Quelques articles « Vintage » l’ont montré : plusieurs d’entre vous sont nostalgiques de la NBA des années 90, une époque que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître…
La NBA, c’était vraiment mieux avant ? C’est ce que nous avons voulu savoir en consultant deux des plus grands spécialistes américains, Jack McCallum et Ian Thomsen.
Jack travaille à « Sports Illustrated » depuis 1981. Il est membre du Hall of Fame et a écrit huit livres sur le basket. Ian travaille à « Sports Illustrated » depuis 1998 et collabore avec plusieurs journaux de référence.
Leur point de vue est passionnant.
MONDIAL BASKET : Vingt ans après, quels souvenirs gardez-vous du premier titre de Michael Jordan ?
Jack McCALLUM : Ce dont je me souviens le plus, c’est l’émotion de Michael et sa réaction avec son père. J’étais juste à côté dans le vestiaire quand ils se sont embrassés.
Ian THOMSEN : Mon sentiment est qu’il avait travaillé très fort pour remporter cette bague et que ce processus a fait de lui le vrai champion de la NBA. Si Michael avait remporté le titre dès sa première saison ou lors de la deuxième, aurait-il pu devenir l’acteur dominant de l’époque moderne ? C’est une question intéressante. Mon opinion est que les années de frustration et les critiques qu’il a entendues à chaque fois que son équipe a échoué l’ont contraint à atteindre un niveau d’engagement supérieur. Il était déjà le joueur le plus talentueux. Avec ces sept années sans titre, il est également devenu le plus affamé. Ces choses sont apparues évidentes au cours des playoffs 1991, quand les Bulls ont commencé à dominer la Ligue. Tout à coup, aucun adversaire ne pouvait plus les atteindre. C’est là qu’il devenait évident que l’ère Michael Jordan s’ouvrait.
MB : Imaginiez-vous, après ce premier titre, que sa carrière serait aussi exceptionnelle ?
J.M.C. : Sa carrière a toujours été exceptionnelle. Donc, je savais que ça le propulserait vers un autre niveau.
I.T. : Est-ce que je pensais qu’il allait en gagner six ? Je ne raisonne pas en ces termes. Après son premier titre, je me suis demandé qui arriverait à le battre. Oublions ces deux années de courte retraite (ndlr : en 1994-95), personne n’a été capable de le battre en playoffs en tant que Bull.
MB : En quoi l’homme et le joueur sont-ils différents ? Ses victoires ont-elles fait de lui un autre homme ?
J.M.C. : Michael est un peu plus modéré quand tu lui parles. Mais si tu le défies sur quelque chose, même un tout petit truc, il ne lâchera pas. En ce sens, « the private man » est comme « the public man ».
I.T. : Il s’est toujours comporté comme un champion, un chef de file du basket. Il était à l’aise sous les projecteurs, il a été un exemple pour tous les joueurs jusqu’à aujourd’hui. Il leur a montré la façon dont un champion se comporte et le niveau d’excellence qu’on attend d’eux quand ils apparaissent en public. Les titres ont légitimé le personnage Jordan mais ne l’ont pas changé.
MB : Durant cette période, le jeu a évolué. Etait-ce naturel ? Un besoin ? Un souhait ?
J.M.C. : Les trois à la fois. La NBA a changé parce qu’elle était moribonde. Toutes les superstars le savaient. Voilà pourquoi le boom s’est produit. Ce groupe – Michael, Magic, Larry (Bird), Isiah (Thomas), Kevin McHale, Dominique Wilkins, Pippen, Dumars, (David) Robinson, Ewing, Mullin, Stockton, Malone, Barkley… – était si bon que le jeu a évolué naturellement.
I.T. : A mon avis, le jeu ne s’est pas amélioré durant l’ère Jordan. Mike était si charismatique et spectaculaire que les gens n’ont pas vu les défauts qui se sont développés dans le basket NBA. Jusqu’à son départ de Chicago, la Ligue a été trop dépendante de la défense et du jeu d’isolement. Après quelques années, la NBA a modifié ses règles pour autoriser sa version de la défense de zone. Les équipes ont été contraintes d’aller d’un bout à l’autre du parquet plus rapidement. Cela a encouragé les joueurs à prendre des tirs rapides, avant que la défense ne se mette en place sur demi-terrain. Ce n’était pas un changement naturel, il a été créé par les règles. Et cela se serait produit plus tôt si Michael Jordan n’avait pas été aussi fort en un contre un. Son jeu et son succès ont masqué tout ce qui n’allait pas dans le style de basket pratiqué en NBA.
MB : Kobe Bryant est-il le fils naturel de Michael Jordan ?
J.M.C. : Oui, c’est le basketteur le plus proche de lui en termes de taille, de style et d’envie de gagner.
I.T. : Au cours de la deuxième saison de Kobe en NBA, j’ai écrit un article sur lui pour « Sports Illustrated ». Ce qui m’a frappé à ce moment-là, c’est combien il ressemblait à Jordan. La façon dont il avait copié quelques-uns des tics de Michael. Il avait grandi avec cet exemple et il voulait gagner autant de titres que lui. Les différences ? Jordan est un peu plus grand et c’est la raison pour laquelle il a été meilleur marqueur autour du panier, en particulier au poste bas. Bryant a dû travailler son tir, le shoot à 3 points. Je ne pense pas que Kobe puisse dominer individuellement comme Jordan l’a fait mais il peut encore gagner plus de bagues. A mon sens, il a quand même plus de talents autour de lui que Michael n’en avait à Chicago.
MB : Quelles ont été vos relations avec les superstars NBA au fil des ans ?
J.M.C. : Je suis en train d’écrire un livre sur la « Dream Team » 20 ans après. Je donnerai tous les détails dans ce livre qui sortira en 2012. S’il vous plaît, achetez-le ! Plus sérieusement, j’avais de bonnes relations avec la majorité de ces gars parce qu’ils comprenaient la nécessité et l’importance de la publicité qu’on leur faisait. Ils comprenaient aussi que tout ce qui était écrit à leur sujet ne soit pas forcément positif. Ils comprenaient pourquoi. Les gars d’aujourd’hui ne comprennent pas cela…
I.T. : J’ai d’excellentes relations avec de nombreux joueurs mais il serait faux de dire que je suis très ami avec l’un en particulier. Il y a 20, 30 ou 40 ans, il était possible que les journalistes et les joueurs deviennent des amis proches mais on vit une autre époque. Je suis à l’aise avec les relations que les joueurs et moi entretenons. Shaquille O’Neal est un joueur qui aime plaisanter. Je mesure 2 m et je suis chauve. Parfois, il aime embrasser le haut de mon crâne… Il y a quelques années, il m’a donné un grand « bear hug ». Un collègue m’a dit : « Quand Shaq t’étreint, tu disparais à l’intérieur de lui… » C’était quelque chose de rare parce qu’il n’y a personne d’autre comme Shaq dans la Ligue.
MB : Etes-vous nostalgique des années 90 ? Rêvez-vous encore de cette période fantastique quand vous regardez des matches aujourd’hui ?
J.M.C. : J’essaie de ne pas trop y penser. Je sais que j’ai été chanceux de couvrir des matches au meilleur moment. Cette joie sera exprimée dans mon livre.
I.T. : Pour moi, le meilleur moment des années 90, c’est quand je travaillais en Europe en tant que chroniqueur sportif pour le « International Herald Tribune ». J’ai vécu la naissance de la « Dream Team » à Barcelone et j’ai mesuré les effets que cela avait sur le sport au niveau international. Je pense que les meilleures choses qui soient arrivées au basket dans les années 90 se sont déroulées en Europe, un continent qui a commencé à réaliser son potentiel. En NBA, les années 90 ont été dominées par un grand champion qui a masqué des problèmes qui se seraient révélés s’il était parti. Les matches qui me manquent le plus sont les affrontements Lakers-Celtics des années 1980. Il y avait énormément de grandes équipes dans cette décennie : Lakers, Celtics, Sixers, Pistons, Rockets, Bucks… Le salary cap était nouveau, donc ça n’empêchait pas les équipes de recruter. Pour moi, les années 80 sont le véritable âge d’or.
A suivre…