des plus fortes communautés latinos des Etats-Unis. Nous sommes en 1989, Felipe a 14 ans. Il parle seulement espagnol. Il apprend l’anglais à une vitesse prodigieuse. Il s’en amuse, expliquant que son vocabulaire épouse la croissance de son corps. Il prend 15 centimètres et 18 kg. Athlétiquement, on approche la perfection. Physique élancé. Corps élastique. Maman Carmen en est baba :

« S’il mangeait un peu plus, il serait comme l’homme qui saute, là, Michael Machin… »

Lopez est assidu sur les playgrounds du Bronx et dans le club des Gauchos Gym. Une association qui prend en charge les enfants des familles pauvres pour les éloigner de la violence urbaine de « Big Apple ». Felipe est l’élève parfait. Son jeu progresse, ses points enflent, sa réputation croît. Très vite, New York est à ses pieds (il signe plus d’autographes que certains joueurs des Knicks). Le reste du pays suivra. Lou DeMello, qui l’a découvert, le sait. Lopez est devenu l’icône de la communauté hispanique des Etats-Unis. Une sorte de porte-drapeau. Il est encore plus vénéré qu’un boys band porto-ricain archi-populaire à l’époque, Menudo. Quand il retourne à Santo Domingo, sa ville natale, un été pour un pick-up game, le voisinage est en ébullition. Il y a là près de 1 000 personnes. En dunkant, Lopez s’écorche le bras. Une spectatrice se presse pour essuyer la plaie et lui demande de lui dédicacer le mouchoir qui porte son sang…

lopezAprès trois ans de high school, Felipe décline une offre de 500 000 $ pour passer immédiatement pro en Espagne. Il demeure aux States et devient le meilleur lycéen du pays au cours de l’année 1994 (25.1 pts, 8.7 rbds). Rice (25-4) remporte le championnat de la ville de New York en dominant 82-54 en finale les Tigers de White Plains (21-4). Lopez inscrit 28 points en 20 minutes. Après 8 minutes, il en totalisait déjà 15… Les récompenses pleuvent (« USA Today », « Parade » et Gatorade Player of the year, M. Basketball de l’Etat de New York). Dans le McDonald’s All-American, dont certains participants deviendront des valeurs sûres (Antoine Walker, Trajan Langdon en Europe…), il se fend de 24 points et termine MVP du match. C’est simple, Lopez marche sur les traces de deux légendes new-yorkaises, Lew Alcindor (devenu Kareem Abdul-Jabbar) et Kenny Anderson. La machine médiatique s’emballe.

Lopez est le premier lycéen starifié façon LeBron James. Le phénomène est accentué par ses origines. C’est le champion de la communauté hispanique, toujours sensible à la question de sa représentativité dans la société et la culture américaines. Les universités qui veulent recruter Felipe doivent répondre à une trentaine de questions soigneusement préparées par toute la famille. Il n’a droit qu’à cinq visites de campus. Règlement NCAA oblige. Il a coché Kansas, UCLA, Florida State, Seton Hall et St. John’s University.

« Je me fiche de savoir si ma fac est la plus réputée. J’irai là où je me sens bien. C’est le meilleur choix pour moi. »

Sa famille est prête à le suivre s’il quitte New York. Deux lycéens figurant dans le Top 10 américain ont déclaré qu’ils ne joueraient dans une université que s’ils ont Felipe comme coéquipier. Tarik Turner, un brillant arrière, et Zendon Hamilton, un colosse new-yorkais de Floral Park, viennent de s’engager en faveur de St. John’s. Ce sera sa future destination, à quelques pas seulement de sa maison. Là même où s’était disputé le match de gala des meilleurs lycéens. Une fac qui prend alors le nom de St. John’s Red Storm. L’avenir du basket se déclinera en versions anglaise et espagnole.

En Une de « S.I. » sans avoir joué un match de NCAA

« Mon heure viendra. Dans quatre ans », fanfaronne l’arrière gaucher.

Quatre ans. Le temps nécessaire pour intégrer la NBA s’il va au bout de son cursus – et il ira. Son maillot numéro 13 est censé lui porter bonheur. Il caresse déjà les rêves les plus fous. Régner sur la planète basket. Eblouir public et télés. Sa spéciale ?

« Quand je suis sur le terrain, j’aime bien prendre un rebond au-dessus d’une mêlée et dunker dans le même mouvement. »

Dans les previews NCAA, c’est de la folie pure. Le coach, Brian Mahoney, a beau lancer des appels au calme, Lopez fait l’objet d’une hype démentielle. Et clairement déraisonnable. L’arrière dominicain se retrouve en Une de l’hebdo de référence « Sports Illustrated » le 28 novembre 1994. Un soleil couchant, la Statue de la Liberté plongée dans l’ombre, Felipe flottant dans les airs, le logo du magazine prenant feu, un « Super freshman » en légende et un « The Big East is back » en gros caractères blancs… La mise en scène est un peu surréaliste. Et le choix audacieux. Lopez a droit à l’honneur suprême sans même avoir foulé un parquet NCAA. Avec LeBron James et O.J. Mayo, la scène s’est banalisée. Mais à l’époque, c’est un choc. Dès sa première année à la fac, le conte de fées perd un peu de sa magie. Lopez tourne à 17.8 points, 5.7 rebonds et 2.8 passes. Tout à fait respectable mais pas non plus extraordinaire. Il n’est retenu que dans le troisième cinq de la Big East. Sa moyenne de points pique du nez pendant deux ans (15.9 comme junior).

Au cours de l’été 1996, Zendon Hamilton et lui sont tancés pour avoir enfreint la loi en acceptant deux billets d’avion offerts par Sonny Vaccaro, un représentant d’Adidas. Il s’agissait d’aller effectuer un workout à Las Vegas avec Tom Grgurich, assistant à Seattle. Les intéressés plaident la bonne foi. Ils échappent à une suspension mais doivent s’acquitter chacun d’une amende de 572 $, soit le prix du billet.

Sur le phénomène Lopez, tout le monde a une opinion. Au lendemain d’un match blanc contre l’université de Minnesota en décembre 1996 (0/7 aux tirs dont 0/6 à 3 pts), Stephon Marbury intervient dans le débat.

« Je pense qu’il doit passer pro l’année prochaine. Jouer en college ne l’aide pas. Ça lui fait même du tort. Il se concentre trop sur son jump shot, il ne court plus du tout et ne dunke plus du tout. C’était pour cela qu’on le connaissait. Ça, il peut le faire en NBA. En NCAA, non. »

Certains émettent l’idée que Lopez aurait pu sauter la case NCAA. En 1994, personne n’y songe sérieusement. Kevin Garnett franchira le pas un an après. Kobe Bryant deux ans après. La question n’effleura même pas l’esprit de Felipe. Il se réveille en 1997-98, avant le grand saut en NBA (17.6 pts), ce qui lui vaut d’être retenu dans le premier cinq All-BEC. Dans l’histoire de la fac, deux joueurs seulement auront marqué plus de points : Chris Mullin et le regretté Malik Sealy. Il s’empare accessoirement du record pour le plus de tirs primés réussis sur une saison (60) comme en carrière (148). Durant son année senior, le Red Storm dispute le tournoi NCAA – une première depuis 13 ans – sans laisser un souvenir impérissable (défaite 66-64 contre Detroit au premier tour). Dans cette équipe, un ailier du nom de Ron Artest vient de disputer son année freshman.

Lopez est un slasher hyper athlétique, excellent finisseur, avec un bon jeu poste haut et des moves hallucinants. Il sait se frayer un chemin jusqu’au cercle en s’appuyant sur son dribble et sa vitesse. Il a fait des progrès aux tirs mais ce n’est pas un grand shooteur, ce qui est toujours problématique pour un 2, ni un passeur dans l’âme. Oui, il a mouché Ruben Patterson dans le Sprite Slama Jama Contest mais certains scouts affichent leur scepticisme…

Le héros latino a perdu de sa superbe. Il se refait un peu la cerise dans des camps d’après-saison et enchaîne les workouts musclés avec un prof de shoot. Dix équipes NBA le voient à l’œuvre. Felipe veut croire que le jeu pratiqué chez les pros conviendra mieux à ses qualités naturelles. Et puis ses origines en font toujours un basketteur à part. La preuve : il est invité à participer à un meeting donné par le président américain de l’époque, Bill Clinton, le 15 avril 1998 à Houston. Thème du colloque, retransmis sur ESPN : la place des minorités dans le sport. A ses côtés, on trouve deux vraies stars du sport US, l’ancien running back de Cleveland Jim Brown, considéré par certains comme le meilleur joueur de NFL de tous les temps, et l’athlète Jackie Joyner-Kersee, championne olympique d’heptathlon (1988 et 92) et de saut en longueur (1988), quatre fois championne du monde (deux fois dans chaque discipline). Est également présent John Thompson, le coach légendaire de Georgetown. Plus que jamais, la question ethnique est ultra-sensible aux Etats-Unis. La communauté latino écrivit au président pour se plaindre d’être sous-représentée. Lopez fut ajouté aux intervenants à la dernière minute mais cela ne suffit pas à calmer les esprits. En MLB à l’époque, les joueurs d’origine hispanique représentent 24% des effectifs (17% sont Noirs).

Le pionnier latino ? Juste un leurre

Les Knicks possèdent le 44e choix. Ernie Grunfeld, le GM, ne croit pas à la possibilité de récupérer le Dominicain, annoncé dans la deuxième moitié du premier tableau.

« C’est un slasher athlétique. Il est rapide et vif. La comparaison avec Gerald Wilkins est bonne. Gerald était un kid maigrichon et un shooteur irrégulier mais c’était aussi un bon athlète. Regardez-le aujourd’hui, c’est un roc. Felipe a besoin de se renforcer lui aussi. Mais c’est un bon garçon et un gros bosseur. Je pense qu’il aura été pris quand viendra notre tour de choisir. »

Ce 24 juin 1998, la famille Lopez écoute s’égrener les noms. Olowokandi, Bibby, LaFrentz, Jamison, Carter, Traylor, Jason Williams, Larry Hughes, Nowitzki, Pierce… Felipe est rejeté en vingt-quatrième position, coincé entre Tyronn Lue et Al Harrington. San Antonio, qui le retient, n’en veut pas. Un véritable crève-cœur : l’équipe est compétitive et la ville est hispanique aux deux tiers. Il est immédiatement cédé à Vancouver (futur Memphis), une jeune franchise abonnée à la lose qui accepte d’envoyer Antonio Daniels chez les Spurs. Durant son année rookie, le Dominicain démarre 32 matches sur 47 et rapporte 9.3 points et 3.3 rebonds. L’équipe finit dernière de la Ligue, sans grande surprise, mais c’est un bon début. Felipe est censé upgrader son jeu pour devenir une menace constante en attaque.

Seulement, Lionel Hollins le met sur la touche. La deuxième année, il traîne déjà son ennui au bout du banc (4.5 pts sur 12 mn et 65 matches). Muet en attaque, Lopez se métamorphosera au fil du temps en spécialiste de la défense. Sa seule consolation, c’est d’apporter un peu de fierté et d’espoir à tous les spectateurs latinos qu’il croise dans les salles NBA. La communauté hispanique n’avait pas de représentant dans la Ligue. Faute de stats consistantes, ce passeport dominicain devient un peu un gadget. De l’ambassadeur, Lopez n’a que l’étiquette. Il estime avoir ouvert la voie aux Argentins ou aux Espagnols, œuvré à une hispanisation de la NBA. Mais rétablissons la vérité : ce mouvement s’est inscrit dans un processus d’internationalisation de la Ligue, grosso modo au lendemain du fiasco des championnats du monde d’Indianapolis 2002. La sélection argentine a beaucoup plus fait pour l’ouverture des frontières du basket pro US. Dans les années 90, les Drazen Petrovic et autres Detlef Schrempf furent d’authentiques pionniers. Ils eurent un véritable impact dans la Ligue et creusèrent un sillon pour les meilleurs basketteurs européens. En quoi la trajectoire d’un joueur antillais qui a tourné à 5.8 points sur 4 ans a-t-elle pu favoriser l’éclosion d’un Manu Ginobili ou l’arrivée d’un Pau Gasol, révélés sur le Vieux Continent et dans les compétitions internationales ? Lopez fut simplement le premier dans la place. Ni plus, ni moins.

Le 22 août 2000, les Grizzlies réservent un vol en direction de Washington pour quelques éléments du roster devenus indésirables. Dennis Scott, Cherokee Parks, Obinna Ekezie et l’ancien meilleur lycéen du monde prennent un aller simple pour nulle part. Dans la capitale fédérale, les Rod Strickland, Juwan Howard et autres Mitch Richmond mettent « Wash’ » au supplice. Les deux premiers finiront la saison ailleurs. Felipe Lopez aussi. Il est coupé le 22 février 2001 et rebondit à Minnesota une semaine après. L’équipe est solide – Terrell Brandon est un meneur sous-estimé – mais cale irrémédiablement en playoffs. Au moins le Dominicain dispute-t-il sa première campagne de postseason. De 7.4 points sur 23 matches de saison régulière (10 fois starter), sa moyenne va chuter à 2.5 en 2001-02. Il rentre 67 fois en jeu, ce qui est beaucoup, mais seulement pour faire souffler les stars (moins de 9 mn)… Durant la présaison 2002-03, il est victime d’une rupture d’un ligament au cours d’un match avec les Timberwolves. Ce sera sa dernière apparition en NBA.

« A vouloir rester humble, il est devenu soft »

Lopez rejoint Dallas en octobre 2004 mais il ne portera jamais le maillot des Mavs. Commence alors un incroyable tour du monde. Il retourne au pays, fait une pige en ABA (Long Beach Jam), se produit en Allemagne, en République dominicaine, sonde sans succès le Magic et les Clippers, réapparaît en Espagne, poursuit sa carrière en CBA puis chez lui, dans les Caraïbes, au Brésil et en Argentine en marge d’un nouvel intermède dominicain…

Avec des gains en carrière estimés à 2,6 millions de dollars, la NBA n’a pas fait de Lopez un sportif immensément riche. Et écumer le continent américain ne nourrit pas forcément son homme. Aussi, il entame parallèlement une carrière de consultant sur des télés hispaniques. Sur Telemundo, il commente des matches NBA. De son parcours, l’international dominicain assurait ne strictement rien regretter. Oui, l’étiquette de « nouveau Michael Jordan » était peut-être un peu dure à supporter. Mais non, il n’y a rien à jeter. Il ne regrette pas son passage à la fac, ni son choix de draft, ni Vancouver, ni Washington, ni Minnesota. Nothing, Edith. Les salles pleines, le gratin du basket, le public latino, un CV unique dans la Ligue… Tout ça n’avait pas de prix. A ses yeux, il a marqué l’histoire. Pas forcément de la façon attendue. Mais parce qu’il n’était pas censé être là, il « positive » chaque étape de sa vie. Bon, ça ressemble parfois à la méthode Coué… Il a dû transiter par des losing teams ? La réponse fuse :

« C’est sûr, ce fut plus dur que prévu, j’ai dû travailler plus. Mais j’étais encore en NBA. J’étais là où j’avais toujours rêvé d’être. Parfois, c’est bien d’avoir à s’arracher encore plus. »

Il doit faire une pige en CBA ? Pas de problème :

« Je fais cela pour me donner une dernière chance. En NBA, on doit savoir que je peux encore apporter quelque chose. »

A l’époque du lycée, tout le monde imaginait déjà Lopez sous le maillot des Knicks. Toute son histoire fut résumée dans ce commentaire de Jose Rodriguez, patron d’un café bien connu du Bronx, le Jimmy’s, où deux maillots de basket rompaient l’hégémonie des tuniques de baseball, le 33 de Patrick Ewing et le 13 de Lopez :

« Evidemment que Felipe fut un produit de la hype. On l’a mis trop haut, trop vite. C’était un produit du basket new-yorkais, dominicain en plus. Les Dominicains n’avaient jamais eu un joueur de basket, en tout cas pas un crack. Ils l’ont porté aux nues précipitamment. A vouloir être une icône, le premier en tout, Felipe a trop pris son temps. Il a gardé une image trop propre en voulant conserver grâce et dignité. Il aurait dû débouler à la fac en bombant le torse. C’était la seule façon de survivre à la hype. Il a essayé de rester humble mais il est devenu soft. Je crois qu’un jour, il en aura marre de tout ça. Il va s’énerver et se dire que ça suffit… »

Anthony Lopez, le grand frère, eut lui-même une réaction d’énervement à une époque où le soufflé était en train de retomber. St. John’s vient de subir six défaites de suite. Nous sommes en février 1997. La discussion a lieu en fin d’après-midi aux abords du Madison Square Garden.

« Les gens disent que Felipe ne fait pas ceci ou cela… Nous, nous n’avons jamais dit que ce serait la future superstar de la NBA ou quoi que ce soit. Felipe a saisi une opportunité en venant en Amérique. Il va avoir son diplôme. Nous sommes fiers de ce qu’il est aujourd’hui, pas de ce qu’il était censé devenir selon les médias et le public. »

En 2014, les Knicks lui ont rendu hommage pour son travail d’éducateur dans les quartiers via sa fondation. Auprès de toutes les communautés, Lopez (42 ans) intervient pour enseigner le basket aux plus jeunes, et plus particulièrement aux plus défavorisés. Peut-être qu’un jour, il y découvrira le futur… Felipe Lopez.

Stats
4 ans
249 matches (80 fois starter)
5.8 pts, 2.4 rbds, 1 pd, 0.6 int, 0.2 ct
43.2% aux tirs, 32.7% à 3 points, 65.9% aux lancers francs

Suivez toute l'actualité NBA sur la chaîne WhatsApp de Basket USA

Suivez nous également sur Google Actualités

Tags →
Commentaires
Forum (et HS)  |   +  |   Règles et contenus illicites  |   0 commentaire Afficher les commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *