Pendant que les quarts de finales battent leur plein à Manille, les joueurs français sont déjà rentrés à la maison.
Éliminés dès le premier tour, après deux défaites pour leurs premiers matchs dans la compétition, les Bleus ont non seulement connu des problèmes majeurs dans la construction de l’effectif en général, un constat d’échec pour le staff en place, mais ils ont également gravement été à la peine dans le jeu.
Entre des leaders en perte de vitesse et un secteur intérieur en difficulté, le bilan tricolore n’est évidemment pas brillant du tout, à un an de l’échéance olympique à la maison…
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Evan Fournier (14 points, 3 rebonds en 23 minutes)
De nouveau leader offensif des Bleus, comme sur les deux dernières campagnes médaillées, Evan Fournier a été le seul joueur à surnager (offensivement) lors des deux premières rencontres de la compétition, les plus importantes évidemment, face au Canada (avec 21 points à 8/19 aux tirs dont 19 sur la seule première mi-temps) et face à la Lettonie (avec 27 points dont 15 dans le seul premier quart-temps).
Mais trop esseulé, l’arrière vétéran n’a pas réussi à tenir la distance, s’écroulant en deuxième mi-temps dans les deux matchs. Souvent sommé de sortir la France de la panade au bout de séquences d’attaque mal engagées, héritant de patates chaudes, Evan Fournier a aussi pu être un peu trop « soliste » sur d’autres situations plus forcées.
Ses performances individuelles ont in fine illustré les nombreuses difficultés collectives rencontrées par l’attaque tricolore sur l’intégralité du tournoi.
Guerschon Yabusele (11 points, 3 rebonds, 2 passes en 23 minutes)
Si l’on excepte sa dernière sortie sans importance face à la Côte d’Ivoire (3 points, 4 rebonds, 4 passes), Guerschon Yabusele a terminé un seul match sous la barre symbolique des 10 points. Malheureusement pour lui, et pour les Bleus, c’était contre le Canada au match d’ouverture !
Tenu à 4 points et 2 rebonds seulement en 20 minutes, le buffle du Real Madrid n’a pas réussi à réagir face à l’agressivité canadienne, et sa puissance au poste bas a considérablement fait défaut aux Bleus pour inverser le déséquilibre des forces.
Deuxième meilleur scoreur du dernier Euro, à 15 points de moyenne, il n’a jamais retrouvé le même impact. Ainsi, sa belle prestation offensive (18 points) face à la Lettonie a été entachée de 4 balles perdues… Son abattage et sa polyvalence restent cependant des valeurs importantes pour l’avenir immédiat (JO) et même plus lointain.
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Rudy Gobert (11 points, 8 rebonds, 2 contres en 24 minutes)
S’il présente au final des statistiques intéressantes, dont son 17 points, 8 rebonds purement esthétique pour le dernier match face à la Côte d’Ivoire, Rudy Gobert a toutefois bien manqué son tournoi. En tant que leader de cette équipe, il a manqué à l’appel lors des deux premières rencontres, terminant à 8 points, 9 rebonds et 4 balles perdues face au Canada, et à 9 points (un seul tir tenté) et 7 rebonds face à la Lettonie !
Pilier de la défense tricolore, « Gobzilla » a ainsi été secoué par ses adversaires au rebond, ne se montrant pas assez intimidant dans la peinture, en étant repoussé beaucoup trop loin du cercle en attaque…
Incapable de faire de différence sur ses (très rares) prises de position au poste bas, Rudy Gobert a ramé dans l’attaque statique des Bleus. Ce qui lui faut pour briller, c’est du jeu en mouvement et des balles en l’air.
Sylvain Francisco (8 points, 3 passes en 18 minutes)
Jeté dans le grand bain sans flotteurs pour sa première compétition internationale, avec notamment ce tir décisif pour accrocher la victoire sur le fil face à la Lettonie, Sylvain Francisco s’en sort de son côté plutôt pas mal sur l’ensemble du tournoi.
S’il a parfois confondu vitesse et précipitation, prenant également beaucoup de risques, tant en attaque qu’en défense, le futur meneur du Bayern a bel et bien apporté son écot en sortie de banc, avec sa fraicheur et son culot en attaque, symbolisés par son dernier match à 15 points et 7 passes pour 19 d’évaluation.
Mathias Lessort (8 points, 5 rebonds en 17 minutes)
Longtemps à l’isolement, afin de soigner une vilaine entorse à la cheville droite pendant la préparation, Mathias Lessort n’aura finalement joué que 34 minutes au total sur cette Coupe du Monde. Maintenu dans le groupe pour apporter sa dureté à l’intérieur, il a été un des rares joueurs à tenir la dragée haute aux Canadiens (12 points, 6 rebonds).
Moins présent face à la Lettonie, le futur intérieur du Pana a ensuite été mis au frigo pour ne pas risquer de pépins physiques. Intégré sur le tard, il n’a évidemment pas pu s’exprimer de manière optimale dans un collectif de plus en plus déséquilibré.
Isaia Cordinier (7 points, 3 rebonds, 3 passes en 15 minutes)
Appelé de dernière minute pour pallier l’absence de Frank Ntilikina, blessé en préparation, Isaia Cordinier n’allait pas avoir un rôle majeur en débarquant sur le tard dans le groupe France.
Mais, sur ses bouts de minutes, l’actuel arrière de Bologne a été plutôt très efficace, voire enthousiasmant (avec 19 points, 5 rebonds, 4 passes contre la Côte d’Ivoire) avec beaucoup d’énergie des deux côtés du terrain, et de l’adresse de loin.
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Nicolas Batum (6 points, 3 rebonds, 2 passes en 23 minutes)
Pour sa dernière Coupe du Monde en carrière, Nicolas Batum s’attendait probablement à autre chose, au sein d’une équipe qu’il estimait lui-même être capable d’aller au bout. Malgré toute son expérience, et des séquences de jeu prometteuses en préparation, le capitaine des Bleus a semblé à bout de souffle une fois la compétition arrivée. En témoignent ses plus petites productions en carrière sur la compétition.
Replacé au poste 3 avec Guerschon Yabusele qui prend l’essentiel du temps au poste 4, Nicolas Batum n’a pas été aussi efficace qu’il a pu l’être avec les Clippers (où il joue même parfois en pivot de fortune). À 10 points ou plus sur seulement deux matchs, et encore sur les matchs pour du beurre, l’ailier vétéran a surtout été très maladroit sur l’ensemble du tournoi, avec 28% de réussite derrière l’arc notamment…
Avec 24 minutes contre le Canada, pour un vilain zéro pointé, et 31 minutes contre la Lettonie, pour une copie correcte à 13 points, 4 rebonds, 2 passes, Nicolas Batum finit avec un bilan largement négatif sur les deux matchs qu’il ne fallait pas perdre : un -15 au +/- qui ne lui ressemble évidemment pas.
Nando De Colo (8 points, 4 passes, 3 rebonds en 22 minutes)
Son retour après un été de repos bien mérité devait permettre à l’Équipe de France de retrouver un de ses leaders offensifs. Pour épauler Evan Fournier et Guerschon Yabusele au scoring, mais aussi servir Rudy Gobert sous le cercle. L’échec est retentissant.
Dépassé par les événements face au Canada (avec un cinglant -27 au +/- malgré 12 points), et terminant sur un 0 pointé face à la Lettonie, match qu’il a fini aux vestiaires après deux fautes antisportives (et 8 passes tout de même), le vétéran de l’Asvel a semblé en nette perte de vitesse. Un autre leader en pleine défaillance, qui a surtout laissé parler sa nervosité et sa frustration, en particulier auprès des arbitres…
Sa fin de tournoi a un peu rassuré, avec 12 points, 8 rebonds et 7 passes face à l’Iran notamment, mais le rôle de Nando de Colo pose désormais question pour l’avenir olympique. Placé en tant que meneur par défaut, sa complémentarité avec Evan Fournier sur les lignes arrières pose toujours problème, en particulier en défense. À la vue de cette Coupe du monde, le faire sortir du banc, au relais d’un meneur au profil plus défensif paraît plus logique.
Elie Okobo (7 points, 2 passes, 2 rebonds en 17 minutes)
C’est un des grands perdants de la Coupe du Monde. Mis au supplice face à Shai Gilgeous-Alexander, lors d’un troisième quart cauchemardesque pour les Bleus, Elie Okobo a lui aussi fait partie des éléments manquants lors des deux premiers matchs couperets (1 point à 0/6 aux tirs en cumulé).
Meilleur joueur des matchs de classement, l’arrière de la Roca Team a sauvé les meubles sur la fin du tournoi. Mais sa capacité à peser lors des matchs importants, et rugueux, est clairement en question, après un Euro déjà mitigé.
NON NOTÉ
Moustapha Fall (2 points, 1 rebond en 11 minutes)
Frustré, à raison, de son utilisation dans ce tournoi, Moustapha Fall a certes joué davantage sur les trois derniers matchs. Mais on n’a clairement pas retrouvé le pivot dominateur que l’on peut voir chaque semaine en Euroleague, au sein de l’Olympiakos, depuis trois saisons.
Beaucoup trop peu servi, et malheureusement (et conséquemment ?) trop maladroit et inefficace à la finition près du cercle, Moustapha Fall n’a pas pesé comme à son habitude. Son absence des débats intérieurs a renforcé le manque d’alternance dans le jeu tricolore, une option importante depuis les Jeux de Tokyo…
Terry Tarpey (2 points, 3 rebonds en 15 minutes)
Ailier titulaire à la surprise générale lors du dernier Euro (à 5 points, 4 rebonds en 20 minutes), avec un impact ébouriffant en défense et une activité qui faisait du bien aux Bleus, Terry Tarpey n’a pas réussi à confirmer sa première impression sous la tunique bleue pour cette Coupe du Monde.
De nouveau cantonné aux missions défensives ingrates, il n’a que très peu joué (6 minutes seulement contre le Canada), se montrant tout de même à son avantage, l’un des rares à essayer de sonner la révolte face à la Lettonie (7 points, 5 rebonds, 2 passes, 2 interceptions).
Yakuba Ouattara (4 points, 1 rebond en 11 minutes)
Relégué au bout du bout du banc, sans jouer face à la Lettonie par exemple (et 5 petites minutes au premier match), Yakuba Ouattara aurait probablement mérité de se frotter davantage aux shooteurs baltes et aux scoreurs à la feuille d’érable.
Mais, placé en bas du totem, le monégasque a respecté la hiérarchie et répondu présent sur les derniers matchs, dont une belle entrée pour se dépêtrer de l’Iran (9 points à 4/5 aux tirs).
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Vincent Collet et son staff
Les choix du sélectionneur et de son staff méritent également qu’on s’y attarde, car l’échec retentissant des Bleus dans cette Coupe du monde n’est pas le seul fait des joueurs.
Mal construite, avec cette attente étonnante autour du cas Lessort, elle a ainsi souffert d’un manque de défense sur la tête du serpent adverse, le duo De Colo – Fournier ne pouvant pas jouer ce rôle. Certes, la blessure de Frank Ntilikina en fin de préparation n’a pas aidé mais le manque d’un autre meneur au profil défensif a été un problème, le rappel d’Isaïa Cordinier surchargeant les ailes, alors qu’un Andrew Albicy aurait été plus utile.
De plus, les choix tactiques face à la Lettonie, avec cette perte de contrôle lorsque les Baltes ont mis en place une boîte sur Evan Fournier, après la sortie de Nando De Colo, n’ont pas aidé.
Espérons que, comme pour les joueurs, cette gifle réveille tout le monde à un an de l’échéance des JO de Paris. À moins que la Fédération ne surprenne tout le monde en se séparant du sélectionneur, ce que Jean-Pierre Siutat n’a cette fois pas exclu. Une solution qui paraît tout de même assez peu probable…