Il y a six mois, c’était encore une modeste butte de terre, impatiente d’être désherbée. Le coin caillouté d’une exploitation agricole, à quelques mètres d’un étang, où tentait de trôner un panier âgé. « Un terrain pété » qui n’a pas empêché le bonheur d’un gamin passionné de basket, pendant des années.
Le gamin d’hier a grandi depuis et a mis un coup de peinture spectaculaire à son espace de jeu : panier modulable haut de gamme avec planche Plexiglas, quelques rangs de tribune à sa gauche et une dalle proprement décorée. Avec ce logo et cette inscription en tête de raquette, « Hoopsidia ».
Ce nom de scène numérique est celui de Valentin Turgot. Depuis trois ans, il répand sa passion à travers des vidéos où il va à la rencontre et défie les acteurs de la planète basket : de Rudy Gobert, Ricky Rubio, Nicolas Batum, Vincent Poirier à David Holston, Sylvain Francisco, Derrick Williams en passant même par George Eddy. Sans compter des tournées autour d’événements NBA, EuroLigue et ses liens avec la LNB.
Budget d’origine : celui d’un iPhone !
L’intéressé n’aime pas « être réduit » au mot « YouTubeur » ou « influenceur ». « Je me définis plutôt comme un créateur de contenus multiplateforme, dans l’optique de documenter le monde de basket », affiche « Hoopsidia », contacté par téléphone. Le créateur a lâché son CDI dans la publicité pour vivre de cette activité.
En mars dernier, avec le premier confinement, il quitte temporairement Paris pour retrouver sa Normandie natale. Une fois chez ses parents, habitants d’une bourgade à l’est d’Alençon (Orne), Valentin Turgot décide de débroussailler la fameuse butte de terre de son enfance. C’est là que le projet « Pimp My Court », qui trotte dans sa tête depuis des années, va se concrétiser.
Son compte bancaire ayant fondu, il se lance le défi de retoucher l’espace pour un prix équivalent à celui… d’un iPhone. Là où certains de ses homologues YouTube ont fait dans la « simplicité » en se faisant construire un terrain, lui, pas beaucoup plus bricoleur que les autres, veut mettre la main à la pâte. « S’il avait fallu creuser à la main pendant quatre semaines, je l’aurais fait. » Amis, voisins et artisans viennent l’aider à mettre les coups de pioche.
À l’origine, il doit s’en tenir à la coulée de la dalle en béton. Mais en séquençant son chantier avec environ une vidéo par semaine, « Hoopsidia » crée un feuilleton, comparable à une « série Netflix » comme il dit, qui prend de plus en plus d’ampleur.
30 000 abonnés supplémentaires grâce à sa série
Les multiples réactions en ligne récompensées par le placement de ses contenus, à sept reprises, parmi les « tendances » YouTube lui permettent de voir plus haut. Le projet, qui va tout de même lui ramener 30 000 abonnés supplémentaires, se nourrit de lui-même. « J’avais l’impression de toucher des familles avec ce rêve de tout le monde », raconte-t-il.
Après la base de terrain viendront sa décoration, la pose du nouveau panier (offert par Tarmak), l’installation des tribunes, la fabrication d’une machine à shoots… Le « budget iPhone » imaginé a logiquement explosé. « Pour 1 500 euros, tu as juste la dalle, pas le reste. Là pour l’ensemble, je dirais environ 5 000 euros. »
Mais tant pis, l’essentiel est ailleurs : « C’est ma plus grande fierté personnelle, de l’avoir fait vraiment tout seul, sans sponsor, avec uniquement mon logo dessus. Et quelle fierté de pouvoir faire des contenus à domicile, sans avoir à appeler la Hoops Factory ! Quand on veut un truc, il faut de la patience et surtout travailler. »
Antoine Eito est déjà venu le défier sur place. Nicolas Batum, originaire du Calvados voisin et qu’il connait bien, pourrait suivre à l’avenir, tout comme David Holston ou Sylvain Francisco.
« Mettre du basket là où il n’y en a pas »
Après ce terrain, sorte de « cahier de brouillon », le projet « Pimp My Court » est tout sauf terminé. Contacté par des agglomérations pour être la « tête d’affiche » de réfections de terrains, « Hoopsidia » part sur une saison 2 avec une idée en tête : « Si je peux le faire chez moi, je peux le faire chez les gens. »
Il s’est ainsi engagé à « livrer » un terrain, en dur ou démontable, au domicile de deux de ses abonnés. Déjà 130 candidatures reçues. De la continuité de cette aventure doit naître, en plus de nouveaux feuilletons en ligne, un format vidéo final de 26 minutes, susceptible d’être diffusé sur d’autres plateformes que Youtube.
« L’idée est permettre au basket de se développer, de donner un accès, formule Valentin Turgot. J’ai vraiment envie d’aller mettre du basket là où il n’y en a pas. Je pense à ceux qui n’ont pas d’accès à leur salle de club, surtout en ce moment. Si je fais le terrain d’un gamin qui devient pro dans cinq ans, j’aurais réussi ! »