« Je suis Drago seulement sur le parquet. Dans la vie, je suis un clown. »
Avec sa crête, sa barbe, ses épaules de déménageur et ses tatouages de docker, il n’est certes pas le prototype du gazier qu’on aimerait croiser dans une ruelle sombre un soir d’orage. Mais Marcin Gortat est bel et bien une crème. Un gentil garçon. Quand on est le rejeton d’un boxeur ayant participé à deux Olympiades, il faut avouer qu’il vaut mieux filer droit !
Malgré ses 2m14 sous la toise, le grand Marcin ne commence pourtant le basket que tardivement, en 2002 alors qu’il va sur ses 18 ans. Avant ça, il a un peu tout essayé : le saut en longueur, les lancers, la boxe (comme papa), et la natation où il fait partie de l’équipe nationale. Sept ans plus tard, on est en 2009…
« Je jouais les finales NBA [avec le Magic, ndlr]. Dix ans plus tard, j’ai signé un contrat avec sept chiffres. »
De Lodz à Washington D.C. : une ascension fulgurante
Avec 19.3 pts et 9.3 rbds de moyenne après trois matches, Gortat le trentenaire n’est clairement plus le même homme que celui qui a entamé timidement sa carrière de basketteur du côté de Lodz, en Pologne il y a de ça douze ans.
« Est-ce que j’ai une philosophie du basket ? Mon nom est Marcin Gortat. Je viens de Pologne. Je représente 40 millions de gens et 40 millions de plus aux Etats-Unis. Je représente aussi ma mère et mon père. »
En cinq petites saisons seulement, Marcin va passer de la Pologne à la NBA, en passant chronologiquement par l’Allemagne, la Coupe ULEB, l’Euroligue, la D-League et enfin le Magic et la NBA. Après avoir été signé par le club allemand de Cologne, Gortat commence à se faire une renommée sur le Vieux Continent. Combinant la force physique héritée de son père boxeur, et la dextérité de sa mère volleyeuse, Marcin se sent rapidement comme un poisson dans l’eau de Cologne.
Avec tous les sports qu’il a testés auparavant, Gortat a déjà développé une vitesse et une habileté rares pour sa taille. C’est même de sa période allemande que naît son premier surnom: « The Polish Machine ». A la salle du soir au matin pour rattraper son retard technique, Gortat est un boulimique. Il ne s’arrête jamais. Une vraie machine ! Mais, même après trois coupes d’Allemagne et un trophée de champion en 2006, Janusz le paternel, n’est toujours pas impressionné.
« C’est mon père tout craché ça ! Quand je suis revenu après avoir gagné le championnat allemand, il m’a dit que les quatre médailles que j’avais, il les avait déjà gagnées avant ses 18 ans. ‘Pour compter mes médailles, il faut parler en kilos tellement j’en ai gagnées’. » raconte Marcin au Washington Post. « Un jour, je lui ai répliqué en lui montrant mon premier chèque. C’était un truc comme 300 000 dollars. ‘J’ai gagné plus en un mois que toi pendant toute ta vie. Tu dis quoi maintenant ?’ Etre le fils de M. Gortat, le Gortat Junior, ce n’était pas facile du tout. Il y avait beaucoup d’attentes sur moi. Tout le monde s’attendait à ce que je sois un sportif professionnel. Et on a souvent essayé de me descendre. »
Doublure de Superman puis titulaire indiscutable
Son départ vers l’Allemagne puis vers les Etats-Unis n’a certainement pas été facile aux débuts. Mais d’une certaine manière, c’était la meilleure chose qui pouvait arriver à Marcin. Pour couper définitivement le cordon, Gortat a traversé l’Atlantique. Et son premier contrat n’était pas cadeau ! Il lui a fallu servir de « sparring partner » à Dwight Howard à l’entraînement. Loin d’être une sinécure…
A force de travail, la « machine polonaise » devient le « marteau polonais ». Parfait relais de Dwight Howard quand ce dernier se blesse au cours de la saison 2008-09, Gortat aligne des stats tout à fait intéressantes dès qu’il est propulsé titulaire : 10 points, 12 rebonds, 3 contres. Certes, il ne s’agit que de trois matchs mais le potentiel est bien là.
Rongeant son frein en Floride à jouer les doublures de luxe de Superman, Gortat va bientôt avoir, à Phoenix, l’occasion d’exploiter toutes ses qualités. Avec Steve Nash à la baguette, Gortat se pourlèche les babines des caviars du meneur double MVP. La combinaison Nash – Gortat grandit peu à peu et devient létal sur le pick & roll. Le pivot polonais se régale avec 15 points et 10 rebonds de moyenne pour sa première saison pleine en Arizona (en 2011-12).
Signataire d’un gros contrat avec les Wizards, pour 60 millions de dollars sur 5 ans, Marcin Gortat peut désormais envisager l’avenir avec sérénité. Excentrique hors du terrain, l’intérieur de D.C. abat son boulot chaque jour sur les planches. Sans broncher. Comme hier malgré la défaite contre le Heat.
« On a ramené pas mal de personnalités différentes. L’an passé, on avait beaucoup de joueurs frustrés de ne pas pouvoir jouer, de ne pas obtenir de minutes. Cette année, on a des joueurs qui peuvent se relancer et se battre pour des minutes. On a l’opportunité de repartir sur du neuf. »
L’ambassadeur marrant de la Pologne en NBA
Figure essentielle du renouveau des Wizards aux côtés de John Wall ou Bradley Beal, Gortat est heureux dans la capitale fédérale. Il a trouvé son équilibre et la sérénité. Son ascension fulgurante débutée en 2002 s’est arrêtée… mais pour laisser place à un haut-plateau de quiétude et de bonheur. Avec les playoffs retrouvés pour les Wizards l’an passé, et une demi-finale de conférence prometteuse, Washington veut poursuivre sa progression cette saison. Et Gortat en fait partie intégrante !
Véritable bout-en-train, le massif polonais est le baromètre de l’équipe. C’est lui qui permet aux jeunes joueurs de se calmer et aux vétérans de trouver un référent à qui parler. Il faut dire que Marcin sait ce que cela veut dire d’assumer ses responsabilités. Dans sa Pologne natale, il est une véritable rock star, n’hésitant pas à s’afficher sur une jeep de guerre un jour, et avec un cochon comme animal domestique le suivant.
« Ça va dans les deux sens. Ce qui est bien dans le fait que je sois un joueur étranger, c’est que les gens apprennent un peu de la culture polonaise et j’apprends chaque jour un peu plus de la culture américaine. » commente Marcin sur USA Today. « Il y avait pas mal de joueurs dans l’équipe qui ne connaissaient rien de la Pologne. J’ai entendu dire que c’était en Afrique… Ce dont je suis sûr, c’est qu’on a rien à envier aux Etats-Unis pour ce qui est des femmes et de la nourriture. On a les femmes les plus belles du monde, et intelligentes en plus. Pour la nourriture, il y a beaucoup d’agriculteurs et on a de la bonne bouffe. Aux Etats-Unis, il y a 50% de la population qui est en surcharge pondérale. En Pologne, c’est sous les 25% je pense. »
Ambassadeur de la Pologne aux Etats-Unis par la force des choses, Marcin Gortat ne s’est jamais éloigné de ce rôle qu’il a embrassé depuis son arrivée dans la Grande Ligue. Avec les Wizards, alors qu’il atteint la plénitude de ses (incroyables) moyens physiques, Gortat peut viser encore plus haut. Et pourquoi pas jouer les troubles-fêtes au milieu des Bulls et des Cavs à l’Est ?
Les aventures de Marcin
Marcin à Cologne
Marcin en Floride
Marcin en Arizona
https://www.youtube.com/watch?v=phW58u2S7j8
Marcin à l’échoppe polonaise
Marcin à Washington
https://www.youtube.com/watch?v=rL0xJt5mSNg