Alors que Ricky Rubio se prépare à mener son équipe en quart de finale contre la France, en coulisses, son agent négocie déjà son avenir contractuel. Ce dernier s’attelle à une situation compliquée car si le meneur des Wolves et de l’Espagne est sans aucun doute très talentueux, et déjà l’un des meilleurs passeurs et intercepteurs de la NBA, il ne présente pas encore toutes les garanties requises pour exiger un contrat supérieur à 44 millions sur quatre ans. Explications.
Avec 5,7 points, 4,8 rebonds, 5,8 passes et 3,7 interceptions par match sur cette Coupe du Monde, le meneur espagnol est fidèle à lui-même : hyper complet et… maladroit, comme l’atteste son 37,5% au tir.
Une maladresse indélébile
Le joueur de 23 ans n’est toujours pas fiable. Au sein de la Roja, cela ne présente que peu d’importance puisque le scoring est une responsabilité confiée à d’autres. En revanche, dans le cadre de sa carrière NBA, cette lacune représente un véritable frein pour sa progression et celle de son équipe.
Avec 38,1% de réussite aux tirs avec Minnesota, Rubio est le second meneur titulaire le plus maladroit. Pour être précis, Brandon Jennings fait moins bien (37,3%). Mais avec seulement 255 tirs inscrits, l’Espagnol ne peut même pas être intégré dans le classement, lequel ne compile que les joueurs ayant au moins 300 tirs rentrés à leur actif…
Ce n’est pas un secret : Ricky Rubio est un mauvais shooteur. Sous le cercle, il n’affiche même pas 50% de réussite (47,9%) ; dans la raquette, il n’ a converti que 31,4% de ses tentatives, 28,6% à mi-distance et 33% derrière l’arc.
En NBA, sa maladresse n’est pas isolée. À Detroit, Josh Smith s’est particulièrement illustré dans ce domaine. En comparaison, seuls 34% de ses tirs dans la raquette et en périphérie ont atteint leur cible. Son coéquipier, Brandon Jennings, ne fait guère mieux dans ces deux secteurs avec respectivement 31 et 33% aux tirs.
Le salaire moyen des meneurs titulaires : 8,3 millions de dollars
Évidemment, une comparaison avec Brandon Jennings n’est pas forcément la bienvenue quand on prétend à un contrat maximum. C’est sans doute la raison pour laquelle Minnesota ne souhaite pas soumettre une telle offre, mais plutôt un contrat similaire à celui de Stephen Curry, soit 43 millions de dollars sur quatre ans.
Un tel montant situerait l’Espagnol juste derrière Ty Lawson et Tony Parker et juste devant Jrue Holiday ou George Hill. En NBA, le salaire moyen parmi les meneurs titulaires est de 8,3 millions de dollars, le salaire médian de 11 millions.
La proposition des Wolves semble donc tenir la route. Le problème, c’est que Dan Fegan, l’agent du joueur ne s’en contentera pas. Afin de déterminer si la revendication est juste, il faut donc analyser la contribution globale de Rubio.
Une influence incontestable sur son équipe
D’une part, offensivement, Rubio est indispensable aux Wolves. Avec 8,6 passes par match, le meneur est le quatrième dans la discipline. Plus précisément, il est à l’origine de 36,2% des tirs inscrits de ses coéquipiers lorsqu’il est sur le terrain, soit le 7e ratio de la ligue. Plus conséquent, sur le terrain, Rubio génère la moitié des passes décisives de son équipe, cinquième meilleur pourcentage de la ligue.
L’Espagnol affiche également le 7e meilleur ratio assists/turnovers de la ligue avec 3,19. C’est aussi celui qui réalise le plus de passes décisives à destination de joueurs victimes de fautes (la « free throw assist »). C’est le troisième pour la fameuse « hockey assist » (la passe précédant la passe décisive). Sur 48 minutes, il génère par ses passes le troisième total de points dans la ligue.
Il est aussi dans le top 20 des fautes provoquées. Il présente un ratio points inscrits/encaissés de 6,9 points, une bonne moyenne.
Quant à son pourcentage réel (incluant les lancers-francs), il est de 49,1%. Ce n’est pas excellent mais cela le place devant Brandon Jennings, Michael Carter-Williams ou Raymond Felton. Plus rassurant, ce chiffre est en constante progression.
Un très bon défenseur mais…
Défensivement, le bilan du meneur espagnol est nuancé. Ses prises de risques payent, comme l’attestent ses 2,3 interceptions par match (le second, après Chris Paul). Il n’y a pas un autre joueur qui provoque autant de passages en force. En termes d’actions défensives (interceptions, contres et charges), le meneur des Wolves se classait sixième en 2013, devant Roy Hibbert, Marc Gasol ou encore Chris Paul. Enfin, il est à la 29e place dans la ligue et le 3ème meneur dans l’estimation du nombre de matchs gagnés par la défense (« defensive win shares ») avec 3,9.
Néanmoins, Minnesota est la 25e plus mauvaise défense de la ligue face aux meneurs adverses et si la statistique est collective, notre sujet a forcément sa part de responsabilité.
Un antécédent récent dans l’histoire de la ligue
Voilà à quel point Rubio complique la tâche de sa direction. Il est indispensable à son équipe et peut-être le joueur NBA idéal pour mettre sur orbite Andrew Wiggins, Zach LaVine et Anthony Bennett, mais il n’est pas exempt de tout défaut, loin de là. À sa décharge, le meneur espagnol n’a que 23 ans et peut encore espérer progresser.
Quitte à évaluer le plus de critères référentiels possibles, le front-office des Wolves peut s’appuyer sur un précédent dans l’histoire de la ligue: un certain Jason Kidd.
À son arrivée en NBA, le meneur de Dallas tournait péniblement à 38% aux tirs et certes, son scoring moyen était plus conséquent mais il tirait aussi plus que son cadet espagnol. Comme Rubio, Jason Kidd n’a pas atteint de suite les playoffs, seulement à sa troisième année, une fois à Phoenix. Rapportés sur 36 minutes, les bilans chiffrés de leur troisième année sont d’ailleurs très proches :
Stats sur 36 minutes
Si Jason Kidd est devenu un bon tireur primé à la fin de sa carrière, sa moyenne lors de ses neuf premières saisons n’était que de 32,5%.
Seulement, le néo-coach des Bucks a aussi attendu neuf ans pour obtenir un salaire maximum.
Jason Kidd, rémunéré comme Tony Parker au même âge
En fait, en 1994, l’année de sa draft, l’accord collectif ne limitait pas les montants des contrats : il avait donc signé avec Dallas un contrat de 54 millions sur neuf ans, qu’il a honoré jusqu’au bout, en passant par Phoenix et New Jersey. Ainsi, en 2002, Kidd n’était que le sixième salaire parmi les meneurs avec 8,4 millions de dollars (l’équivalent de… 11,1 millions d’aujourd’hui, en tenant compte de l’inflation).
Au final, les Wolves estiment certainement très bien la valeur actuelle de leur meneur. À l’heure actuelle, son influence dans l’équipe est énorme mais c’est logiquement le rôle d’un tel poste, et il ne le remplit pas mieux que Stephen Curry, Ty Lawson ou Tony Parker, soit trois meneurs qui ont déjà prouvé et atteint les playoffs.
Seule une saison avec des pourcentages en hausse permettrait au joueur et son représentant de prétendre à plus. Sans cela, Minnesota n’a aucune raison de céder à leurs exigences…
Sources stats
– nba.com
– basketball-reference
– hoopdata
– rotowire