C’est désormais une tradition sur Basket USA : chaque été et chaque hiver, nous vous proposons de longs extraits d’un livre en rapport avec la NBA.
Après Phil Jackson, Michael Jordan (par Roland Lazenby), la « Dream Team » et Allen Iverson (par Kent Babb), nous avons continué de piocher dans la collection des éditions Talent Sport et c’est un ouvrage passionnant, signé Jackie MacMullan, que nous vous proposons pour les longues soirées de l’hiver 2018, au coin de la cheminée.
« Larry Bird-Magic Johnson, Quand le jeu était à nous » raconte la formidable rivalité, dans les années 1980, entre l’ailier des Boston Celtics et le meneur des Los Angeles Lakers. Celle qui a assuré le succès et la popularité de la grande Ligue américaine. Embarquez avec nous dans la machine à remonter le temps… Bonne lecture !
Chapitre 1 – 9 avril 1978 Lexington, Kentucky
Le tir improbable rebondit sur le panneau avec un fort angle mais Larry Bird, lisant la trajectoire du ballon, se saisit du rebond et avance sans hésitation en balayant le terrain du regard pour envisager ses options. Earvin Johnson était déjà parti en attaque quand la balle était encore en vol. Cela faisait seulement six jours qu’il disputait une compétition internationale sous forme de championnat avec Bird dans une équipe de All-Stars universitaires. Et Johnson s’était déjà aperçu que Larry était leur rebondeur le plus malin.
Bird prit le couloir central et Magic s’engouffra à droite, en appelant le ballon. Cependant, l’ailier regardait ailleurs, comme s’il avait des affaires urgentes autre part. Pendant un bref instant, Magic fut agacé. « J’imagine qu’il ne va pas me faire la passe », pensa-t-il. Et c’est à ce moment-là qu’il reçut la balle : un missile de passe dans le dos qui atterrit directement dans la paume droite de Magic. Elle resta là, juste ce qu’il fallait pour que Johnson désoriente le défenseur Andreï Lapatov d’un crossover avant de la renvoyer à Bird d’une passe aveugle par-dessus l’épaule.
La star d’Indiana State s’était à peine orientée avant que sa passe volleyée revienne sur Magic. Cela ne laissa pas au joueur soviétique débordé le temps de réagir. Alors que Johnson ajustait son lay-up contre la planche, la foule en délire de la Rupp Arena de Lexington, au Kentuchy, a rugi.
Magic se tourna et fonça vers Bird main levée, bien haut, pour lui donner son caractéristique « high five ». Larry tapa dans la main du jeune homme et ils se replacèrent tous les deux en défense, côte à côte. L’un sautillait, frappant dans ses mains et se réjouissant, l’autre baissait la tête, inexpressif, comme si rien de particulier ne s’était produit.
La qualité de passe de Larry épate Magic
Les trajectoires interdépendantes de basketteurs d’Earvin « Magic » Johnson et de Larry « Joe » Bird avaient officiellement commencé – en tant que coéquipiers. Johnson n’avait jamais rencontré Bird avant ce tournoi. Il avait été stupéfié par la très grande qualité de passe de l’ailier. Et quand Bird lui avait fait cette passe aveugle, Magic s’était dit : « Je ne vais pas le laisser prendre l’ascendant sur moi. » « Ça a été trois secondes de basket incroyable. C’était boom, boom, boom ! Je me suis dit : « Wow, j’adore jouer avec ce gars ! » Et croyez-moi, le public aussi a adoré », a commenté Magic.
Quelque trente ans après ce panier réalisé ensemble sur jeu de transition, contre l’équipe nationale de l’Union Soviétique, quand Magic avait 18 ans et Bird 21, ils se remémorent tous les deux cette action avec une étonnante précision. « Le défenseur hésitait entre nous deux. On arrivait si vite sur lui que sa tête tournait dans tous les sens. Et il a fini par tourner en bourrique ! Je me marrais parce que le pauvre gars était complètement paumé. »
Il n’était pas le seul. Personne n’a pensé à relater la démonstration de ces deux génies de la profondeur de champ. Il n’y a eu aucune description à couper le souffle de ces artistes de la passe dans les journaux. En 1978, ils avaient tous les deux démontré un pedigree basket plein d’évolution mais ils n’étaient pas encore reconnus à grande échelle comme des athlètes de haut niveau. A ce moment critique, aucun d’entre eux n’avait remporté le titre NBA, le trophée de MVP ou, pour ce qui les concernait, le titre NCAA. L’ironie de la situation – Bird et Magic commençant leur relation légendaire en tant que coéquipiers – n’a pas retenu l’attention parce que leurs carrières parallèles n’avaient pas encore donné naissance à l’une des rivalités les plus fascinantes de l’histoire du basket. « Ils étaient bons, bien sûr, mais ils n’étaient pas Magic et Larry. Pas encore », a rapporté Michael O’Koren, leur coéquipier durant ce tournoi.
En fait, Johnson et Bird étaient des secondes options dans une équipe de basket amateur qui participait à une compétition internationale où toutes les formations se rencontraient, le World Invitational Tournament (ou WIT). Et où ils ont tenté en vain de prouver à leur coach, Joe B. Hall, qu’ils avaient le niveau pour être titulaires.
Bird et Magic avaient partagé quelques regards complices quand ils se montraient plus malins que les titulaires à l’entraînement mais le premier révélait peu de lui-même au second. C’était un jeune homme peu loquace, jusqu’à ce qu’il rentre chez lui, à French Lick, en Indiana, et qu’il retrouve son frère, Mark Bird. « J’ai vu le meilleur joueur de basket universitaire. C’est Magic Johnson », lui a confié Larry.
Le WIT réunit la crème des basketteurs
Le World Invitational Tournament était un rendez-vous fracassant. Cet événement taillé pour la télévision rassemblait un groupe des meilleurs joueurs universitaires. L’équipe américaine a disputé trois matches en cinq jours contre les Soviétiques, Cuba et la Yougoslavie, dans différentes salles : l’Omni à Atlanta, l’Auditorium Carmichael sur le campus de North Carolina et la Rupp Arena à Lexington.
Bird sortait de sa saison junior à Indiana State. Il avait été sélectionné dans la All-America First Team et il serait drafté par les Boston Celtics trois mois plus tard (6e le 9 juin 1978 à New York). Magic venait de terminer sa première année à Michigan State et il avait été nommé dans la All-America Third Team. Il avait ébloui la Conférence Big Ten avec sa panoplie de passes aveugles, d’alley-oops et de passes à terre en backdoor.
Pourtant, sur ce WIT, appelé aussi Converse Cup, Johnson et Bird jouaient les seconds rôles. Les têtes d’affiche étaient Joe B. Hall et ses Kentucky Wildcats qui avaient battu Duke 94-88 la semaine précédente pour s’emparer du titre NCAA. Coach Hall avait placé cinq de ses gars dans l’effectif du WIT : l’arrière-ailier Jack « Goose » Givens, qui avait planté 41 points dans le match pour le titre face à Duke ; Rick Robey, un robuste pivot ; le meneur Kyle Macy ; l’ailier gaucher James Lee et l’arrière Jay Shidler.
Givens, Macy et Robey ont bénéficié des plus gros temps de jeu dans le tournoi même si les remplaçants, emmenés par Johnson et Bird, les dominaient à l’entraînement. Intérieurement, les deux compères fulminaient sur le banc en regardant des joueurs inférieurs s’accaparer « leurs » minutes. « Ils étaient les joueurs de Kentucky et nous autres étions là pour compléter. Hall voulait montrer ses gars à travers tout le pays », a relaté Larry.
Bird et Magic ont passé huit jours au total ensemble pendant ce WIT. Ils n’ont pas eu plus de quatre ou cinq conversations, bien qu’ils aient mangé ensemble, se soient entraînés ensemble et aient voyagé en bus ensemble. Tandis que Magic devenait pote avec la star d’Arkansas Sidney Moncrief, donnait de la voix et menait la danse parmi les joueurs d’Ohio, Bird restait la plupart du temps seul, observant le paysage du Kentucky par la fenêtre du bus pendant que les tirades de Magic – et sa personnalité – submergeaient l’équipe. « Magic était un tchatcheur intarissable. Larry ne soufflait pas un mot. C’était « Bonjour et n’attendez pas grand-chose de plus » », a rapporté James Bailey, la star de Rutgers.
Deux parfaits inconnus (ou presque)
Le WIT était le bébé d’un cadre de la télévision, Eddie Einhorn. Alors que le basket professionnel des années 1970 n’obtenait que de maigres audiences, le basket universitaire se révélait être un marché avec du potentiel, pour peu que les matches aient une envergure nationale. Einhorn avait déjà retransmis avec succès des matches amicaux contre les Russes. Il pensait qu’une compétition ayant un parfum international aurait du succès. Ainsi naquit le WIT.
Eddie Einhorn a sollicité l’aide du directeur sportif de Brandeis, Dick Rodis, et du coach de basket de l’université de Providence, Dave Gavitt, membres éminents de l’Amateur Basketball Association of the United States of America (ABAUSA, renommée plus tard USA Basketball), pour compléter l’équipe autour des joueurs de Kentucky. « A cette époque, je ne savais vraiment pas qui étaient Magic et Larry. Je crois pouvoir dire que la plupart des gens non plus », a reconnu Einhorn.
Gavitt avait un souvenir douloureux des facultés de l’imposant meneur de Michigan State. Quelques semaines plus tôt, Magic et ses Spartans avaient écrasé les Providence Friars de Gavitt au 1er tour du Mideast Regional du tournoi NCAA de 1978, à Indianapolis. Magic avait marqué 14 points et réalisé 7 passes mais c’est sa capacité à emballer le match et à fournir à ses partenaires des tirs à haut pourcentage (Michigan State avait rentré 61% de ses shoots) qui avait le plus marqué Gavitt. Johnson voyait le jeu différemment des autres basketteurs. C’était comme s’il le voyait se dérouler au ralenti.
L’équipe d’Indiana State de Larry Bird affichait un bilan de 23 victoires pour 9 défaites ce printemps-là mais s’était vu refuser l’accès au tournoi NCAA final. Elle avait été reléguée dans le moins prestigieux tournoi NIT. Dave Gavitt ne l’avait jamais vu jouer et savait peu de choses de lui. Comme Indiana State n’était pas visible sur les chaînes de télévision, beaucoup de fans pensaient que Bird était afro-américain.
Bob Ryan, du « Boston Globe », n’avait pas encore vu Larry lui non plus mais il était déjà bien informé de l’engouement qu’il y avait autour de lui. Ryan était à Indianapolis pour assurer la couverture de Providence. Il informa Gavitt qu’il se rendrait également à Terre Haute pour voir les Sycamores et cette mystérieuse perle cachée, dont les agents recruteurs des Celtics lui avaient affirmé qu’elle était un prospect valable pour la NBA.
T’as vu jouer Larry Bird ? L’agent déchire ton PV !
Bob Ryan s’est lancé dans son pèlerinage avec Mike Madden et Jayson Stard, journalistes sportifs du « Providence Journal » qui étaient tous les deux sceptiques à propos des qualités que l’on prêtait à Bird. Il jouait dans une petite fac, dans une petite conférence, ce qui, en déduisaient-ils, expliquait ses statistiques offensives flatteuses.
Les journalistes ont à peine eu le temps de tomber la veste avant que Larry, droitier, capte un rebond puis s’engage côté gauche en dribblant main gauche. Arrivé à mi-terrain, il envoya une passe laser à son arrière pour un lay-up. « A partir de ce moment-là, j’ai été fan », m’a dit Ryan.
Indiana State a gagné d’un point sur un tir extérieur de Bird. Sur le chemin du retour à Indianapolis, Ryan était dans un tel état d’excitation, en parlant de sa performance, qu’il roulait à 120 km/h quand la police l’interpella. « Désolé. Je me suis emballé parce que je reviens du match d’ISU (ndlr : Indiana State University), a annoncé Ryan à l’agent de police.
– Ah oui ?, lui a répondu l’agent en déchirant le PV. Qui a gagné ? »
Le lendemain matin, les scribes étaient de retour à Indianapolis, au bord du terrain, pour voir une autre légende en devenir : un général de 2,03 m (grandissant encore) qui dominait le jeu sans avoir de tir extérieur fiable. Magic était un derviche tourneur plein d’énergie et d’enthousiasme. Même s’il n’était que freshman, il hurlait ses ordres à ses coéquipiers plus âgés et frappait dans ses mains après chaque action réussie, poussait des cris et exultait avec ses partenaires. Les joueurs des Friars s’offusquaient de cette comédie, tout particulièrement au vu du score déséquilibré (77-63).
« Certaines personnes ont pensé qu’il était égocentrique, qu’il aimait se mettre en avant. Ça n’a jamais été son cas, a raconté Dave Gavitt. Il jouait de la façon dont il aimait le jeu. Il faisait beaucoup de « high fives » et serrait souvent les poings, choses qui ne se voyaient pas fréquemment à l’époque. Je suppose que c’était agaçant quand vous étiez dans l’autre équipe. J’ai posé la question à son coach, Jud Heathcote, à ce sujet, et il m’a dit : « Dave, il est comme ça tous les jours à l’entraînement. Pas certains jours – tous les jours. » »
Après avoir rencontré la presse et félicité Michigan State et sa remarquable star naissante, il est tombé sur Bob Ryan dans le couloir. « Alors, qu’a fait ta « perle cachée » à Terre Haute ?, lui a-t-il demandé.
– Dave, j’ai tout simplement vu l’un des plus grands joueurs de basket de demain », lui a répondu Ryan.
Jugé « trop lent », Larry Bird est vexé
Quand est venue l’heure de constituer l’équipe qui allait disputer le WIT, Gavitt s’est souvenu de l’engouement de Ryan et il ajouté Magic et Bird à la liste. Bird était fou de joie d’avoir été sélectionné, jusqu’à ce qu’il apprenne l’identité du coach. Joe B. Hall avait recruté Bird à sa sortie du lycée Springs Valley à French Lick, dans l’Indiana. Mais après l’avoir observé, Hall avait décrété que Bird était « trop lent » pour jouer en Division 1 universitaire. Et Bird, meurtri et déçu – il n’aurait jamais l’opportunité de jouer contre Kentucky à l’université -, s’était promis de faire mentir Hall un jour. « Je voulais ma revanche contre ce gars », a confié Larry.
Les chances que cela se produise étaient minces. Kentucky était l’un des programmes les plus prestigieux du pays. Sa Conférence, la Southeastern, était principalement connue pour être un haut lieu du football américain, avec des poids lourds tels que Alabama, Auburn, Florida et Georgia. Les Wildcats, sous la houlette d’Adolph Rupp, s’étaient imposés à la fin des années 1940 comme l’un des fers de lance du basket dans le pays en gagnant quatre titres NCAA en dix ans. Indiana State ne faisait tout simplement pas le poids et Michigan State non plus – du moins, pas avant que des étudiants prénommés Larry et Earvin débarquent sur leurs campus respectifs et modifient instantanément le paysage du basket.
Michigan State concourait dans la prestigieuse Conférence Big Ten mais très largement dans l’ombre du rival de l’Etat, Michigan, qui prenait toute la lumière depuis des années avec des stars comme George Lee, Cazzie Russell, Rudy Tomjanovich, Phil Hubbard et Rickey Green (qui ont tous effectué de belles carrières en NBA).
Alors que les Spartans cultivaient eux aussi leur lot de graines de basketteurs NBA (Bob Brannum, Johnny Green, Al Ferrari, Ralph Simpson), leur programme rencontrait un succès modéré. Leur rayonnement était bien terne en comparaison de celui de leurs voisins d’Ann Arbor et cela leur était régulièrement rappelé. « Nous étions les enfants adoptifs. Nous disions toujours à nos joueurs que tous les matches ne comptaient que pour un dans le calendrier, sauf ceux contre Michigan qui comptaient pour un et demi », a expliqué Jud Heathcote.
L’un des hauts faits de l’histoire de Michigan State avant l’arrivée de Magic Johnson a été le succès du coach Pete Newell, qui a dirigé les Spartans de 1950 à 1954 puis migré vers l’Ouest, à l’université de Californie, à Berkeley, où il a gagné un titre NCAA en 1959. Cette même année, Michigan State a signé un bilan de 19 victoires pour 4 défaites. Cela s’est avéré le point culminant avant les dix-huit saisons suivantes, pour lesquelles l’équipe a laissé un piètre bilan de 204 victoires pour 233 défaites.
La folie Magic embrase Michigan State
A l’automne 1977 est arrivé Magic. A l’époque, le niveau d’enthousiasme à la salle de MSU, la Jenison Fieldhouse, était, pour le dire avec tact, très mesuré. Quand la nouvelle s’est répandue que Johnson, un héros local qui était né et qui avait grandi à Lansing, avait signé à Michigan State après avoir reçu des offres des meilleurs programmes du pays (dont Michigan), tous les abonnements disponibles se sont arrachés en quelques heures. Cet automne-là, Earvin est apparu sur la couverture du dossier de presse de l’équipe, aux côtés de Gregory Kelser et du capitaine de la formation, Bob Chapman. C’était le premier basketteur freshman de MSU à recevoir un tel honneur.
Il n’y a pas eu une telle fanfare quand Larry « Joe » Bird a débarqué avec son sac de sport et s’est rendu en cours sur le campus d’Indiana State, en septembre 1975. Certes, il y avait eu des rumeurs – non confirmées – selon lesquelles il avait dominé les tournois AAU et rivalisé avec des stars universitaires accomplies mais son cursus avant d’arriver à Terre Haute – une courte tentative avortée pour intégrer Indiana University, à Bloomington, et un séjour de deux semaines à l’Institut Northwood – avait laissé les fans d’ISU sur leur faim. Ou complètement ignorants s’agissant de ses talents.
Comme Michigan State, Indiana State s’était habituée au fait d’être classée dans les programmes sportifs de second rang, éclipsée dans sa propre région non seulement par Indiana University mais aussi par Notre Dame et Purdue. Les Sycamores se démenaient dans la modeste Conférence Missouri Valley, bassement considérée comme la ligue d’équipes réserves comparée au Goliath que constituait la Conférence Big Ten, à laquelle appartenaient Indiana University et Purdue.
La première équipe de basket d’Indiana State a été créée au tournant du XXe siècle. En 1946, l’université s’appelait Indiana State Teachers College. L’administration avait embauché un jeune homme sérieux du nom de John Wooden en tant que coach de basket, coach de baseball et directeur sportif de l’université. Les équipes de basket de Wooden ont affiché un bilan de 47 victoires pour 14 défaites en deux saisons et ont été invitées au tournoi de la National Association of Intercollegiate Basketball en 1947. Wooden a refusé l’invitation à cause du règlement du tournoi, qui ne permettait pas aux athlètes afro-américains d’y participer. Un membre de l’équipe de Wooden, Clarence Walker, était noir.
En 1948, Wooden a quitté ce qui s’appellerait plus tard Indiana State University pour insuffler de la vie au programme terne de la fac de UCLA. Il y a gagné dix titres nationaux et y a été surnommé « le Magicien de Westwood ». Il demeure aujourd’hui encore le standard à l’aune duquel tous les coaches universitaires sont évalués. Pendant ce temps, Indiana State sombra dans une relative obscurité. « Je n’ai jamais rien vu de mauvais à Indiana State. Indiana était la faculté quand j’étais ado. Si tu te faisais recruter par I.U., tu avais réussi ta vie. »
Le grand numéro de Bobby Knight
Bird et Magic avaient réussi la leur d’après ce critère car ils ont tous les deux été repérés par le radar de Bob Knight, le coach d’Indiana, quand ils étaient dans leur dernière année au lycée. Johnson voit aujourd’hui encore la visite de Knight à son lycée comme l’un des plus grands frissons de sa jeune existence. Knight, qui venait de mener Indiana au titre national à l’issue d’une saison sans défaite, était l’un des hommes les plus admirés – et craints – du basket. C’était un type à la discipline de fer qui exigeait respect et obéissance immédiate.
Johnson a appris que Knight venait au lycée d’Everett pour le rencontrer. Il s’est réveillé une heure plus tôt ce jour-là, a ouvert la salle de sport de l’école et tiré 100 lancers-francs, juste au cas où Knight se renseignerait sur lui. « C’était le Monsieur à l’époque », a confié Magic.
Bobby Knight a dit à George Fox, le coach du lycée de Magic, qu’il rencontrerait Johnson après les cours. Une demi-heure avant que la sonnerie retentisse, Fox marchait dans le hall. Il fut stupéfait de voir Knight accoudé au mur près de la salle de classe de Magic. « Vous êtes en avance, Coach, lui a dit Fox.
– Je le suis toujours, lui a répondu Knight. Quand je recrute un joueur, j’aime le voir parmi ses camarades, observer son attitude avec les autres élèves. » Les observations secrètes que le coach avaient faites au sujet de Johnson lui avaient montré un garçon confiant, extraverti, qui était à l’évidence adoré par ses camarades de classe et qui arpentait les couloirs de l’école comme un leader incontesté.
Quand Magic est venu s’asseoir avec Knight et Fox à la cafétéria, l’assurance que Knight avait vue dans les couloirs a rapidement disparu. Johnson a senti ses épaules se crisper. Il était nerveux. L’homme qu’il avait vu, à la télévision, faire les cent pas le long de la ligne de touche d’Indiana était sévère, intimidant. Cependant, quand Magic lui a tendu une main hésitante, Knight l’a serrée chaleureusement.
Il s’est avéré que le coach d’Indiana a eu de l’humour pendant cette séance de recrutement. Il a mis Fox et Johnson à l’aise en leur racontant des anecdotes sur sa passion du basket. « Il avait un large sourire. Je ne pense pas l’avoir jamais vu sourire avant », a relaté Magic.
Knight a exposé ce qu’il attendait de tous les joueurs qui venaient à Bloomington : il leur était demandé d’assister aux cours et de passer leurs diplômes. Il ne garantirait pas du temps de jeu ou un traitement de faveur. « Si tu viens, a dit Knight à Magic, tu seras traité comme n’importe qui d’autre. Tu devras gagner ta place. Je ne donne rien à personne. Tu dois me prouver que tu le mérites. »
Ce message était séduisant pour Johnson, constamment courtisé depuis des mois par des universités qui lui promettaient un casier d’angle, un petit job pour démarrer ainsi que d’autres petits avantages (des fringues, du cash, une voiture), ce qui était en totale infraction avec les règles de la NCAA. C’était régénérant de rencontrer quelqu’un qui le mettait au défi sur son jeu. Le ton de Knight était conciliant, jusqu’à ce qu’il demande de manière brutale : « Bon alors, Earvin, merde, tu vas où l’an prochain ? »
A suivre…
Jackie MacMullan, « Larry Bird-Magic Johnson, quand le jeu était à nous », sorti le 31 mai 2017 (352 pages, 22 euros)
Chez le même éditeur
Phil Jackson, « Un coach, onze titres NBA » (2014, 352 pages, 22 euros)
Roland Lazenby, « Michael Jordan, The Life » (2015, 726 pages, 24 euros)
Jack McCallum, « Dream Team » (2016, 396 pages, 22 euros)
Kent Babb, « Allen Iverson, Not a game » (2016, 330 pages, 22 euros)
Roland Lazenby, « Kobe Bryant, Showboat » (2018, 600 pages, 24 euros)
Marcus Thompson II, « Stephen Curry, Golden » (2018, 300 pages, 21,90 euros)
Julien Müller et Anthony Saliou, « Top 50 : Les Légendes NBA » (2018, 372 pages, 19,90 euros)
Julien Müller et Elvis Roquand, « Petit quiz NBA, 301 questions » (2018, 176 pages, 9,90 euros)
Talent Editions : https://www.talenteditions.fr