Si les Kings font les playoffs et qu’il continue à sortir de grosses prestations comme cette nuit, Buddy Hield sera l’adversaire le plus sérieux de Pascal Siakam pour le titre de Most Improved Player. Personne n’attendait les Kings à ce niveau en début de saison, et pourtant, après avoir encore tenu les Warriors en joue, les hommes de Dave Joerger ont immédiatement relevé la tête cette nuit avec un succès retentissant sur le parquet du Thunder.
Gregg Popovich : « Il fait peur à tout le monde »
Pour Buddy Hield, l’exercice 2018-2019 est celui de la confirmation. Depuis le début de l’année, les coups de chaud du shooteur se font de plus en plus réguliers (déjà 8 matchs à plus de 30 points en 2019), à tel point qu’il est incontestablement devenu l’arme offensive numéro 1 dans l’arsenal des Kings.
En 59 matchs disputés, le joueur drafté en 2016 tourne à 20.7 points, 5.2 rebonds et 2.3 passes décisives par match. Dans chaque catégorie statistique, Buddy Hield a progressé, mais c’est peut-être à 3-points, son arme favorite, qu’il est le plus impressionnant avec près de 45% de réussite en plus de 7 tentatives par match ! Seul Stephen Curry fait mieux dans le registre.
Pour son coéquipier Bogdan Bogdanovic, le numéro 24 « fait désormais partie des meilleurs shooteurs de la ligue. Les tirs qu’il rentre, c’est incroyable ». Son meneur De’Aaron Fox apprécie pour sa part le fait que Buddy Hield puisse « prendre feu à n’importe quel moment. Il peut claquer 15 points de suite à lui tout seul. C’est toujours super d’avoir un gars qui peut devenir chaud comme ça ».
Gregg Popovich y est récemment allé de son compliment au sujet du joueur des Kings, invité au concours à 3-points du All-Star Game le week-end dernier. « Il fait peur à tout le monde. Il bouge bien sans le ballon, il a un gros mental, de la confiance en lui. C’est un joueur qu’il faut surveiller à chaque match ».
Une enfance loin de l’opulence des Bahamas
Cette mentalité à toute épreuve, Buddy Hield l’a aiguisée durant sa jeunesse. Celle-ci est marquée par la pauvreté, à l’Ouest de Freeport, la deuxième plus grande ville de l’archipel. Composées de 700 îles, les Bahamas sont une destination de rêve, en particulier pour les riches touristes américains. L
e nouveau hobby de ces derniers consiste désormais à louer ou acheter des îles entières, à grands coups de millions de dollars. Mais l’envers du décor est malheureusement bien éloigné des paysages paradisiaques qu’on retrouve sur les cartes postales.
« D’où je viens, ce n’est pas comme dans les grands hôtels. Les gens regardent juste les Resorts mais ils ne vont pas plus loin dans les terres pour voir la vie de tous les jours. La vie y est rude, mais je ne changerais ça pour rien au monde, parce que ça a fait de moi ce que je suis aujourd’hui. Ça me ressemble pas mal ».
Sa mère a travaillé dur, 14 heures par jour pour subvenir aux besoins de ses 7 enfants délaissés par leur père, dans une maison sans électricité. C’est autour de 11 ans que Buddy Hield se passionne pour le basket. À cet âge, il n’a pas encore le droit de se rendre sur le terrain de jeu tout seul, à cause de la violence, de la drogue et de l’activité des gangs.
Le petit Buddy a donc créé son propre panier en découpant le fond d’une caisse en plastique pour faire le cercle et un bout de contre-plaqué en guise de panneau. Il emprunte un marteau et quelques clous à son oncle et installe son attirail sur le lampadaire en face de la maison de sa grand-mère.
« Le cercle était tellement fragile que pour marquer un panier, il fallait vraiment tirer sans le toucher, ce qui était dur. Ça demandait une bonne concentration, mais c’était fun », se rappelle le joueur des Kings.
Moins de dix ans plus tard, le voilà en NCAA où ses longues heures passées à shooter finissent par payer.
Un shooteur et un travailleur hors-pair
Assistant coach à l’université de Minnesota, Kyle Lindsted, à l’époque entraîneur dans un lycée du Kansas, à Bel Aire, est l’un des premiers à avoir décelé le talent de Buddy Hield lors d’un camp de jeunes à Freeport.
« Il n’était pas du tout l’un des principaux prospects », se rappelle-t-il, « mais c’était un winner. Il n’était pas flashy, pas vraiment athlétique, il dunkait à peine… Il n’avait sans doute jamais soulevé de poids et n’avait pas le physique idéal à cause de ce qu’il mangeait. Mais il savait shooter ».
Au delà de sa « découverte », Kyle Lindsted a surtout été marqué par la misère de là où Buddy Hield a grandi.
« C’est incomparable avec ce que j’ai vu ici aux Etats-Unis. Je ne sais pas si c’est le tiers-monde, mais dans certains coins, ça l’est. C’est la pauvreté, il n’y a pas d’autres mots pour le dire, mais je peux vous dire que dans sa maison, les gens étaient magnifiques. L’esprit de sa mère est fabuleux. Elle est reconnaissante, elle sait ce qui est vrai et ce qui est faux. Elle a fait de Buddy ce qu’il est aujourd’hui. C’est vrai quelqu’un de spécial ».
Après avoir fait le grand saut pour les USA, direction la Sunrise Christian Academy de Kyle Lindsted, il a décidé de poursuivre son cursus à Oklahoma, où il effectuait son retour samedi soir pour assister à la rencontre entre les Sooners et les Texas Longhorns, avant de croiser le fer avec le Thunder.
« Depuis le premier jour, quand je m’adressais à lui, il me disait : « Coach, je vais le faire, je vais aller en NBA et prendre soin de ma mère et de ma famille », ajoute Kyle Lindsted. « Beaucoup d’enfants disent ce genre de choses, mais je n’ai jamais vu un gamin avec une telle volonté. C’est le travailleur le plus dur que j’ai jamais vu ».
Cette éthique de travail, son coéquipier en sélection Jaraun Burrows, qui évolue à Fos-sur-Mer en Jeep Elite, l’avait également notée dès ses premières rencontres avec le joueur des Kings qui représente aujourd’hui le visage du basket aux Bahamas.
« Il est arrivé en équipe nationale alors qu’il n’était qu’à sa deuxième année de fac si ma mémoire est bonne. C’est à ce moment que j’ai compris que nous avions là un garçon spécial. Il avait terminé meilleur marqueur du tournoi auquel nous avions participé avec Porto Rico qui avait quelques joueurs NBA, le Mexique… Il y avait de beaux adversaires mais Buddy avait été exceptionnel. C’est un incroyable travailleur, et sa mentalité a complètement changé au cours de son apprentissage aux Etats Unis. Les jeunes des Bahamas utilisent surtout leur côté athlétique, leur vitesse… Buddy est un shooteur, ce qui demande un travail de concentration très important. Mais il a aussi bossé son côté athlétique, on voit le résultat aujourd’hui, il est à un autre niveau ».
La victoire à OKC, tout un symbole
Après la courte victoire d’Oklahoma, Buddy Hield a fait le spectacle sur le parquet d’une des formations les plus redoutables de la ligue actuellement. L’occasion pour lui de se remémorer les meilleurs moments de son passage en NCAA, qui l’ont propulsé en NBA et de mesurer le chemin parcouru depuis sa Draft, par les Pelicans en 2016.
« C’est un endroit où il est toujours bon de venir. Il faut vraiment être concentré quand tu viens à Oklahoma. Mais pour moi, juste d’être là, je me sens à l’aise ».
À l’aise, au point de claquer 34 points à 12/22 au tir, prendre 5 rebonds, donner 4 passes décisives et repartir pour la Californie avec un précieux succès en poche, le 31e de la saison pour SacTown, qui compte à nouveau deux victoires d’avance sur les Lakers (10e), mais toujours deux de moins par rapport aux Clippers.
« C’est énorme, surtout quand on voit comment Russell Westbrook et Paul George jouent en ce moment », ajoute-t-il. « C’est une super équipe, une grosse équipe défensive, mais on a tenu bon. PG a eu un bon tir à la fin, mais Dieu merci, ce n’est pas rentré », a-t-il conclu en référence à la frustrante défaite deux jours plus tôt face à Golden State.
Porté par cette volonté et cette confiance à toute épreuve, Buddy Hield est le symbole de ces Kings version 2018-2019, au culot incomparable. Au point de pousser le sniper bahaméen à parier sa maison ou de faire peur au champion en titre en vue d’éventuelles retrouvailles au premier tour des playoffs !
https://www.youtube.com/watch?v=Qft3jDpKH9c