Dire que le sport de haut niveau est un milieu viril, boosté à la testostérone et aux clichés machistes est évidemment une lapalissade. Mais, si l’actualité récente nous l’a rappelé, le débat est encore loin d’être clos, il semble que les mentalités aient bien du mal à évoluer.
« Une question ridicule » ! Vraiment ?
Preuve en est cette interview par webcams interposées de Phil Jackson et Kurt Rambis, deux anciens Lakers à qui le site The Huffington Post a posé la question (plus précisément une internaute) de savoir si la NBA ne devrait pas être plus conciliante et plus ouverte avec la question de l’homosexualité.
La réponse du Maître Zen est cinglante… et manque clairement de philosophie !
« C’est une question ridicule. Enfin, personne n’a probablement jamais croisé ce problème dans sa carrière. Il n’y a pas à être conciliant [puisque le problème n’existe pas], donc c’est une question étrange pour moi. Je n’ai jamais rencontré le problème dans toute ma carrière. »
Cette conclusion à l’emporte-pièce est tout aussi charmante qu’elle est fausse… ou tout au moins, elle mérite éclaircissement. Kurt Rambis est lui plus nuancé et propose donc une vision plus proche de la réalité.
« On n’a jamais rencontré ce problème, en tout cas, ouvertement. Aucun des joueurs ou des coachs ne s’est jamais présenté comme étant homosexuel. Le seul exemple que je connaisse est John Amaechi d’Utah qui l’avait annoncé après sa carrière… Et puis récemment, Kenneth Faried a bien fait de présenter aussi ses deux parents homosexuels. »
John Amaechi courtisé par les Lakers en 2000
Le nom est lâché : John Amaechi. Le pivot anglais que l’on avait d’ailleurs rencontré à Manchester l’été dernier, avait effectivement été pionnier sur la question en écrivant notamment un bouquin intitulé Man in the Middle. Et dans ce dernier, une anecdote interloque en écho à la phrase de Phil Jackson.
Petit flashback : on est en 2000, les Lakers viennent de gagner le titre et Phil Jackson, dans sa 2nde année à LA, cherche un pivot remplaçant pour faire souffler Shaq. Amaechi sort d’une grosse saison à Orlando et le pivot est courtisé par les Lakers. On l’amène à diner, il rencontre Jerry West, et puis c’est au tour de Phil Jackson et Mitch Kupchack, le GM, le lendemain matin pour le petit déjeuner.
« Pour un pivot agent libre, rien de tel que de voir Phil Jackson débarquer sur son Harley noir. C’est le signe que vous êtes désiré. Un très bon signe. »
La rencontre est positive mais John Amaechi décidera finalement de rester à Orlando pour rester auprès de deux jeunes qu’il a pris sous son aile et qu’il adoptera finalement.
Amaechi, Dooling, E.J. Johnson : briser la loi du silence
Mais l’information est là : Phil Jackson a bien rencontré le problème de l’homosexualité dans sa longue carrière. Simplement, comme d’autres, il maintient cette hypocrisie qui consiste à dire que ça n’existe pas.
Les exemples d’Amaechi, mais aussi de Keyon Dooling récemment pour d’autres raisons, voire d’EJ Johnson (le 3e fiston de Magic), prouvent que la NBA maintient bon gré mal gré cette loi du silence. L’ancien joueur NFL Wade Davis expliquait récemment qu’il connaissait plusieurs joueurs NBA homosexuels, dont un titulaire avec un rôle majeur.
Contrairement à ce qu’affirme Phil Jackson, le problème existe donc bel et bien et comme le raconte Wade Davis, les coéquipiers d’un joueur homosexuel sont presque toujours au courant de sa situation. Mais le vestiaire reste néanmoins dans le non-dit, parce que c’est sans doute plus facile à gérer comme ça.