Le smartphone et les réseaux sociaux ? Interrogé, Kelly Oubre Jr. prétend « détester » ça. « Un truc générationnel, un stéréotype », assure l’ailier des Wizards. « J’ai l’impression que nous dépendons trop des téléphones portables et des réseaux sociaux pour booster nos egos et nous sentir bien, alors qu’au bout du compte, cela vient de nous-même. » Et le joueur de Washington de parler même d’une « maladie des réseaux sociaux ».
Un discours paradoxal pour quelqu’un qui contente régulièrement, en photos de lui, quelques 450 000 abonnés sur Instagram ou qui compte déjà plus de 10 000 messages postés sur Twitter. Et se trimbale avec deux téléphones sur lui… Le Wizard, comme la plupart de ses homologues de la ligue, n’échappe surtout pas au phénomène social en ligne.
Ces dernières années, il a même imposé aux franchises d’instaurer certaines règles pour que les smartphones et leurs applications ne deviennent pas trop envahissants dans les vestiaires des différentes franchise. Le point de départ de cette tendance est sans doute lié à… Charlie Villanueva quand, en 2009, il envoyait un « twitt » tout droit sorti du vestiaire des Bucks, à la mi-temps d’un match contre Boston.
In da locker room, snuck to post my twitt. We're playing the Celtics, tie ball game at da half. Coach wants more toughness. I gotta step up.
— Charlie Villanueva (@CVBelieve) March 15, 2009
À l’époque, Scott Skiles avait interdit les mobiles dans le vestiaire. Quelques mois plus tard, la ligue interdisait carrément l’usage, pour joueurs et coaches, de tout appareil permettant l’accès aux réseaux sociaux, durant les matchs. Pendant la mi-temps donc, et même 45 minutes avant la rencontre ainsi qu’après avoir rempli les obligations médiatiques post-match.
« On vient travailler, il n’y a pas de temps pour ça. »
« On va avoir des règles strictes là-dessus », assurait alors Erick Spoelstra. « On ne va pas accepter les réseaux sociaux durant les heures de travail. On vient travailler, il n’y a pas de temps pour ça. » Dwyane Wade, qui comptait cette année-là 100 000 followers (contre près de… 8 millions aujourd’hui !) était du même avis : « Tu peux tweeter avant, ou après. Certains vont un trop loin avec ça. Mais je pense que c’est très positif de pouvoir communiquer personnellement avec tes fans. »
Plus récemment, Kevin Seraphin, alors aux Knicks, racontait ne pas oser sortir son smartphone. Phil Jackson avait « recommandé » à ses joueurs de ne pas le faire : « Phil est très old school. Il ne veut pas que les joueurs touchent leur téléphone. Tu peux prendre tes propres risques, mais il n’aime pas vraiment ça. »
Près de dix ans après cette première « Villanueva bomb », cet enjeu est toujours d’actualité. Chez les Bucks par exemple, comme le raconte le Washington Post, une règle simple a été instaurée : rester à l’écart du mobile avant les matchs. Milwaukee a tout de même instauré quelques exceptions : écouter de la musique avec l’appareil est autorisée.
Le vétéran Jason Terry a aussi droit à son traitement de faveur : il peut continuer sa (drôle de) routine de jouer au poker en ligne avant le match. Un moyen pour lui de se concentrer.
« Tout le monde ressemble à des zombies qui se jettent sur leurs téléphones »
Pour les joueurs, il reste néanmoins difficile de s’en détacher. Le rookie des Grizzlies, Dillon Brooks, a bien tenté de casser ses habitudes d’avant NBA. Mais une fois qu’il a vu ses partenaires faire… « J’ai essayé de rester à l’écart. Mais quand tu sors après le match, chacun est sur son téléphone, à regarder Instagram, Twitter. » « Tout le monde ressemble à des zombies qui se jettent sur leurs téléphones, pour voir s’ils ont raté quelque chose », décrivait encore Caron Butler, lorsqu’il jouait aux Kings.
Pour Jim Taylor, spécialisé dans la psychologie du sport et qui a travaillé avec des athlètes des ligues américaines majeures dont la NBA, ces réactions sont presque logiques.
« Comme presque toutes les autres personnes de la planète de nos jours, ils sont addicts. Ils le sont probablement plus à leurs téléphones et leurs réseaux sociaux. À cause des egos, du public… C’est psychologiquement plus addictif à cause de la taille du public, de l’adulation qu’ils reçoivent et, pour être réaliste, ils deviennent aussi accro aux trolls. »
Stephen Curry décrivait récemment les « choses désobligeantes » auxquelles il devait faire face sur ces réseaux. D’où la volonté affichée par les Warriors de vouloir prendre de la distance avec Twitter et les autres. Chez les Lakers, Luke Walton n’a pas banni les téléphones durant les réunions de petit déjeuner ou les sessions vidéo. En revanche, si le mobile d’un joueur sonne, il risque une amende.
« Ce serait se taper la tête contre le mur si vous voulez les obliger à poser leurs téléphones », formule Stan Van Gundy. « Ils ne sont pas sur leurs téléphones quand nous sommes en réunion d’avant-match, ni durant nos réunions, ni lorsqu’ils jouent. Mais toutes les autres fois, dès que je sors du bilan d’après-match… »
« Je pense qu’en tant qu’entraîneur, nous devons nous adapter et savoir que cela va prendre différentes formes pour atteindre ces jeunes désormais », conclut Jay Triano. Tout l’enjeu étant de trouver le bon compromis.