Encore raté. Pour la deuxième année consécutive, les Hornets ont terminé la saison régulière sans gloire avec un triste bilan de 36 victoires pour 46 défaites (10e de la conférence Est). Les espoirs nés de la saison 2015-2016 (6e place, 48v-34d), la première de Nicolas Batum en Caroline du Nord, se font toujours attendre.
Après le retour de blessure à l’épaule de Michael Kidd-Gilchrist qui devait booster un roster prometteur la saison précédente, c’est l’arrivée de Dwight Howard l’été dernier qui devait donner une nouvelle dimension à la franchise dirigée par son altesse Michael Jordan. Mais « Buzz City » a encore peiné à honorer son surnom. Retour sur les raisons de ce nouvel échec.
L’impondérable : les blessures
C’est malheureusement souvent le point de départ d’une saison ratée et les Hornets n’y ont pas échappé. Rouage essentiel de l’équilibre offensif de l’équipe, Nicolas Batum a manqué le training camp et les 12 premiers matchs, la faute à une entorse au coude, une blessure terriblement gênante dont l’ailier français a eu du mal à se remettre, et forcément, le collectif de l’équipe a eu du mal à s’en relever. Avec une série de six revers au début du mois de novembre, Charlotte ne partait clairement pas dans les meilleures dispositions et n’a pas su inverser la tendance malgré le retour précipité de « Batman », longtemps gêné.
L’autre absence de taille concerne Cody Zeller, un vrai guerrier qu’il vaut mieux avoir avec soi, régulièrement cité par Nicolas Batum comme un élément déterminant des deux côtés du parquet par sa hargne et son opportunisme. Or le petit frère de Tyler Zeller a vécu la pire saison de sa carrière avec des blessures à répétition (épaule, genou…) et 33 petits matchs au compteur. Nul doute que Steve Clifford avait imaginé une autre association avec sa recrue phare de l’été Dwight Howard, ex-franchise player d’une formation d’Atlanta déjà en perdition…
Allô, la défense ?
Lors du brillant exercice 2015-2016 réalisé par les Hornets, l’aspect défensif avait joué un rôle prépondérant. Or en deux ans, la formation de Charlotte est passée de 7e meilleure défense du pays (101.8 points encaissés par match sur 100 possessions, 44.4% d’adresse pour l’adversaire, le 11e meilleur taux de la ligue) à la 16e place (107 points encaissés sur 100 possessions, 46.8% d’adresse concédé à l’adversaire, 22e de la NBA), en passant par la 14e place la saison dernière.
L’arrivée de Dwight Howard n’a pas réussi à enrayer le problème défensif de ce groupe, pourtant bien présent au rebond (80.7% des rebonds défensifs récupérés, soit le meilleur taux de la ligue) et qui offre peu de balles perdues à l’adversaire, mais qui est devenue l’une des pires équipes pour défendre le pick-and-roll. Et dans la NBA actuelle, ça ne pardonne pas…
De plus, Charlotte a ces derniers temps perdu ce visage intraitable à domicile où la hargne, la détermination (et la défense) des hommes de Steve Clifford avaient fait de l’antre de Charlotte une forteresse difficile à prendre (11 matchs perdus à domicile en 2015-2016, le 3e meilleur bilan à l’Est, 19 la saison suivante et 20 cette année). Difficile de prétendre à quelque chose, même dans une conférence Est qui a perdu autant de All-Stars durant l’intersaison, avec autant de revers à la maison.
Dwight Howard, quel impact sur le jeu ?
Vu de l’extérieur, l’intégration de l’ancien pivot du Magic, auteur de 16.6 points et 12.5 rebonds en moyenne sur la saison, peut sembler réussie. Mais à y regarder de plus près, « Superman » endosse également une part de responsabilité dans le nouvel échec des Hornets. Moins utilisé dans sa dernière année à Houston, puis à Atlanta, où on lui demandait d’être simplement un rebondeur/défenseur, le pivot voulait récupérer un plus grand rôle offensif en Caroline du Nord. Ce fut le cas puisqu’il a pu attaquer deux fois plus poste bas cette saison par rapport à l’an passé (499 possessions contre 272, mais avec un taux de réussite toujours très faible, 0.83 point par possession sur ces actions cette saison contre 0.84 l’an passé).
Son jeu poste bas a parfois (pour ne pas dire souvent) ralenti le jeu de percussion des Hornets, comme le suggère Joseph Gomis, ancien coach personnel de Nicolas Batum jusqu’à mi-janvier et aujourd’hui assistant-coach de l’Asvel.
« Zeller et Nico combinaient beaucoup ensemble avant et s’entendaient bien sur le terrain. Avec Dwight, c’est différent. Parce qu’il va lui demander la balle à un certain endroit pour pouvoir travailler au poste bas, ce qui enlève de la fluidité au jeu. Alors qu’avec Zeller, il bouffait moins le ballon, entre guillemets. Même dans le jeu, je pense que ça a dû impacter Nico aussi même s’ils se sont mieux trouvés par la suite ».
Habitué aux moves du virtuose Al Jefferson lorsque celui-ci était au sommet de sa carrière, le public du Spectrum a dû faire avec les exigences de son nouveau pivot dont la palette offensive est pourtant bien plus maigre, et ce malgré les conseils et ajustements, été après été, du maître en la matière, Hakeem Olajuwon.
Nicolas Batum : « Ça n’a pas marché comme on l’aurait voulu »
Interrogé sur sa relation avec Dwight Howard lors du Media Day de fin de saison, Nicolas Batum, plus effacé cette saison en attaque (de 12.7 à 10.2 tirs pris par match, de 15.1 points la saison dernière à 11.6 cette saison) a avoué à demi-mots la difficulté de la situation qui l’a poussé a changer son jeu, et par conséquent celui de son équipe.
« Avec Cody, on jouait beaucoup de pick & roll. Je l’ai moins fait avec Dwight parce que je lui ai donné beaucoup plus de ballons dans la peinture. Il a fait une grande saison, donc je suis content pour lui. Je pense avoir fait mon job de ce côté-là, j’ai fait de mon mieux pour faire en sorte qu’il fasse une bonne saison. Est-ce que j’ai abandonné une partie de mon jeu ? Oui, peut-être. Mais ça ne m’embête pas car je l’ai fait pour l’équipe. Si je voulais m’occuper davantage de mes stats, j’aurais dit : « Non, viens me poser un écran car je ne te donnerai pas le ballon à l’intérieur ». Mais il y a eu beaucoup de matchs où il a été dominant à l’intérieur qui ont fait que je devais le nourrir dans la peinture et jouer pour lui. Et je suis ok avec ça. J’aurais pu demander à rester sur le banc et jouer avec Cody, jouer pour moi, pour mes stats… Non, je voulais jouer avec lui, parce que je pensais que ce serait possible et que j’aurais des possibilités autour de lui… Mais ça n’a pas marché comme on l’aurait voulu. Il a fait une belle année, mais nous n’avons pas gagné de matchs, donc peut-être que j’aurais dû en faire plus. Ça a un peu dénaturé mon jeu, mais je voulais qu’il fasse une grosse saison. Et quand on a un joueur comme lui, il faut l’utiliser. C’est ce que j’ai essayé de faire. »
Dans les faits, ce choix de continuellement servir Dwight Howard au poste bas a ralenti le jeu, et Nicolas Batum n’a pas été le seul à en pâtir. Kemba Walker, moins créateur que dans le passé, a parfois été caricatural dans son jeu avec des systèmes qui manquaient de mouvements et souvent longs à se déclencher.
Proche du pivot depuis ses années en tant qu’assistant à Orlando et Los Angeles, Steve Clifford a donc payé cet équilibre raté qui lui a pourtant été imposé, le club comptant sur sa proximité avec D12 pour le relancer.
Le front office en première ligne
Le problème, c’est que la direction a misé gros sur un groupe qui semble avoir des limites insurmontables. Après la belle campagne 2016, la décision de libérer Al Jefferson, sur le déclin alors que l’équipe était devenue meilleure avec Cody Zeller sur le parquet, semblait évidente. Les finances du club n’ont néanmoins pas permis de retenir les précieux Courtney Lee et surtout Jeremy Lin, partis tous les deux à New York pour signer de juteux contrats que Charlotte ne pouvait pas se permettre d’offrir.
À 12 millions de dollars par an, encore l’an prochain, Kemba Walker est la seule bonne affaire de l’effectif alors que Nicolas Batum (qui a encore 76 millions de dollars sur trois ans sur son contrat) prouve qu’il est ultra dépendant du collectif. À ses côtés, Michael Kidd-Gilchrist n’arrive pas à franchir le cap espéré. L’ailier est bien présent en défense mais, régulièrement touché à l’épaule, il ne dépasse toujours pas les 10 points de moyenne et n’a toujours aucun tir extérieur. Cette année, l’ancien 2e choix de Draft n’a encore rentré aucun tir à 3-points et c’est là encore un gros problème pour Charlotte sur jeu placé.
Ajoutons à cela un Marvin Williams en place dans son rôle de « stretch four » mais lui aussi limité, et on a donc trois « roles players » sur les ailes, pour lesquels Charlotte a encore misé 52 millions de dollars, au total, l’an prochain.
En manque de joueurs d’impact, les Hornets ont fait un pari avec Dwight Howard, qui n’a donc pas été concluant.
« Je trouve que c’est dommage, mais c’est le choix du GM de faire venir Dwight. Ce sont des opportunités… Je ne sais pas combien de temps Dwight va rester, s’il va repartir cet été et que Charlotte va refaire confiance à Cody Zeller… En tout cas, je l’aimais bien », poursuit Joseph Gomis.
Malik Monk, une lueur d’espoir
Le propriétaire, Michael Jordan, de moins en moins présent au bout du banc ces derniers temps, semble avoir pris conscience de ces couacs qui ont mené à cet échec général en remerciant le GM Rich Cho et son coach Steve Clifford. De quoi attendre un nouvel élan et peut-être d’autres changements en profondeur. Ancien GM de Portland, c’est Rich Cho qui avait insisté pour faire venir le « facilitateur » Nicolas Batum. Son départ peut-il menacer l’avenir de l’ailier français en Caroline du Nord ?
« Ça peut changer », reconnaît l’ancien meneur international tricolore Joseph Gomis. « Déjà parce que tu ne sais pas dans quel état d’esprit ils sont. Le coach vient aussi d’être remercié et on peut tout à fait assister à un changement de roster, ce qui est normal lorsqu’une nouvelle équipe arrive aux commandes. Est-ce qu’il fera partie des plans ? Je pense que oui. Ils ne l’ont pas signé cinq ans pour rien. Maintenant il faut voir quel est leur discours. Je sais que Kemba Walker était en discussion peut-être pour partir aussi, je ne sais pas si Dwight Howard va rester… Je pense qu’il va y avoir une reconstruction, ça c’est sûr ».
Niveau reconstruction, Charlotte a en effet du pain sur la planche. Si Kemba Walker s’impatiente, nul doute que les Hornets doivent désormais réfléchir à faire exploser le trio Batum/MKG/Williams, pour repartir sur des bases différentes.
Assez inexplicablement oublié la majorité de la saison, alors que le banc souffrait, Malik Monk a montré en fin de campagne qu’il pouvait être une solution à l’avenir. Sur les cinq derniers matchs de la saison, l’ex-sniper de Kentucky a en effet explosé les compteurs, à 20.4 points de moyenne, prouvant qu’il pouvait être le « Courtney Lee » manquant.
« J’aimais bien son jeu », conclut Joseph Gomis. « Je ne sais pas s’il s’est passé quelque chose au niveau de la défense, car c’est un secteur dans lequel il pouvait avoir du mal. C’est vrai qu’il est fin, et tout le reste…. Mais je trouve que c’est quand même du sérieux. Dans la création, je pense qu’ils auraient pu les aider. Mais les Américains fonctionnent aussi différemment avec ce genre de joueurs. Dans le sens où ils savent qu’il ont un bon joueur, mais ils vont lui donner le temps. Ils disent que c’est un processus en lui disant que cette saison, ils ne vont pas trop le faire jouer. Il a joué sur la fin de saison et il a été très bon. Ils l’ont testé en le faisant entrer dans le cinq majeur pour voir. En tout cas, à travers ses qualités, il m’avait paru très intéressant ».
La nouvelle équipe dirigeante des Hornets désormais menée par Mitch Kupchak devra rapidement faire des choix.
Le premier sera sans doute de choisir le meilleur chef d’orchestre possible pour remplacer Steve Clifford sur le banc. Deux noms sont déjà connus parmi les postulants : Ettore Messina et Jerry Stackhouse. Deux coaches sans « expérience » comme head coach en NBA, mais très respectés de leurs pairs et qui apporteraient un vent nouveau dans une franchise qui voudra fêter son All-Star Game avec une belle place au classement.