Lors de sa conférence de presse hier, Flip Saunders a sorti une phrase révélatrice de la culture des Timberwolves depuis quelques années :
« En six ans passés ici, Kevin (Love) n’a cessé de répéter qu’il voulait gagner. Malheureusement, lui et l’équipe n’ont pas été capables de le faire. »
Si Kevin Love a mangé son pain noir durant six ans, cela fait en fait dix ans que Minneapolis n’a pas vu la couleur des playoffs. Une éternité. Tout simplement la série la plus longue de la ligue.
Dix ans sans playoffs
Pendant cette décennie, les Wolves n’ont cessé d’être l’une de ces équipes en reconstruction, en constant chantier, avec à chaque début de saison le même refrain volontariste, sans résultats consécutifs. Ce n’est pourtant pas faute d’avoir eu de nombreuses occasions de reprendre la course en avant, notamment via la draft.
Pour tout dire, la franchise n’a jamais eu beaucoup de nez, ni jamais eu beaucoup de chance à la lotterie. On comprend mieux pourquoi, cette année, elle a laissé les autres faire le travail.
L’ère Saunders – McHale (2005-2008) : des choix sans saveur, et l’adieu à Garnett
En 2005, avec son 14e choix, Minnesota choisit Rashad McCants, bon arrière de North Carolina. Malheureusement, sa carrière NBA n’aura duré que 4 ans. Cette année-là, la franchise aurait pu encore sélectionner Danny Granger, Jarrett Jack, David Lee ou encore Monta Ellis. À la décharge du club, beaucoup d’équipes se sont plantées cette année-là…
En 2006, l’équipe sélectionne Brandon Roy mais l’échange dans la foulée contre Randy Foye. Ce dernier (actuellement aux Nuggets) ne passera que trois saisons chez les Wolves. Au second tour, les illustres Craig Smith, Bobby Jones et Loukas Mavrokefalidis sont dans le filet, alors que Paul Millsap ou Kosta Perovic étaient encore disponibles.
Un an plus tard, Kevin Garnett est échangé aux Celtics contre Al Jefferson, Ryan Gomes, Sebastian Telfair, Gerald Green et deux tours de draft. Le soir de la draft, deux champions NCAA sont sélectionnés en la personne de Corey Brewer (7e) et Chris Richard (41e). Au premier tour, Joakim Noah, Thaddeus Young ou Arron Afflalo représentaient sans aucun doute de meilleurs choix. Au second tour, Marc Gasol ou Ramon Sessions furent choisis après Richard, mais on ne peut pas vraiment le reprocher aux Wolves. Quant aux autres joueurs de l’échange, ils ne marqueront pas l’histoire du club : Al Jefferson se blesse et rejoindra finalement Utah.
En 2008, les Wolves sélectionnent O.J Mayo mais l’envoient à Memphis contre Kevin Love. La franchise reçoit également Nikola Pekovic de la part de Miami. Enfin, la franchise a du nez.
Le début de l’ère David Kahn (2009-2013) : la dégénérescence
En 2009, David Kahn prend les commandes. Le nouveau président a du boulot avec notamment quatre choix de draft au premier tour d’une promotion très dense. Avec le 5e choix, il jette son dévolu sur Ricky Rubio, un meneur de jeu. Une bonne idée, même si risquée. Sauf que derrière, avec le 6e choix, Kahn sélectionne un autre meneur, Jonny Flynn. Avec le recul, DeMar DeRozan était un bien meilleur choix en 6e position. Sans oublier, quitte à prendre un 2ème meneur, que Stephen Curry était disponible.
Avec le 18e choix, le président de l’époque David Kahn prend Ty Lawson mais l’envoie à Denver contre un premier tour de draft. Ce dernier échange symbolisera la déveine absolue de cette équipe. Mais le pire est à venir…
L’été 2010, le club snobe DeMarcus Cousins, Greg Monroe, Paul George, Eric Bledsoe pour sélectionner Wesley Johnson avec son 4e choix. Qu’en est-il du 16e choix récupéré de Denver l’année d’avant ? David Kahn choisit… Luke Babbitt. Mais ce n’est pas tout, le « tacticien » l’envoie à Portland avec Ryan Gomes contre Martell Webster et ses 20 millions de dollars de contrat. Que dit David Kahn à l’époque ?
« Avec le 16e choix, nous avions pas mal d’opportunités, nous aurions pu l’échanger pour obtenir deux autres choix après la 20e position. Mais, parfois on peut aller trop loin dans l’accumulation des rookies et je pense que l’on a approché cette situation, or nous pouvions avoir un jeune vétéran avec Webster (…). En interne, nous avons décidé de ne pas conserver Ryan Gomes. Cela nous permet d’économiser une certaine somme d’argent sous le cap qui pourra nous servir pour attirer des free-agents ou un joueur via un échange. Donc cet échange est bénéfique pour nous, vraiment bénéfique. »
Oui mais ce que David Kahn ne dit pas, c’est que Martell Webster est blessé au dos et ne jouera presque pas les années suivantes, ce qui vaudra au club de rentrer en litige avec le joueur, et de… finir par lui payer son salaire. On est loin de l’économie tant vantée par Kahn le soir de la draft.
En 2011, c’est Derrick Williams qui est sélectionné en 2ème position avec le succès que l’on connait (devant Jonas Valanciunas, Klay Thompson, Kawhi Leonard, Kenneth Faried ou Nikola Vucevic).
Kevin Love aurait pu avoir une All-Star Team à ses côtés
Pire encore, Jonny Flynn – le meneur sélectionné à la place de Stephen Curry en 2009 – est envoyé à Houston avec Donatas Motiejunas contre les droits de Nikola Mirotic, Chandler Parsons et un premier tour de draft. Dans la foulée, les Wolves décident de renvoyer Parsons…. aux Rockets (pour du beurre). L’histoire ne s’arrête pas là : les droits de Nikola Mirotic sont envoyés aux Bulls contre Norris Cole, mais ce dernier est échangé contre Bojan Bogdanovic, lui-même échangé contre un futur second tour de draft. Vous suivez ? Au final, les Wolves ont récupéré du vide, après avoir eu les droits de cinq joueurs talentueux en main.
Dans une autre dimension, et si toutes les planètes s’étaient alignées, Kevin Love aurait pu jouer avec Stephen Curry, DeMar DeRozan, DeMarcus Cousins, Paul George, Klay Thompson, Kawhi Leonard, Donatas Motiejunas, Nikola Mirotic, Chandler Parsons, Norris Cole, Bojan Bogdanovic , Nick Calathes et/ou beaucoup d’autres. Il n’en sera finalement rien. On peut donc aisément comprendre que l’ailier-fort ait été frustré d’avoir Michael Beasley, Sebastian Telfair ou Anthony Tolliver en guise de consolation.
Ricky Rubio, préféré à Love
À l’origine de ces choix suspicieux, trois hommes : Kevin McHale, Flip Saunders de 2004 à 2009 mais surtout David Kahn, de 2009 jusqu’à 2013. Les trois occupèrent des rôles d’exécutifs lors de ces épisodes stratégiques pour le club.
Le pire est que le club ne s’est pas uniquement illustré les soirs de draft. En 2012, les Wolves décident d’être agressifs sur le marché et proposent un pont d’or à Nicolas Batum : 46,5 millions de dollars sur 4 ans. Le Français l’accepte, sauf que le club se rend compte… qu’il est au-dessus du cap. Minnesota s’empresse alors d’amnistier Darko Milicic et ses 5 millions de dollars. Quelques heures plus tard, Portland égalera l’offre. Les Wolves viennent de jeter plus de 5 millions par la fenêtre.
Le même été, les Wolves signent Brandon Roy pour plus de dix millions sur deux ans. L’arrière ne jouera que 5 matchs. Le club sera obligé de le couper avec une année entière garantie, soit l’équivalent de 5 millions de dollars, à nouveau gaspillés.
C’est aussi le même été que le club marque sa préférence pour Ricky Rubio, plutôt que Kevin Love. En effet, l’ailier-fort signe un contrat maximum de 62 millions sur 4 ans. Une belle somme, mais qui démontre qu’il n’est pas le pilier des plans de l’équipe. En effet, en vertu de l’accord-collectif, Love aurait pu obtenir 5 ans si les Wolves avaient fait de lui leur « designated player ». Il n’en sera rien, puisqu’à ce moment-là, les dirigeants préfèrent attendre l’éclosion du meneur espagnol.
La culture du club est-elle la bonne ?
Depuis le départ de Garnett (sept ans), on compte cinq head-coaches, trois présidents différents et toujours des campagnes négatives. La plupart des membres de la direction sont présents dans l’entourage du club depuis la décennie passée. Au sein du club, Flip Saunders est le seul à avoir connu les playoffs depuis la création de la franchise.
Avec un noyau de jeunes joueurs aussi talentueux, les Wolves ont enfin des raisons d’espérer. Encore faut-il que ces jeunes puissent s’exprimer dans un environnement favorable et pour cela, il faut des fondations saines, pas seulement une couche d’enduit. Le changement ne doit peut-être pas uniquement venir du terrain…