Après ses glorieux prédécesseurs, Manute Bol, Hakeem Olajuwon et Dikembe Mutombo, qui évoluaient au même poste que lui, c’est à Joel Embiid que revient l’honneur de représenter au plus haut niveau le basket africain. Avec l’objectif de devenir le meilleur joueur de tous les temps. « J’ai encore énormément de travail, mais bien sûr, je veux être meilleur que ces gars », a-t-il ainsi lancé dans un long entretien avec The Athletic.
« Je veux qu’on puisse dire : c’est un joueur africain qui est le meilleur joueur du monde. C’est dingue de penser à ça. Je crois que ce n’est jamais arrivé. Je ne trouve pas vraiment de sports d’équipe où un Africain a été le meilleur » explique-t-il, oubliant peut-être George Weah, unique Ballon d’or africain. « Même quand Hakeem jouait, il y avait sans doute Michael Jordan à cette époque. Ce serait incroyable de pouvoir dire ça un jour d’un joueur de basket africain. »
Hakeem « The Dream » Olajuwon, une inspiration infinie
Des trois joueurs précédemment cités, Dikembe Mutombo et Hakeem Olajuwon ont, chacun à leur façon, eu un impact déterminant sur la carrière de Joel Embiid.
Le premier l’a « découvert » lors d’un camp « Basketball Without Borders » organisé en Afrique du Sud qui a été déterminant pour la suite (même si Luc-Richard Mbah-a-Moute a également joué un grand rôle avant ça). Il a ensuite joué un rôle de grand frère sur le territoire américain, même de loin. Pour le remercier de son aide, Joel Embiid l’a par exemple invité aux deux dernières campagnes de playoffs des Sixers, son ancienne équipe.
Mais celui qui a, à jamais, marqué la vie de Joel Embiid et l’a fait tomber amoureux du basket, c’est bien Hakeem Olajuwon. Arrivé aux États-Unis depuis son Nigeria natal au début des années 80, il est devenu un pivot de légende avec son style d’une classe inimitable, sa palette offensive inégalée mais aussi sa dimension défensive. Hakeem Olajuwon est d’ailleurs toujours le meilleur contreur de l’histoire de la NBA (3 830 contres en carrière), devant Dikembe Mutombo (3 289).
« Je ne voulais pas uniquement jouer dans la raquette, je maîtrisais déjà ça » confie-t-il. « Je maîtrisais déjà la pénétration, le jump hook, ce que je voulais, c’était avoir le ballon en main. Quand je jouais contre un grand, c’était comme s’il défendait un ailier, ce ne se jouait pas sur la force. J’allais driver, shooter, jouer le pick-and-roll, poster et être un joueur complet. Je ne voulais pas être limité comme un poste 5 traditionnel. »
« The Dream », le surnom du Nigérian colle vraiment à la peau de Joel Embiid, lui qui, pendant plus de trois ans, a donc regardé un DVD de 45 minutes des highlights de son aîné, celui qui a définitivement rendu, ce « rêve » possible. « Je ne passais pas un jour sans le regarder une, deux ou trois fois. Chaque jour, seul, à chaque fois ».
Avant lui, le Congolais Dikembe Mutombo s’est également largement inspiré du pivot de Houston lorsqu’il est arrivé dans la ligue, huit ans après son aîné. Pour l’ancienne tour de contrôle des Nuggets et des Hawks, c’est aussi Hakeem Olajuwon qui lui a permis de rêver en grand.
« Hakeem est mon idole » a-t-il rappelé. « Il nous a tous inspirés. Je crois que si Hakeem ne l’avait pas fait à sa manière, peu de gens auraient suivi. Il a ouvert cette porte. Quand je parle de lui, je dis que c’est le roi de l’Afrique. Il a ouvert la porte pour nous. Il s’est assis sur le trône afin que l’on puisse le suivre. »
« S’il l’a fait, je peux aussi le faire »
Au fil des années, Joel Embiid a réussi à calquer quasiment à la perfection chacun des moves d’Hakeem Olajuwon. Cette admiration sans bornes, le Camerounais l’a également puisée lorsqu’il s’est renseigné sur le parcours du Nigérian, dans lequel le pivot des Sixers s’est reconnu.
« Je suis juste tombé amoureux de la manière de jouer d’Hakeem, sa manière de bouger » se rappelle Joel Embiid. « Ensuite, j’ai appris des choses sur son parcours et ça m’a rendu encore plus amoureux parce que j’ai réalisé que j’apprenais de la part d’un gars qui a commencé à jouer au basket à 15-16 ans. Et quand je me regardais, j’étais dans la même situation. Il a joué au foot, a pratiqué d’autres sports… C’est plus ou moins mon histoire. Je regardais ce gars, sa façon de jouer et je me disais : « S’il l’a fait, je peux aussi le faire ». J’avais tout le temps des gens qui me disaient à quel point mon travail d’appuis était bon en me comparant au sien, et j’ai toujours gardé ça en tête. Si les gens comparent mon travail d’appuis au sien, c’est que je peux faire la même chose que lui. Alors j’ai commencé à apprendre de lui. »
Joel Embiid ajoute une anecdote au sujet de Shaquille O’Neal qui était la référence en terme de pivots dominants lorsqu’il était plus jeune. « Je tapais tout le temps son nom sur Google et il disait que le seul gars qui lui avait causé des soucis, c’était Hakeem. Ça en dit beaucoup venant de sa part, puisqu’il n’était pas loin d’être le joueur le plus dominant dans la ligue à son époque. »
Deux « papas » fiers de leur fils
Hakeem Olajuwon a travaillé avec un paquet de pivots de la ligue qui l’ont également idolâtré durant leur jeunesse, mais jamais avec Joel Embiid. Pourtant, près de 15 ans après sa retraite, le Camerounais est clairement devenu son plus digne successeur. Le style de jeu du pivot des Sixers, calqué sur le sien, ne peut que rendre « The Dream » fier, mais aussi admiratif, de voir comment ce jeune gamin de Yaoundé a développé sa palette offensive tout seul de façon aussi remarquable.
« Il a réussi (à me copier), simplement en regardant. Pas seulement avec le haut du corps, mais aussi le travail d’appuis avec ses pieds. La plupart des joueurs le font depuis le haut du corps, mais non, c’est avec le travail d’appuis que tu bats ton adversaire. Il a tous les moves, ses appuis sont incroyables. Et parce que c’est devenu instinctif chez lui, il sait à quel moment il doit l’utiliser. Tu peux le travailler avec quelqu’un, mais de savoir quand l’appliquer en match, ça ne s’apprend pas. Tu pourrais l’utiliser au mauvais moment. Lui, le fait instinctivement, en fonction du challenge. Donc c’est incroyable de voir un grand comme lui, qui s’est fait tout seul, jouer comme ça au poste bas. »
Comme lui en son temps, Hakeem Olajuwon se félicite de voir la façon dont Joel Embiid exploite sa large palette offensive, avec notamment du tir à 3-points, une arme indispensable dans le basket actuel.
« Tu ne peux plus être un pivot à l’ancienne dans le basket d’aujourd’hui. Ça ne marchera pas. Ce qu’un pivot doit faire, c’est ce qu’Embiid fait » poursuit « The Dream ». « Il a le poste bas, le tir extérieur, et quand c’est ton tour, il faut mettre dedans. C’est différent, mais on a toujours des grands qui dominent le jeu. On devrait toujours dominer, car on a tellement d’avantages. On peut dominer en défense avec du contre, du rebond, de l’intimidation. C’est de là que tout part. Ensuite, si tu as le ballon au poste bas et que tu as des qualités, c’est un mismatch. Personne n’a de réponse face à lui. »
Au tour de Joel Embiid d’être un modèle pour la jeunesse africaine
Son autre mentor, Dikembe Mutombo, est lui aussi, admiratif. Enfin, l’Afrique a offert à ces deux légendes un fils digne de ce nom. « Il a trouvé un moyen d’être comparé à Hakeem Olajuwon au niveau de ses qualités. Il a beaucoup appris de « The Dream » et fait beaucoup de choses qu’il faisait. Il est très talentueux, très doué… Un grand comme lui qui peut dribbler, et faire ce qu’il fait, ça n’arrive pas si souvent ».
Eh oui, avec toutes ses qualités mais aussi tous ses défauts, Joel « The Process » Embiid n’a que 25 ans et une marge de progression à la hauteur de sa détermination. À 25 ans seulement, c’est aussi lui devient un modèle pour d’autres africains. « J’aime ce gamin, et je suis très fier de son succès. Il fait en sorte que beaucoup de jeunes africains arrivent derrière lui et puissent dire : Oui, c’est possible » estime Dikembe Mutombo. « Il inspire ceux qui arrivent par la suite, dont mon fils qui joue au basket. Ils regardent tous ses matchs, ils veulent être comme lui. »
C’est le fil de l’histoire : Hakeem Olajuwon a ouvert la voie, Dikembe Mutombo a pris le relais avec son propre style, plus défensif et aujourd’hui c’est à Joel Embiid d’incarner la relève avec pour but de dépasser ses aînés.
Joel Embiid | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2016-17 | PHL | 31 | 25 | 46.6 | 36.7 | 78.3 | 2.0 | 5.9 | 7.8 | 2.1 | 3.6 | 0.9 | 3.8 | 2.5 | 20.2 |
2017-18 ☆ | PHL | 63 | 30 | 48.3 | 30.8 | 76.9 | 2.3 | 8.7 | 11.0 | 3.2 | 3.3 | 0.6 | 3.7 | 1.8 | 22.9 |
2018-19 ☆ | PHL | 64 | 34 | 48.4 | 30.0 | 80.4 | 2.5 | 11.1 | 13.6 | 3.7 | 3.3 | 0.7 | 3.5 | 1.9 | 27.5 |
2019-20 ☆ | PHL | 51 | 30 | 47.7 | 33.1 | 80.7 | 2.8 | 8.9 | 11.6 | 3.0 | 3.4 | 0.9 | 3.1 | 1.3 | 23.0 |
2020-21 ☆ | PHL | 51 | 31 | 51.3 | 37.7 | 85.9 | 2.2 | 8.4 | 10.6 | 2.8 | 2.4 | 1.0 | 3.1 | 1.4 | 28.5 |
2021-22 ☆ | PHL | 68 | 34 | 49.9 | 37.1 | 81.4 | 2.1 | 9.6 | 11.7 | 4.2 | 2.7 | 1.1 | 3.1 | 1.5 | 30.6 |
2022-23 ★ | PHL | 66 | 35 | 54.8 | 33.0 | 85.7 | 1.7 | 8.4 | 10.2 | 4.2 | 3.1 | 1.0 | 3.4 | 1.7 | 33.1 |
2023-24 ☆ | PHL | 39 | 34 | 52.9 | 38.8 | 88.3 | 2.4 | 8.6 | 11.0 | 5.6 | 2.9 | 1.2 | 3.8 | 1.7 | 34.7 |
2024-25 | PHL | 19 | 30 | 44.4 | 29.9 | 88.2 | 1.9 | 6.3 | 8.2 | 4.5 | 2.2 | 0.7 | 3.3 | 0.9 | 23.8 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.