Médaillé d’argent aux Jeux Olympiques 2000 à Sydney, de bronze aux Championnats d’Europe en 2005, Fred Weis fut un cadre de l’équipe de France de basket durant huit ans, entre 1999 et 2007. L’ancien joueur du Limoges CSP et de Malaga cumule 100 sélections à son compteur. Aujourd’hui retraité, il reste un observateur très avisé du basket français et européen. Comme lors de chaque compétition internationale depuis deux ans, il s’installe avec nous pour suivre l’EuroBasket et l’équipe de France.
Avant d’évoquer la déception française, peut-être peut-on débuter par l’Allemagne qui mérite d’être saluée.
On ne peut que les féliciter, en particulier Dennis Schröder et Daniel Theis évidemment. Dennis Schröder qui a parfaitement su attirer la défense, la diviser et servir ses coéquipiers. Beaucoup de sang froid aussi avec ses 100% aux lancers, c’est le leader et il a joué comme tel. Puis Daniel Theis fait le match de son tournoi. On savait qu’il était bon mais là, il a vraiment joué un basket extraordinaire, sans rien rater, et autour d’eux, le reste de l’Allemagne a monté d’un niveau.
« La défense cause toujours notre perte »
En termes d’individualités, l’Allemagne n’est pourtant pas l’équipe la plus clinquante. Peut-on dire qu’il y a eu une opposition de style en termes d’attitude collective ?
Oui, l’Allemagne n’est pas forcément une grande équipe sur le papier, en dehors de Schröder et Theis à un niveau moindre, il n’y a pas vraiment de grandes individualités mais ils sont restés soudés, avec une belle défense collective, de l’intensité, des ballons arrachés et ils ont toujours joué ensemble. Ils ont joué en équipe. C’est finalement ce qui a manqué à la France.
Peux-tu développer ? Comment l’équipe de France perd-elle ce match ?
On fait un gros premier quart-temps, la France est dans son match, la défense est placée et c’est toujours ce domaine qui cause notre perte par la suite. On a manqué de constance, c’est le problème depuis le début de l’Euro et face à une équipe comme l’Allemagne, à ce niveau, ça ne pardonne pas. Nando rate le tir de la fin, ce n’était pas son tournoi, je crois que c’est le deuxième qu’il rate après la Finlande, il s’est sûrement mis beaucoup trop de pression, il n’a pas su l’assumer, c’est comme ça, ce n’était pas sa compétition.
On a encore vu l’équipe de France monter de plusieurs crans en intensité quand elle était dos au mur. Son problème n’est-il pas de toujours jouer à réaction ?
Cela va avec le reste, le fait de se relâcher, de manquer de concentration, d’oublier de jouer en équipe pendant plusieurs séquences et quand elle est au plus mal, elle se réveille… Mais chapeau bas à Evan Fournier. Avec le tournoi qu’il a vécu, toutes les difficultés qu’il a traversées, j’espère que sa réaction fera taire les détracteurs. Son dernier quart-temps était énorme, il a tout fait pour garder l’équipe en vie et c’est la marque d’un grand joueur mais à part lui, je me demande quand même où étaient nos leaders parce que…
Boris Diaw ?
Oui, pardon, j’ai failli l’oublier. Avec Evan, Boris a sorti un très grand match. 15 points, de l’adresse à trois-points cruciale en fin de match, de la défense, du rythme, c’était du grand Boris. Mais hormis ces deux-là, les cadres sont passés à côté de leur match.
« Je laisse le bénéfice du doute à Vincent Collet »
Qu’en est-il de Vincent Collet ? Est-ce qu’il n’est pas lui aussi passé à côté de la compétition ?
Vincent Collet a fait beaucoup d’erreurs, ça je l’ai régulièrement dit durant le tournoi. Il n’a pas su tenir le groupe, il n’a pas su installer une cohésion défensive, je n’ai pas toujours été d’accord avec sa gestion des rotations mais, attention, il ne faut pas l’enterrer, je veux quand même lui laisser le bénéfice du doute car il suffit d’un Rudy Gobert dans cette équipe pour changer complètement sa physionomie, notamment en défense. Avec le potentiel offensif de l’équipe et un joueur comme lui, cela change tout. Il ne faut pas oublier qu’il y a eu beaucoup d’absents et pour moi, Rudy est le plus important, tout simplement parce ce que l’on a vu qu’on ne pouvait pas être une équipe défensive.
Et de fait, est-ce que ce n’est pas la confirmation que, du moins dans le basket FIBA, seule la défense peut poser les fondations d’une identité collective ?
Si, et je l’ai répété durant tout le tournoi, on est une belle équipe d’attaque mais lorsqu’elle ne rentre plus les paniers, l’absence de constance de l’autre côté explique qu’elle se désagrège. C’est par la défense que l’on peut tenir quand l’attaque cale, c’est en faisant l’effort, en s’aidant qu’on crée la cohésion. Cette année, la France ne l’a jamais trouvée et on a vu qu’elle vivait mal en tant qu’équipe sur le terrain. C’est le contraire de l’Allemagne.
« La France peut remercier Boris Diaw pour tout ce qu’il a fait »
Boris Diaw n’a pas encore fixé sa décision concernant la suite de son parcours en Bleu. Tu as joué avec lui en équipe de France. Si ce huitième de finale devait être son dernier match, qu’as-tu à dire sur lui ?
Si ça devait être son dernier match… eh bien, quel match ! Cela prouve que c’est une légende du basket français, un grand du basket mondial, aussi. Je suis très fier d’avoir partagé le maillot de l’équipe de France avec lui, c’est quelqu’un de bien, humble, un immense joueur qui a énormément apporté à l’équipe de France, qu’il a amené au sommet du basket international. Il est toujours venu en compétition, même lors de certaines phases de qualification, je crois que toute la France peut le remercier pour tout ce qu’il a fait sous ce maillot.
En cas de victoire, cela aurait sans doute été anecdotique mais le résultat final implique la question. Hier, Edwin Jackson s’est chauffé sur les réseaux sociaux avec des joueurs de LNB au sujet de la place des JFL en France. À la veille d’un match décisif, est-ce que c’est une faute de préparation ?
Normalement, il devrait avoir d’autres chats à fouetter. C’est dommage parce que ça donne une mauvaise image. Et il n’est pas question de prendre parti sur le fond de leur discussion, Edwin a ses arguments, son vécu, ce n’est pas le problème mais normalement, à quelques heures d’un huitième de finale, on est censé avoir d’autres problèmes à gérer.
Pour l’équipe de France, il faudra un moment avant de la revoir dans un Eurobasket puisque le calendrier a changé et cette compétition ne se disputera plus que tous les quatre ans. As-tu un avis sur la réforme du calendrier FIBA ?
J’ai connu les fenêtres de qualification en cours de saison au cours de ma carrière. Ce n’est pas une situation évidente, ce n’est pas tout noir, cela se rapproche du foot et médiatiquement, je pense que cela va dans le bon sens. C’est aussi l’occasion de voir d’autres joueurs, de les développer et de créer un vrai groupe. Le vrai problème, c’est qu’il faut trouver un terrain d’entente avec l’Euroleague. On sait que les joueurs NBA ne viendront pas, c’est mort mais il faut régler cette situation pour que les joueurs d’Euroleague puissent participer.
Propos recueillis par Jérémy Le Bescont