Après avoir publié un premier roman chez Hugo en juin 2020, « Le dernier match de River Williams », Vincent Radureau reprend la plume pour « L’ombre d’un géant », paru le 12 mai dernier.
Journaliste sportif pour Canal + depuis bientôt 30 ans, et présentateur depuis plusieurs années de l’émission « Canal NBA » aux côtés de George Eddy et Youcef Ouldyassia notamment, notre confrère a choisi la NBA comme décor de ses deux premiers polars.
Basket USA a voulu en savoir plus sur le mariage de ces deux passions, l’écriture et la NBA.
Vincent Radureau, à quand remonte votre envie de prendre la plume ?
C’est une très vieille envie. Quand j’étais ado, j’écrivais déjà beaucoup, et puis j’ai laissé tomber pour d’autres formes d’expression « artistique ». J’ai toujours été intéressé par le journalisme et la création en général. J’ai d’abord laissé tomber l’écriture pour me mettre à la bande dessinée puis à la musique. J’ai fait beaucoup de musique pendant 10-15 ans. J’ai pu faire un peu de scène, donc c’était vraiment ce qui monopolisait toute mon attention « créative ». Et quand je suis devenu un peu trop vieux pour monter sur scène, je me suis mis à l’écriture, vers 2013.
Comme tout le monde, j’ai fait mon petit parcours du combattant des apprentis écrivains. J’ai écrit un premier manuscrit, un deuxième, puis un troisième, refusés par les maisons d’édition, avec une jolie lettre très standardisée. Et puis ça a fini par accrocher avec Hugo, ma maison d’édition.
« Je trouve le décor absolument fascinant et intéressant pour un polar »
Vous aviez déjà publié des ouvrages, mais comment passe-t-on de journaliste à romancier ?
Je crois qu’on ne s’improvise pas écrivain. Peut-être qu’il fallait que je passe par ces épreuves là, ces étapes. J’ai toujours eu ce côté fiction, création, en moi, mais il a fallu que je travaille le truc, tout simplement. A chaque fois, les manuscrits avaient des thèmes complètement différents. C’est même le tout premier manuscrit qui se déroulait dans le milieu du sport. Les autres étaient des polars purs et durs, qui avaient plus de lien avec le monde de la télévision. J’ai décidé de me remettre un peu dans ma zone de confort, le sport, et c’est peut-être la raison pour laquelle j’ai été retenu cette fois-ci. Parce que j’étais plus à l’aise et je savais de quoi je parlais dans un polar avec la NBA en toile de fond.
Mais pourquoi avez-vous choisi l’univers du basket et de la NBA plutôt que celui du foot par exemple, dont vous êtes également très familier ?
Parce que je suis toujours dedans. Actuellement je suis journaliste pour la version africaine de Canal +. On produit des émissions pour le continent africain. Je suis beaucoup sur le foot mais j’ai toujours Canal NBA qu’on tourne chaque semaine, donc je suis encore à fond dedans. Et c’est le sport que je trouve le plus télégénique. Le basket est le sport qui me passionne le plus. C’est fantasmatique. On a quand même affaire à des champions hors-normes sous nos yeux, des athlètes hors catégorie. Et ça se passe aux États-Unis, dans les grands espaces mais aussi des quartiers comme Brooklyn. Je trouve le décor absolument fascinant et intéressant pour un polar, ça a tout de suite plus de gueule.
Le basket est le sport qui vous passionne le plus ?
Certes, je travaille sur le foot 90% du temps, mais les 10% restants sont très importants, et je dois avouer que le dimanche soir, j’hésite vraiment entre le match de foot et le « SNL » avec Rémi Reverchon sur Bein Sports. Je zappe, il me faut deux écrans sinon ce n’est pas possible.
Justement, à quand remonte votre premier souvenir de la NBA en tant que journaliste ?
Mon premier contact avec la NBA remonte à assez longtemps quand même puisque je suis arrivé à Canal en 1992. On était deux, avec Grégoire Margotton, à sortir d’une école de journalisme. On a d’abord été stagiaires avant d’être embauchés, et on faisait tout ce qui se présentait. On a beaucoup travaillé sur le foot, évidemment, mais aussi sur d’autres sports et notamment le basket et la NBA. On a notamment assuré ce qu’on appelait les « secours », c’est à dire qu’on devait rester en plateau au cas où le faisceau pétait, ce qu’on a fait pour les finales NBA. Je suis incapable de me souvenir de l’année, mais c’était dans les années 90, avec Jordan évidemment. Mon premier contact avec la NBA c’est ça, en plateau, la nuit, avec les finales en fond et la découverte de cet univers, de ce mec là qui s’appelle Michael Jordan, et c’est comme ça que c’est parti.
Et ensuite ?
Il y a eu « Playground » que j’animais. J’avais conçu l’émission à la demande de mon patron de l’époque et Xavier Vaution nous avait notamment rejoints dans le casting pour parler de tout ce qui était culture basket. Un peu plus tard, vers 2013, j’ai aussi un peu accompagné la Pro A sur une saison en plateau, jusqu’aux phases finales.
Cette passion mais aussi ce pied encore dans la NBA, c’est ce qui a fait pencher la balance dans le choix de l’intrigue ?
En fait, ça a été le fruit d’une discussion avec mon éditeur, Bertrand Pirel, d’Hugo Sport, qui me l’a proposé. On avait déjà collaboré ensemble sur le biographie de Kobe Bryant « Mamba Mentality ». J’avais fait la traduction du texte original. Et c’est lui qui a eu l’idée. « Et si tu faisais un polar avec la NBA en toile de fond ? ». J’ai trouvé ça génial et je suis parti bille en tête. Je n’ai pas hésité avec un autre sport. À ce moment là, c’est de ça dont j’avais envie. C’était juste une envie, de voyager, de parler de ces personnages qui sont formidables… Je voulais juste me faire plaisir.
« J’ai été profondément marqué quand j’étais plus jeune par le film « Do The Right Thing » de Spike Lee »
Et pour le décor de ce deuxième opus, pourquoi Brooklyn plutôt que Los Angeles par exemple ?
Le premier environnement, je l’ai choisi parce que j’avais comme point de départ la découverte d’un cadavre dans une sorte de parc national désertique qui serait proche en même temps d’une ville NBA. Donc je suis parti sur l’Utah, avec le Jazz. J’avais envie de ces décors là, une ambiance un peu à la « Paris, Texas », le film de Will Wenders. Et sur le deuxième, je voulais changer radicalement d’univers, et avoir une ambiance un peu plus sombre, un peu plus crasseuse et me retrouver à Brooklyn, notamment sur les playgrounds de ce quartier là. Ce sont deux univers qui n’ont rien à voir, avec les mêmes personnages, qui sont d’ailleurs un peu déphasés dans le nouvel univers, à Brooklyn. Mais ça m’a bien fait voyager moi aussi, de passer des grands espaces de l’Ouest américain à la cote Est et à Brooklyn.
Vous avez par ailleurs pris soin de remercier des réalisateurs comme Spike Lee ou Martin Scorsese pour l’inspiration apportée par leurs films…
Carrément, même si je n’ai jamais eu l’honneur de les rencontrer. J’ai aussi choisi « Bed-Stuy » parce que j’ai été profondément marqué quand j’étais plus jeune par le film « Do The Right Thing » de Spike Lee, qui raconte une émeute qui naît en plein cœur de Bedford-Stuyvesant. C’est un environnement mythique pour moi. Donc il fallait absolument que je rende hommage à ce film là dans le bouquin, tout comme à « Taxi Driver » de Scorsese. Pour moi, le New York crasseux que je voulais retranscrire était un peu entre les deux, même si « Taxi Driver » se balade plutôt du côté de Manhattan. Spike Lee, lui, est vraiment à « Bed-Stuy ». Je les remercie de m’avoir tellement inspiré.
Et pour le personnage, qui vous a inspiré River Williams ?
C’est un mélange de plusieurs joueurs. Déjà, c’est un géant, ça se passe dans l’Utah, le premier en tout cas, autour du Jazz, et je ne cite jamais Rudy Gobert. Ça m’ennuyait un peu, donc j’ai quand même donné la taille de Rudy à mon héros. River Williams fait 2,16m, comme Rudy. Après, sur son côté versatile, capable de jouer quasiment à toutes les positions, c’est plus du Giannis Antetokounmpo.
On aurait aussi pu penser à Joel Embiid pour le côté mobile ?
Pas faux, c’est vrai qu’il recule aussi, il s’écarte et il est plutôt correct, ce qui n’est pas encore le cas de Giannis.
Quels sont les premiers retours depuis la sortie de « L’ombre d’un géant », il y a une semaine ?
Ils sont très bons, comme pour le premier d’ailleurs. Je suis surpris parce que je me disais qu’avec Twitter, j’allais me faire descendre. Les gens sont hyper exigeants, on sait comment les réseaux peuvent être cruels et durs parfois. Mais j’ai eu zéro retour négatif. Ça ne veut pas dire non plus que ça a été un succès en librairie. Mais les retours sont positifs. Les gens me questionnent par rapport au premier, s’il est indispensable pour comprendre la suite ou si le deuxième peut suffire. Le deuxième peut se lire tout seul, mais s’ils ont lu le premier, c’est bien aussi. J’ai reçu des photos de personnes qui avaient acheté les deux. Ce sont des retours chaleureux et bienveillants, et pour un apprenti écrivain comme moi, ça fait un bien fou, c’est sûr.
Puisque vous êtes sur Canal+ Afrique et que la Basketball African League vient de naître, est-ce que River Williams va traverser les océans pour jouer dans la nouvelle ligue africaine ?
Ce qu’il y a de bien quand on écrit une histoire, c’est qu’on peut faire ce qu’on veut ! Pourquoi pas, d’autant que ce qu’il se passe à Kigali en ce moment, ça fait vraiment envie. C’est balbutiant, le niveau de jeu est assez inégal, mais je pense qu’il y a vraiment un truc à faire avec cette BAL. Je suis ça depuis Paris, ça me dégoûte bien !
« Il y a aussi un potentiel dramatique assez fort dans le MMA »
Qu’en avez-vous retenu jusqu’à présent ?
Ils sont partis sur une « bulle » comme à Orlando pour des raisons sanitaires et ça se joue sur deux semaines. A la limite, je trouve que ça en fait un événement hyper intéressant, en condensé. Encore une fois, c’est assez inégal et disparate en terme de niveau, donc il peut y avoir des « blow out » assez considérables. Mais il y a des équipes qui ont un vrai niveau de jeu, je pense notamment aux équipes d’Afrique du Nord. J’aime bien aussi l’équipe sénégalaise de l’AS Douanes qui a un petit style sympa. Ils ne sont pas très forts à l’intérieur et se font un peu manger au rebond, mais il y a de vrais shooteurs. Et de manière générale, depuis que je bosse sur l’Afrique et la NBA, je me rends compte qu’il y a un réservoir considérable de joueurs potentiellement NBA sur ce continent. Ce n’est pas pour rien si les Pascal Siakam, Joel Embiid et même Giannis Antetokounmpo, sont des joueurs formidables.
Plus sérieusement, est-ce qu’un troisième volet est à l’étude ?
(Il hésite). Il y a déjà des gens qui me le réclament et me demandent quand va sortir la suite. J’y songe, même si le troisième synopsis qui a été préparé porte sur un autre univers qui serait le MMA, à Las Vegas. Il y a de quoi en faire là aussi un polar assez intéressant autour de ce sport de dingue. Mais il y a peut-être une chance pour que je retrouve River Williams à un moment ou un autre. Pourquoi pas sur la côte Ouest ? Il ne l’a pas encore faite. Il y a aussi un potentiel dramatique assez fort dans le MMA qui est un sport qui se développe énormément. Je le vois beaucoup sur le continent africain. Je crois que c’est une discipline qui est entrain de passer devant la boxe anglaise. Il y a une vraie « hype » autour du MMA.
Pour conclure sur de la NBA : votre coup de cœur de la saison ?
Mon coup de cœur ? Si je vous dis que c’est la meilleure équipe de la ligue, vous allez me dire que c’est trop facile. Mais c’est une équipe qu’on n’attendait pas forcément à ce niveau là. Et forcément, c’est une équipe que j’ai au cœur depuis le premier roman. J’avais fait du Jazz un champion NBA complètement inattendu dans mon premier polar et voilà qu’ils finissent meilleure équipe de la ligue en saison régulière ! Il y a des joueurs que j’adore, Rudy Gobert évidemment, j’aime beaucoup Mike Conley, Joe Ingles, Donovan Mitchell, Bojan Bogdanovic… Ils méritent entièrement leur première place. Je ne sais pas s’ils iront au bout. J’en doute un peu.
Qui voyez-vous pour le titre ?
Ça va être chaud… Brooklyn est clairement très bien armé, mais les Sixers ont l’avantage du terrain. Et à l’Ouest, les cartes ont été rebattues alors que les Lakers sont diminués. Le Jazz et les Suns manqueront peut-être d’un peu d’expérience de ce niveau… Je vais dire Brooklyn, puisque ça colle avec mon deuxième roman !
L’ombre d’un géant
Aux Editions Hugo « Roman »
A partir de 9,99 euros
330 pages
11 x 18 cm