La blessure d’Al Jefferson l’an passé a propulsé Kevin Love dans le cinq de départ de Minnesota.
Excellent rebondeur, le n°5 de la draft 2008 a tenté de muscler son jeu pour gommer un déficit de taille. Son histoire est celle d’un enfant de la balle dont le père joua pour les Lakers et les Bullets. On comprend mieux pourquoi le Californien loves this game…
« Je pense que je serai meilleur joueur professionnel que joueur universitaire. »
Osés, les propos tenus par Kevin Love le 7 février 2008 après un match monstrueux contre Arizona (26 pts, 11 rbds)… L’étudiant de UCLA promettait de faire encore mieux au niveau supérieur. Mais l’intérieur des Bruins s’était bien gardé de donner une date pour son explosion sur les parquets NBA et bien lui en a pris car ses débuts dans la Ligue furent difficiles, dans un contexte qui ne l’était pas moins avec une équipe de Minnesota à la rue en dépit de l’arrivée de Mike Miller. Si l’on ajoute à ça l’omniprésence d’Al Jefferson dans la raquette, il ne restait que des miettes pour le débutant Kevin Love, attendu au tournant puisqu’échangé contre le petit prodige O.J. Mayo (3e choix de draft par les Timberwolves). Après la blessure de son franchise player en janvier dernier, le n°42 a rattrapé le temps perdu. A la fin de l’exercice, il s’affichait à 11.1 points et 9.1 rebonds de moyenne.
« Sur un plan personnel, c’était mieux puisque j’avais du temps de jeu (ndlr : 25.3 mn) mais les résultats de l’équipe sont restés toujours aussi mauvais, donc bon… »
Bombardé pivot starter à la place de « Big Al », l’ancien protégé de Kevin McHale avait l’excuse facile :
« Quand vous perdez votre meilleur joueur, votre go-to-guy, votre leader, votre capitaine, c’est dur de rester au niveau. Al est capable de réaliser tout ce que je ne sais pas encore faire. A la fin d’une possession, tu sais que tu as toujours la possibilité de le trouver et qu’il y a de fortes chances qu’il mette 2 points. Al est irremplaçable à Minnesota. Sans lui, on ne tient plus la route. »
Kevin Wesley Love, en hommage à Wes Unseld
A quoi tient le destin ? Le natif de Santa Monica (Californie) aurait pu tenir le jeu intérieur des Grizzlies si Marc Gasol n’avait pas pris possession des lieux suite au deal intervenu en février 2008 entre les Lakers et Memphis concernant son frère Pau. Pourvu à l’intérieur, Memphis a préféré récupérer un arrière prometteur en la personne de Mayo. C’est ainsi que Love se retrouva à Minneapolis, plébiscité par un Kevin McHale qui se retrouvait peut-être en lui. Mais ne croyez pas que Love a été prénommé Kevin en hommage à son glorieux prédécesseur. Aucune espère de reconnaissance. La famille Love a certes baigné dans le basket – Stan, le papa, fut coupé par les Lakers après une quatrième saison NBA à 7.2 points de moyenne – mais c’est Wes Unseld qui a marqué les esprits.
« J’ai joué deux ans avec Wes aux Baltimore Bullets, explique Stan Love. C’était un type extra. Il avait le cœur sur la main. En souvenir de ces bons moments, j’ai choisi Wesley comme deuxième prénom pour mon fils. »
Stan a aujourd’hui 60 ans. Cet ailier de 2,02 m avait débuté dans l’Oregon, comme le fiston. Kevin fit ses premiers pas de basketteur au lycée Lake Oswego, dans la banlieue de Portland (l’ancien arrière d’Atlanta Salim Stoudamire est lui aussi issu de cette highschool). C’est là que la famille déménagea dans les années 70. Kevin Love se demande encore pourquoi son père n’a pas joué plus longtemps en NBA.
« C’est lui qui m’a tout appris. Je ne travaillais jamais assez dur. Physiquement, il trouvait que je ne forçais pas suffisamment sur les poids. Et puis il me demandait sans cesse de consacrer plus de temps aux fondamentaux. Il tenait à ce que je joue moi aussi en NBA. »
Stan ne contredit pas son fils :
« Comme basketteur, je n’étais pas assez concentré sur mon métier. J’ai voulu que Kevin évite de commettre les mêmes erreurs. »
Bosser n’a jamais été un problème pour Kevin qui a toujours été le premier sur le parquet du gymnase de Lake Oswego depuis le 8e échelon au lycée. Très souvent à 6h30 du matin.
« Mon père m’aurait réveillé sans problème mais j’étais déjà hors du lit. Il me disait :
– Qu’est-ce que tu vas pouvoir faire ? Il pleut encore à torrent…
– Je vais aller shooter.
Une fois, il m’a dit que j’avais l’amour du jeu dans la peau. Je pense qu’il était fier de moi. Il ruminait à cause de ce qu’il n’avait jamais fait lui-même… »
Son oncle Mike co-fonde les Beach Boys
La saga de Kevin Love s’écrit autour du basket et de la surf music, courant né de l’explosion des Beach Boys dans les charts en 1961. Son oncle Mike fut l’un des membres fondateurs du groupe californien, avec ses cousins Brian, Carl et Dennis Wilson. Les Beach Boys firent un tabac sur la scène internationale pendant une quinzaine d’années. Si Stan a aussi peu joué en NBA, c’est aussi parce qu’il préféra, à un moment donné, manager le groupe. Notamment lorsque Brian Wilson entra en conflit avec Mike Love pour l’écriture d’un nouvel album (« Smile » ne verra finalement jamais le jour). Le vieux Mike (68 ans), qui chante encore à ses heures perdues, a suivi la saison de son neveu il y a deux ans à UCLA. Pourquoi ? Parce que son frère Stan réquisitionnait fréquemment un charter afin d’aller soutenir Kevin dans les moindres recoins de la Pac 10. Afin de soutenir Kevin mais aussi Russell Westbrook, ex-star des Bruins qui s’émancipe enfin dans la ligne arrière du Thunder d’Oklahoma City. Une seule fois, le clan resta à la maison : à l’occasion d’un road trip à Michigan. Autant dire que Kevin a toujours bénéficié d’un soutien indéfectible.
« Quand tu vois ta famille faire autant de sacrifices pour toi, pfff… Tu n’as pas le droit de décevoir les tiens. Quel que soit le niveau où tu joues. En NBA, je paie pour apprendre. Je ne considère pas non plus que c’est une fin en soi. Ni que tout est acquis. Je ne porte pas un T-shirt qui dit « Hey, I’m here ». Je sais qu’il n’y a jamais rien de définitif. Et surtout que je n’ai encore rien montré ni prouvé. »
Kevin Love n’a pas été élevé comme cela. Et puis un passé récent continue de le hanter. Favori pour le titre NCAA 2008 avec les Bruins, il échoua lors du Final Four à San Antonio (défaite 78-63 en demi-finales contre le Memphis du Bull Derrick Rose).
« J’ai reçu beaucoup d’awards en highschool et lors de ma saison de freshman à UCLA mais bon, la consécration suprême n’est pas là… Gagner un titre avec une équipe est sûrement la chose la plus enthousiasmante qui puisse t’arriver. Même si je suis jeune, je mesure le chemin qu’il me reste à parcourir en NBA pour espérer connaître un tel bonheur. »
L’ex-protégé de Kevin McHale ne veut pas rentrer dans le débat sur ses aptitudes, répondre à ses détracteurs qui le trouvent trop lent, trop petit et surtout dépourvu d’un vrai shoot.
« J’ai convaincu une équipe NBA de me faire confiance au moment de la draft. Je sais ce qu’il me reste à faire », coupe l’intérieur des Timberwolves qui n’a logiquement pas été retenu pour le dernier Rookie game.
Pivot contre son gré
En l’état, Kevin Love se concentre sur le minimum vital. Sur le parquet, il gobait 21.4% des rebonds d’un match. C’est énorme : l’ex-Bruin se classe 2e parmi les rookies, toutes saisons confondues, derrière Larry Smith en 1980-81 ! Le potentiel de celui dont on faisait le
« Joueur de l’année 2008 dans la Pac 10 » est certain. Il explosera, pour peu qu’on lui donne des minutes, même si Love se voit plutôt percer en position de power dans la grande Ligue.
« Je pensais que ma position naturelle en NBA serait celle d’ailier fort. Aux côtés d’Al (Jefferson). Je me retrouve au poste cinq à défendre sur Shaquille O’Neal et Dwight Howard… Ce n’est pas ce qu’il y a de plus facile comparé à ce que j’ai connu en college. Ça rend l’apprentissage encore plus dur. »
Mais Love a des arguments à faire valoir. Il a terminé sa première saison avec 29 double-doubles (n°1 chez les rookies) et s’est imposé comme l’un des meilleurs rebondeurs offensifs du circuit (2e NBA). Preuve qu’il n’a pas perdu la hargne qui était la sienne sous les ordres de Ben Howland à UCLA.
« C’était déjà l’une de ses caractéristiques chez les Bruins, explique l’ailier des Bucks Luc Mbah a Moute qui a campé sur Westwood pendant trois ans. J’étais à UCLA deux saisons avant Kevin et j’ai bien noté la différence après son arrivée. Il a apporté une toute autre dimension à l’équipe. Je suis persuadé qu’il finira par élever le niveau de Minnesota. »
Kevin trouve des ressources dans les messages d’encouragements de ses deux jeunes sœurs, Emily et Karen, sans oublier Collin (21 ans) qui joue à Santa Monica. Emily, 14 ans, a les mots justes. Celle d’une gagnante. Fan d’équitation, elle est championne nationale de dressage ! Kevin Love, élu dans la NBA All-rookie second team, doit aujourd’hui surmonter les mêmes obstacles.
Highlights Kevin Love en 2008/09
Crédit photo : Streetball.com