Quand Marcus Morris a reçu le coup de fil de son alma mater de Kansas pour retirer son maillot. Il a refusé. Pourquoi ? Parce que son frère, Markieff, ne faisait pas partie de la célébration.
Et puis finalement, le 17 février dernier, ce sont les deux jumeaux qui se tenaient plus unis que jamais sur le parquet de l’Allen Fieldhouse. En souvenir du bon vieux temps. Enfin, peut-être pas pour tout le monde…
Des disciples dissipés
De 2008 à 2011, les jumeaux Morris étaient inséparables sur le campus de Lawrence. Tous leurs coéquipiers sont unanimes pour le dire. Ils faisaient leurs bêtises ensemble, dès la première semaine à vrai dire, avec un incident impliquant une carabine à air comprimé.
Gamins élevés à la dure à Philadelphie, les Morris ont semé la terreur dans leur propre équipe avec leur attitude et leurs coups de sang. « Quand ils partaient en sucette, je disais toujours aux gars : Mais pourquoi personne ne va les calmer ? », en sourit désormais le coach, Bill Self. « Et ils me répondaient tous : ‘Coach, si tu te bats avec un, tu dois te battre avec les deux.’ Ce qui est vrai ! »
Mais ils ont surtout laissé une trace mémorable chez leurs proches, par une paresse devenue légendaire.
« C’était l’hiver, et on avait ces grosses vestes molletonnées », se souvient Conner Teahan, l’arrière de l’équipe, dans The Athletic. « On faisait de la vidéo, et Markieff avait le col de sa veste par dessus sa bouche. Coach Self lui posait une question et il bougeait la tête juste assez pour sortir sa bouche au-dessus du col et répondre à la question. Coach Self a pété les plombs, il lui a sauté dessus et a zippé sa veste grande ouverte. Ces gars sont si paresseux qu’ils ne peuvent même pas dézipper leur veste pour répondre à une question. »
Plus souvent au coin que sur le terrain, Marcus et Markieff ont usé les tapis de running sur le côté pendant leurs années chez les Jayhawks. Aussi insolents qu’indolents, les jumeaux Morris ont clairement joué avec les nerfs de Bill Self pendant ces trois années. Et ils en ont payé le prix.
« Une fois, ils avaient des séances de physique supplémentaires et ils devaient accumuler un certain nombre de pas sur les escaliers montant en musculation. Il y en avait beaucoup à faire », en sourit Brett Ballard, le directeur des opérations basket. « Hudy [le préparateur physique] était là et à un moment, il les regarde et ils étaient à quatre pattes à pousser avec leurs mains. Hudy a dû les engueuler. »
Des vétérans en NBA
Les jumeaux Morris avaient même établi une stratégie de défense imparable. Quand l’un était dans un mauvais jour, l’autre venait amadouer le coach. Quand ça ne marchait pas, c’était l’ultimatum. « Ils étaient si proches et ils se couvraient si bien l’un l’autre que si Markieff était dans un bon jour et que j’étais sur le dos de Marcus, ça descendait le niveau de Markieff. C’était incroyable. ‘Hey, vous êtes mollassons aujourd’hui’, et pour eux, c’était, ‘regarde ça alors, je vais te montrer ce que paresseux est vraiment’. »
Alors au tout début de leur prise de conscience du travail à accomplir, et de l’éthique de travail à adopter, les Morris étaient dans une autre mentalité à Kansas. « Ils l’ont même déclaré publiquement : je peux dunker, mais ça demande tellement plus d’énergie », commente Bill Self. « Ils ont rationalisé dans leur esprit qu’ils doivent conserver leur énergie et ne pas sauter était une manière de le faire. »
Les Jayhawks ont tout de même été plutôt bons durant leurs trois années, avec 30 victoires de moyenne et trois titres de la Big 12. Et puis ce quart de finale face à Virginia Commonwealth University lors du tournoi 2011, après une saison de MVP de sa conférence pour Marcus, à 17 points et 8 rebonds.
« Coach Self et moi, on ne s’est jamais vraiment entendu sur grand-chose. Zéro », se souvient Marcus Morris. « Mais, ce qu’il a fait pour moi et mon frère est unique. Il nous a appris ce qu’était le travail. Il a été comme un père pour nous. Il a été très dur avec nous, et j’ai vraiment eu du mal à comprendre. Mais quand je suis parti pour entrer dans le vrai monde et la NBA, tout ce qu’il m’avait appris a pris sens et je l’utilise à ce jour. »
Disciples dissipés et indisciplinés à Kansas, Marcus et Markieff incarnent pour le coup le prototype du « role player » vétéran de nos jours en NBA. Dans un joli revirement, ils sont désormais des vieux routiers du circuit, avec neuf saisons dans les jambes et de l’expérience à revendre.
Tant et si bien qu’ils se sont tous les deux trouvés des places au chaud, à Los Angeles. L’un aux Lakers, l’autre aux Clippers, mais tous deux dans la course au titre en plein cœur d’Hollywood…