Dans le Gymnase Trévise où a eu lieu le premier match de basket de l’histoire sur le sol européen (en 1893), on retrouve un Nicolas Batum rasséréné, ressourcé, remis sur pied. L’ailier des Blazers a effectivement quitté la scène NBA la tête basse après une nouvelle élimination précoce en playoffs.
Mais notre Batman national a pris le temps de couper avant de revenir au travail. Avec un préparateur physique atypique (le recordman d’Europe du saut en longueur Robert Emmiyan), Batum a chaussé ses pointes pour reprendre son ascension. C’est un « Batum nouveau » qui répond à nos questions pendant plus de dix minutes. Entretien exclusif.
Tu disais récemment que ça a été « ta pire saison », notamment à cause de ta blessure au poignet, comment on gère ces saisons galère ?
« Disons que ça a été difficile mais enrichissant aussi. Depuis que j’ai commencé à jouer en pro au Mans en 2006, j’ai toujours été constant. Je montais d’un cran chaque année et je continuais à progresser. C’est la première saison où j’ai connu un pic descendant, où je n’ai pas réussi. Donc, oui ça a été compliqué pour moi de gérer ça, notamment psychologiquement. Et en fin de saison, je me suis posé pour discuter avec plusieurs personnes pour comprendre pourquoi et comment je peux corriger surtout. La saison elle est finie, on ne peut pas revenir en arrière, j’ai foiré, j’ai foiré. Ca arrive ! Maintenant, j’ai repris le travail, des séances assez importantes de travail pour vraiment corriger ça au niveau physique. Car c’est l’aspect physique qui m’a manqué cette année. J’ai eu du mal à enchaîner, à prendre du rythme et enchaîner. Je n’ai pas réussi cette année à garder la fraîcheur physique que j’avais auparavant. Je prends de l’âge aussi, maintenant j’ai 26 ans, je n’ai plus 18 ans comme quand j’ai commencé. Je commence à avoir pas mal de kilomètres au compteur, donc, je me suis astreint à une préparation physique plus tôt, avec un préparateur et entraînement. »
C’était nouveau pour toi de ne pas être à 100% de tes moyens physiques sur une période aussi longue…
« Oui, c’est vraiment la première fois. Avant j’arrivais toujours à retrouver ce truc pour repartir. J’ai eu du mal cette année. »
Y a-t-il eu un moment où tu t’es résolu à cette fatalité ?
« Non, pas vraiment. J’ai essayé tout au long de l’année. J’ai vraiment essayé de me ressaisir après le All Star Break. Là, j’ai vraiment coupé, je suis parti une semaine, j’ai pas touché un ballon. On est parti avec ma copine au Mexique et je lui ai dit, ‘ne me parle même pas de basket’ [rires]. Je voulais une coupure totale. Et après j’ai eu un bon retour. Ma deuxième partie de saison a été meilleure. Après, j’ai eu quelques bons matchs. Je n’ai pas vraiment abandonné mais en fin de saison, j’ai bien fait le constat que j’ai été nul, pas été bon. »
Est-ce que ça ne joue pas également sur le moral de voir LaMarcus Aldridge puis Wes Matthews se blesser ?
« Ça a été dur oui car c’est à ce moment-là que l’équipe me demandait d’intervenir. Comme j’avais pu le faire auparavant. L’année dernière, quand Aldridge avait été blessé, j’avais joué 4 et j’avais été meilleur rebondeur de la NBA sur tout un mois. Donc je sais comment combler les choses. Mais là, je n’y arrivais pas. J’avais beau essayer. Quand Wesley est tombé, j’ai essayé de remonter mon niveau de jeu mais je n’y arrivais pas. Ça a été particulier comme saison… mais intéressant aussi car je me suis remis en question. Et je me suis posé les bonnes questions. En tout cas, je fait tout pour que ce ne soit qu’un accident avec une bonne saison l’année prochaine. »
Après une nouvelle élimination au premier tour des playoffs, comment tu chiffrerais ton niveau de déception, en pourcentage par exemple ?
« Dur, pas loin des 80% parce qu’on a fait une grosse saison l’année dernière. On passe le premier tour et on perd contre les Spurs qui étaient en mission, intouchables. Donc on revenait cette année avec beaucoup d’espoirs. On voulait continuer à progresser et on a fait un gros début de saison. Mais après Aldridge se casse le pouce, il y a la blessure de Wesley, et puis moi qui suis en dents de scie, la blessure de Lopez à la main. On finit quand même avec 50 victoires, à l’Ouest, quand même ! Mais on voulait aller plus loin, on visait plus haut. Et ça a été dur pour nous de finir comme ça. »
« Tant que Lillard est là, on est déjà bien »
C’est ta 7e saison en NBA et tu n’as passé le premier tour des playoffs qu’à une seule reprise, l’an passé en 2014, n’est-ce pas fatigant à force ?
« C’est pas évident car on a toujours eu une équipe jeune. Au début, je ne jouais pas beaucoup. J’étais autant en construction que le club si on peut dire. On a fait deux trois saisons et puis là, il y a eu changement total de staff, et donc reconstruction. J’ai été à cheval sur deux périodes différentes à Portland. On a un bon groupe. Cet été va être différent car on a beaucoup de free agents mais je suis encore jeune. J’ai le temps. »
Ne crains-tu pas précisément qu’il y ait beaucoup de changements cet été dans l’effectif des Blazers ?
« Je crains, oui et non. Je me suis blindé. Je sais que dans cette ligue, tout peut changer comme ça [il claque des doigts, ndlr]. Malheureusement, certains pourront faire un choix de carrière qui n’implique pas les Blazers, ce sera leur choix. On ne peut pas les critiquer. Mais j’ai confiance en mon GM et en notre staff car ils ont toujours su reconstruire une bonne équipe. Lillard est toujours là, ça c’est sûr, et tant que lui sera là, on est déjà bien ! On espère vraiment qu’Aldridge et Wesley vont rester. »
Et personnellement, est-ce que tu ne vas pas avoir à prendre une décision également ?
« Moi, ce sera l’an prochain. Il me reste encore un an de contrat. Après, je sais très bien qu’un trade peut arriver. Tous les ans, je suis dans les rumeurs. »
Mais comme on le disait, ça fait maintenant depuis 2008 que tu es dans l’Oregon, est-ce qu’un départ ne serait pas une bonne chose au final ? Ou au contraire, est-ce que tu veux la jouer comme Tony Parker, et rester dans le même club toute ta carrière ?
« Oui, ça ne me gênerait pas du tout de rester à Portland. Car on garde une régularité et une constance à être dans le même club. C’est une équipe qui a une bonne mentalité, qui veut gagner, qui met tout en place pour aller dans la bonne direction. J’aimerais bien rester. »
Cette intersaison à venir ne te rappelle-t-elle pas l’été 2012, quand tu avais flirté avec les Wolves ?
« Oui, l’été 2012. C’était l’année où on n’avait plus de coach et on avait aussi changé de GM. Ils avaient écarté tous les vétérans pour ne garder que les jeunes. A l’époque, Minnesota était plus en place. Trois ans plus tard, Portland est une franchise beaucoup plus structurée. On a Lillard qui est un très bon joueur, un GM très compétent et puis un bon coach aussi. C’est bien mieux qu’il y a trois ans. »
Tu as dit que tu avais besoin de te « libérer la tête », ça veut dire quoi concrètement pour Nicolas Batum ?
« La première chose que j’ai faite, c’est de rentrer en Normandie. Je suis allé voir mes potes en Normandie. Je suis allé voir ma famille, je suis allé me relaxer. Vivre ma vie de jeune citoyen français. On a vraiment besoin de se décompresser la tête après ce genre de saison. »
Mais as-tu vraiment du temps à toi quand tu es en « vacances », autrement dit après tes obligations professionnelles ?
« J’essaie oui. Maintenant, j’ai repris le boulot il y a dix jours. Je me suis donné 15-20 jours avant de reprendre le travail avec du repos et de la détente. Je suis allé voir mon meilleur ami monter en N1 avec Caen il y a deux semaines et on a fêté ça après pendant tout le weekend. C’est des petits trucs comme ça. On a besoin de revenir à la normale, à la réalité parce que la NBA est un drôle de monde. C’est important de rentrer chez soi et redevenir un mec normal. C’est pour ça que j’aime bien rentrer chez moi ! On me catalogue pas comme joueur NBA mais c’est Nico qui rentre à la maison, point. »
Retrouvez l’intégralité de l’interview ci-dessous en vidéo…