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Saga Jail Blazers (#1) – Ecrire l’histoire des vaincus

Pendant la période creuse de l’année, entre la fin d’une free agency de feu et la Coupe du Monde qui débute fin août, BasketUSA vous propose un panorama rétro sur le basket dans le Grand Nord-Ouest, avec un triptyque sur les trois franchises de la région : les Portland Trail Blazers, les Seattle Supersonics et les Vancouver Grizzlies.

Ça se passe entre 1995 et 2005. De l’entrée des Blazers dans leur nouvel écrin du Rose Garden, à une fin de saison en lambeaux, avec un dirigeant au poste de coach (Kevin Pritchard au relais de Mo Cheeks), une piteuse 13e place à l’Ouest et des fans en colère.

Une décennie de basket à Portland avec beaucoup de hauts mais probablement encore plus de bas. Et des bas qui blessent. Qui laissent des plaies encore douloureuses aujourd’hui, plus de vingt ans après les faits. C’est Rip City à la sauce Jail Blazers. C’est une histoire d’amour qui tourne mal entre une ville et son équipe fanion.

Malgré deux accessions consécutives à la finale de conférence à l’Ouest en 1999 et 2000, Portland n’arrivera pas à brandir le trophée tant convoité. L’infamie du dernier quart perdu au Game 7 des finales de conférence en 2000 ne sera jamais vengée, laissant donc béante la plaie profonde qui torture encore l’esprit des fans de Rip City.

Il s’agit même d’un choc culturel dans sa plus pure expression. D’un côté, des joueurs noirs américains issus de milieux défavorisés. De l’autre, une ville typiquement blanche et aisée, avec une tradition conservatrice (et des relents racistes). La collusion de ces deux éléments rendait l’ambiance forcément conflictuelle, et explosive. Comme un cri primaire du Sheed après un dunk de virtuose !

Pour comprendre ce phénomène, il faut d’abord saisir le contexte spécifique de la ville de Portland. De même, il faut bien voir le contraste qui existe entre le groupe du début des années 90, double finaliste NBA, et celui mis en place par le GM tête brûlée, Bob Whistitt, véritable architecte des Jail Blazers. Enfin, il s’agira de revenir sur le choc culturel et générationnel qui s’est opéré à l’aube de l’an 2000 à Portland, mais aussi en NBA plus largement.

BasketUSA a mené son enquête en fouillant les archives mais aussi en allant à la rencontre de nombre des acteurs principaux, dont Kerry Eggers, auteur d’un ouvrage massif de 500 pages sur le sujet, sorti en novembre dernier.

Les Jail Blazers, écrire l’histoire des vaincus

Portland. 23 avril 2019. Damian Lillard vient de transpercer les filets d’un tir assassin à plus de 11 mètres qui élimine le Thunder au premier tour des playoffs. Amer, Paul George explique que c’est un mauvais tir.

« On pourra dire ce qu’on voudra, mais la vérité, c’est que c’est un mauvais tir. Il l’a réussi et on ne racontera donc pas cette histoire, mais c’est un mauvais tir. »

Quelques semaines avant de (choisissez la bonne réponse) demander / exiger / forcer un transfert pour former un duo avec Kawhi Leonard chez les Clippers, Paul George avoue alors son impuissance.

Il évoque l’autre version de l’histoire. Celle des vaincus. Celle qu’on ne raconte pas et qu’on oublie, car dans le sport comme ailleurs, il est bien connu que l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs.

Que « PG » se rassure tout de même. À Portland, ils s’y connaissent plutôt bien en histoire des vaincus.

Remuer un passé douloureux

« Franchement, au début, je n’étais pas chaud pour le faire ce bouquin », nous explique Kerry Eggers dans un café du Nord-Est de Portland. « Car je me suis dit que les fans des Blazers n’auraient pas forcément envie de revivre cette époque-là. Bien qu’ils étaient bons sur le terrain, il y avait aussi beaucoup de soucis hors terrain. Mais c’est une histoire qui mérite d’être racontée. »

On est bien d’accord là-dessus. Les Blazers ont été une équipe marquante à plus d’un titre (de journal) à l’aube de l’an 2000 parce que c’était une escouade blindée de talents. Dans la veine des Celtics et des Lakers des années 1980. Ou un tantinet Warriors pour les plus jeunes. C’était une addition de talents qui, sur le papier, a pu légitimement viser le titre de 1999 à 2003.

Avec Arvydas Sabonis, Rasheed Wallace ou encore Damon Stoudamire et Brian Grant qui étaient déjà en place avant 1999, ce sont des grands noms tels que Scottie Pippen, Steve Smith, Detlef Schrempf ou encore Greg Anthony (pour la première vague) qui sont venus s’ajouter à la troupe. Avec cet effectif à rallonge, doublé sur tous les postes, Mike Dunleavy a longtemps entretenu les rêves de titre de Rip City.

Le bémol, c’est que cette nouvelle publication n’apporte pas de nouveaux points de vue. À dire vrai, c’est globalement une redite des commentaires d’époque.

La faute n’en revient pas entièrement à l’auteur cela dit, ce dernier ayant essuyé plusieurs refus catégoriques d’interviews (Rasheed Wallace, Zach Randolph, Greg Anthony, Bob Whitsitt…), des retournements de vestes de dernière minute peu gracieux (Scottie Pippen, Steve Smith, Damon Stoudamire, Bonzi Wells…) ou des interlocuteurs tout simplement évaporés dans la nature (Shawn Kemp, Ruben Patterson, Darius Miles…).

Damon Stoudamire, Rasheed Wallace et Bonzi Wells auraient semble-t-il toujours pour projet de produire un documentaire sur le thème des Jail Blazers, mais pour présenter la situation de leur point de vue. Evoqué depuis déjà deux ou trois ans, on attend toujours impatiemment d’en savoir davantage…

Jusque-là, et à défaut de changer la focale, le livre de Kerry Eggers nous propose de replonger dans ces années très contrastées avec quelques témoignages nouveaux et des informations complémentaires.

« Ça dure une douzaine d’années, donc il s’agissait d’être exhaustif. Au final, on a coupé 300 pages, de descriptions essentiellement. (…) Il y a plusieurs choses que je n’ai pas pu mettre dans le livre. Certaines histoires de drogue avec Shawn Kemp, et d’autres histoires que je n’ai pas pu recouper avec d’autres sources. »

Dans cet exercice périlleux de déballage d’un passé peu glorieux, Kerry Eggers a marché sur des œufs. Pendant un an de recherches à éplucher les journaux de 1994 à 2006, en parallèle avec son gagne pain quotidien au Portland Tribune, il s’est rapidement heurté au mur du silence.

Un jeu de massacre ?

À s’intéresser à cette période sombre des Blazers, ce vétéran du circuit se doutait bien qu’il rencontrerait des obstacles en chemin.

Mais pour le coup, il nous a bien avoué sa déception de n’avoir pu obtenir le concours de 30 ou 40 acteurs de la saga. Kerry Eggers a recueilli 70 témoignages pour cet ouvrage, dont une majorité de coachs et d’assistants, mais malheureusement pas assez de joueurs. Regret partagé évidemment.

« Rick Carlisle m’a parlé pour le livre. Mais il m’a rappelé plus tard pour me dire qu’il ne voulait plus en faire partie si ça devait devenir un jeu de massacre. Mais je n’ai pas voulu faire quelque chose de partial. Ce livre est aussi à propos de ces bons vétérans qui ont tenu l’équipe : Pippen, Sabonis, Smith, Schrempf. »

Le livre les évoque en effet mais dans une litanie de démêlés avec la justice, Rasheed Wallace en tête, arrêté plusieurs fois pour possession de marijuana. De même pour Damon Stoudamire, notamment suspendu et mis à l’amende à hauteur de 250 000 dollars, après avoir été pincé à l’aéroport de Tucson avec 43 grammes d’herbe empaquetés dans du papier d’aluminium !

Outre les JR Rider, Qyntel Woods ou Darius Miles qui ont aussi poussé le bouchon très loin, c’est le rookie Zach Randolph qui a bientôt repris le flambeau dans le rôle du « voyou » à Portland. Lui qui a bien cumulé aussi, avec plusieurs arrestations liées à l’herbe également, des agressions physiques et des conduites en état d’ivresse.

« Quelle belle expérience », ironise maintenant le coach des Warriors Steve Kerr, de passage en Oregon en 2001-02 seulement, « c’était incroyable. C’est probablement la saison la plus amusante de ma carrière, rien que pour voir les dysfonctionnements. Je n’ai jamais vu ça ailleurs ! »

Plus récemment, Steve Kerr minimisait, ou en tout cas relativisait, les problèmes de cette équipe de 2001-02.

« Ce qui m’a donné à réfléchir, c’est que beaucoup de joueurs considèrent que le surnom Jail Blazers était un peu exagéré, dont Steve Kerr pour qui j’ai beaucoup de respect », développe Kerry Eggers. « Il dit que c’était un bon groupe de gars avec, oui, certains problèmes, mais une bonne alchimie. Je n’en doute pas ! Mais l’alchimie et le caractère sont deux choses différentes. Ce n’est pas l’alchimie qui posait problème mais le caractère. Chris Dudley, qui s’est présenté aux élections en Oregon en 2010 d’ailleurs, avait aussi la même perspective. Mais après avoir écrit ce bouquin, je ne suis pas d’accord. Je pense que c’était mérité. »

D’un point de vue purement factuel, les Blazers de l’époque présentent tout de même un bilan solide. 7 apparitions en playoffs (sur 9 saisons). 22 victoires et 4 séries remportées en postseason. Un bilan record à 59 victoires et 23 défaites en 1999-00. Une moyenne plus que respectable à 50 victoires et plus entre 2000 et 2003, en pleine période Jail Blazers en l’occurrence.

Mais c’est aussi six sorties sèches dès le premier tour des playoffs pour une des plus grosses masses salariales de la Ligue, année après année… Et des déceptions en pagaille, à commencer par la finale de conférence en 2000, ou cette autre en 1999, notamment décidée à la chaussure de Sean Elliott qui ne fera que flirter avec la ligne de touche. C’est aussi des fins de saison en eau de boudin en 2001 (14 défaites en 22 matchs et un coup de balai des Lakers… encore eux) et en 2003 (défaite 4-3 face à Dallas au premier tour)…

Game 7 des finales de conférence 2000 : le début de la fin

La bascule – le début de la fin – c’est évidemment l’ultime manche de la finale de conférence en 2000, face aux Lakers, au Staples Center. Les Lakers sont favoris mais Portland a pour lui le momentum (revenu de 1-3 à 3-3).

Plus encore, les Blazers ont le match en main avant le dernier quart : +15 après avoir repoussé les assauts de Shaq et Kobe en fin de première mi-temps.

Malgré les fautes qui ont rapidement accablé Arvydas Sabonis, Brian Grant et Jermaine O’Neal dans la lutte bestiale face à Shaq, Portland tient bon la barre. Le jeune O’Neal bâche violemment un finger roll de Kobe.

La finale (contre Indiana) est à portée de la main…

Mais plus rien ne rentre pour Wallace & Co dans le quatrième quart-temps…

« Si on avait réussi à rentrer 1 ou 2 de nos 13 tirs ratés de suite dans ce dernier quart. Ça aurait pu tout changer… », avouait récemment Rasheed Wallace sur le plateau d’ESPN. « Je sais que j’en ai raté 6 ou 7 déjà. Si j’avais pu en mettre un, l’histoire aurait pu être différente. »

Elle aurait pu l’être également, si Scottie Pippen avait rentré un tir à 3-points pour revenir tout près. Ou si Steve Smith avait bénéficié d’un coup de sifflet plus juste favorable face à Shaquille O’Neal.

« Vous pouvez le publier. Même si ça me peine d’en parler, c’est un match qu’on a perdu. Le match 7 des finales de conférence 2000. Portland contre les Lakers. Je veux voir toute les fautes qui n’ont pas été sifflées. Sous. Tous. Les putain. D’angles », enrage encore Steve Smith en février 2018, au micro de Sports Illustrated. « Rasheed avait été expulsé pour un regard dans cette série. J’en suis encore amer. Et comme je le dis à Shaq [son collègue de télé]. Il a fait faute sur moi [à 30 secondes de la fin]. Ils n’ont rien sifflé ! Ecris-ça : je veux revoir l’action où Shaq fait faute sur moi en réalité virtuelle. C’était un match 7 ! »

Au petit jeu des « si », le grand ami de Rasheed Wallace, Tim Donaghy, ajoute une belle dose d’huile sur le feu. Dans son bouquin autobiographique, l’arbitre repenti balance ainsi un embryon de théorie du complot…

« Les Lakers étaient à -13 et [l’arbitre Dick] Bavetta a commencé à se mettre au travail. Les Lakers ont remporté le quatrième quart 31 à 13 pour gagner la série. Leurs 37 lancers francs comparés aux 16 des Blazers, un total dérisoire, n’ont certainement pas fait de mal à Los Angeles. »

Peut-être est-ce un des volets que touchera le documentaire monté par Damon Stoudamire et Rasheed Wallace…

En tout cas, ce qui est acquis, c’est que si Portland avait remporté le titre, Bob Whistsitt n’en serait certainement pas venu à signer Shawn Kemp et Dale Davis à l’été 2000 dans deux paris risqués. L’ordre du jour aurait probablement été de reconduire en masse un effectif champion.

Au lieu de ça, l’épopée décadente des Jail Blazers est truffée de ces moments suspendus, ces « what if », qui font finalement mal tourné. Des rendez-vous manqués avec l’histoire qui auront finalement raison de trois coachs : PJ Carlesimo (1994-97), Mike Dunleavy (1997-2001) et Maurice Cheeks (2001-05). Dans la cité des Roses, les situations épineuses n’ont pas manqué pour les techniciens.

Une autre certitude : en perdant ce match 7 au terme d’un tel scénario, les Blazers ont non seulement gâché une chance unique de titre, mais ils ont aussi définitivement perdu le contrôle de l’histoire. La plume s’est envolée. Le moment, que tout Portland attendait, est passé.

Prochain épisode : Portland la blanche

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