Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques 2000 à Sydney, de bronze aux Championnats d’Europe en 2005, Fred Weis fut un cadre de l’équipe de France de basket durant huit ans, entre 1999 et 2007. L’ancien joueur du Limoges CSP et de Malaga cumule 100 sélections à son compteur. Aujourd’hui retraité, il reste un observateur très avisé du basket français et européen. Comme lors de chaque compétition internationale depuis deux ans, il s’installe avec nous pour suivre l’EuroBasket et l’équipe de France.
Cette victoire face à la Grèce est l’antithèse du premier match face à la Finlande, notamment en raison de notre secteur intérieur, surtout Joffrey Lauvergne, Louis Labeyrie et Kevin Séraphin. En tant qu’ancien pivot, on t’imagine ravi.
Je suis vraiment content des trois intérieurs cités car on les avait un peu critiqués dernièrement et, Rudy Gobert absent, il y avait une place à prendre et ils ont répondu présents. C’était un match plus difficile, notamment au niveau intérieur, et ils ont montré qu’on était capable de répondre. Ces trois joueurs ont été vraiment très performants.
Dans le même temps, la qualité de jeu ne s’est pas cantonnée à nos intérieurs : Nando De Colo est toujours solide, Thomas Heurtel décisif en fin de match et Evan Fournier est le plus constant de l’équipe depuis le début. Qu’as-tu pensé de ces cadres ?
En effet, Nando reste très solide, Thomas Heurtel inscrit ce panier très important mais je veux surtout tirer mon chapeau à Fournier. C’est extraordinaire ce qu’il fait. Ça a été compliqué pour lui par le passé, il a été critiqué et là, il a su prouver par son activité sur le terrain, et pas seulement par son discours, qu’il est là, présent et que c’est dommage de ne pas avoir été sélectionné la dernière fois. Honnêtement, je lui tire mon chapeau parce que c’est vraiment grand ce qu’il accomplit. Ça m’impressionne car il faut avoir une vraie force de caractère.
Une lacune dans la gestion du match
Revenons au déroulement du match : on menait de vingt points et…
En même temps, c’est les Grecs en face !
Justement, est-ce que ce retour grec et cet écart plus faible peuvent vraiment constituer un motif d’inquiétude au regard de la qualité de cet effectif ?
Ce n’est pas inquiétant. Mais il faut tout de même se montrer plus concentré sur les matchs, on ne peut pas avoir de trous d’air comme lors de cette rencontre. Là, ça passe car même si c’est une superbe équipe, ce n’est plus la crème du haut niveau en comparaison de l’Espagne ou la Serbie et s’il y a des trous d’air contre ces équipes, cela va devenir plus compliqué. On a mis trois minutes pour se mettre dans le match mais dans l’ensemble, on l’a très bien abordé et après cette entame, la qualité a été exceptionnelle. Mais ce qui m’inquiète, c’est cette lacune dans la gestion du match. On est capable de dégoupiller sur trois minutes et de se faire peur alors qu’on fait un match exceptionnel.
On a beaucoup mentionné le secteur défensif à l’issue de la défaite face à la Finlande : aujourd’hui, l’équipe de France a été bien plus solide mais à chaque fois qu’elle craque, cela ne vient pas vraiment du secteur offensif mais bien de la défense : le un-contre-un, la lecture du pick-and-roll et un accès au cercle trop facile. D’ou viennent ces fluctuations ?
J’ai l’impression qu’on se relâche. On a un peu galéré au début avant de faire un match très sérieux puis porté par ce gros avantage au score, on se relâche en défense et dès que c’est le cas, on est évidemment moins performant puisque notre équipe est davantage tournée vers l’attaque. La défense demande une concentration particulière et dès qu’on ne l’a plus, cela donne ça.
« Désormais, la défense nous demande une attention supplémentaire »
On l’a déjà évoqué : notre identité de jeu a énormément évolué avec les nouveaux visages de cette équipe. Par le passé, la qualité offensive n’était sans doute pas toujours au rendez-vous mais quelles que soient les rotations de Vincent Collet, l’équipe de France disposait de solides défenseurs. Désormais, est-ce que ce n’est pas le problème inverse avec des joueurs excellents dans le registre offensif mais selon les rotations, des éléments sur lesquels on ne peut pas s’appuyer en défense ?
C’est exactement ça. Offensivement, on n’a pas de problème, on est facile. Dès que ça déroule, la motivation défensive vient et cela nous amène à obtenir des ballons, des paniers faciles mais au moindre relâchement, on n’a pas une équipe défensive. Cette partie nous demande une énergie supplémentaire, ce qui n’était pas le cas avant. Auparavant, nous avions des joueurs susceptibles de rentrer uniquement pour des missions défensives. Aujourd’hui, on a un tel potentiel offensif que cela nous demande une nouvelle attention sur la défense.
Tu avais trouvé Vincent Collet dans le dur lors du premier match. Qu’as-tu pensé du travail du sélectionneur aujourd’hui ?
Les changements répétitifs ne m’avaient pas tellement plu face à la Finlande mais aujourd’hui, il a réduit les rotations, c’était très intéressant. Il a su donner une chance à Léo Westermann, il a su le relancer jusqu’à tirer des lancers-francs sur les techniques. Il fait vraiment tout pour mobiliser son équipe jusqu’au bout.
Au bout du compte, suite à un match comme celui-ci, est-ce qu’il y a d’autres points d’amélioration à noter en dehors de ceux que l’on a déjà évoqué, ne serait-ce que pour demain face à l’Islande ?
Il faut dire la vérité : on a fait un très beau match. La Grèce reste une équipe d’une très belle qualité. Après, c’est vraiment la concentration, la constance. Il faut éviter ces trous d’air car plus on avancera dans la compétition, plus les équipes nous feront payer cash ces absences.
L’Islande : un match piège ?
Justement, puisque tu insistes sur la concentration, nous n’étions pas vraiment inquiets après la Finlande, convaincus que l’équipe de France serait portée par une détermination et un sentiment d’urgence plus importants face à la Grèce. Demain, ce sera de nouveau une équipe atypique, orientée vers le jeu petit, le tir extérieur. Est-ce que ce n’est pas encore un match piège ?
C’est forcément un match piège. Dès que c’est une équipe atypique, réputée moins forte sur le papier, on a tendance à se relâcher un peu, à jouer moins concentré et, je le répète, mais si on veut bien défendre, on a besoin d’être concentré car ça, ça ne dépend pas du type de l’équipe adverse. Donc si l’on n’a pas ça face à une équipe sérieuse, car ça reste une équipe solide, cela va être compliqué. De plus, c’est un horaire qui ne nous correspond pas forcément, d’ailleurs pas aux joueurs de basket en général, mais c’est comme ça, on sait qu’il y a une logistique parfois difficile dans un Euro et il faut s’adapter. Je pense que Vincent Collet fera tout pour que son équipe soit prête.
Quelle sera la clef du match ? Un verrou défensif dès l’entrée en jeu pour éviter les frayeurs de fin de match ?
C’est exactement ça, il faut leur mettre la tête sous l’eau dès le début car même si on a des trous d’air d’après, et on en aura, on pourra être plus tranquille avec le score en main. Il faut les torpiller dès le début pour qu’ils n’aient même pas la possibilité d’imaginer revenir.
Dans le reste du groupe A : la Pologne a mis 30 points à l’Islande pour commencer. Même si le score final n’est pas forcément un bon indicatif, est-ce que la sélection d’Aaron Cel et A.J. Slaughter t’inquiète ?
C’est une équipe très sérieuse et il faudra l’aborder ainsi. Ils surprennent tout de même un peu. On pensait que, sans Gortat, ils allaient souffrir et finalement, ils commencent d’une manière très intéressante. Et les 30 points d’avance sur un championnat d’Europe, il faut tout de même les mettre, hein. Les gens vont peut-être minimiser l’écart à cause de la présence de l’Islande mais dans un Euro, il faut le faire.
Un mot sur les autres équipes, notamment la Serbie et l’Espagne qui ont très bien commencé lors du premier match.
Le début de compétition est très relevé. J’ai été très impressionné par Kristaps Porzingis avec la Lettonie, il est absolument monstrueux. On s’attendait à quelque chose d’exceptionnel et il l’a confirmé. Les favoris sont là et la France se replace dans cette partie : après le faux-pas face à la Finlande, on a prouvé quelque chose aujourd’hui face à une équipe difficile à manoeuvrer.
Propos recueillis par Jérémy Le Bescont