Quinze ans en arrière, en 2002, le Shaq avait écrabouillé les Nets avec 30 points au minimum sur l’intégralité d’une finale NBA, conclue sur un coup de balai de la troupe de Jason Kidd. Lundi soir, Kevin Durant a fait la même chose que l’HippopoShaq en tournant à plus de 30 unités par match sur une finale, cette fois-ci, en cinq manches face à Cleveland et LeBron James au sommet de son art.
Les Warriors ont terminé leurs playoffs sur un incroyable bilan de 16 victoires et 1 défaite, le meilleur de l’histoire de la ligue, tout simplement. Mais ce n’est que le début…
L’équipe à abattre
Tout au long de la saison, beaucoup ont étiqueté ces Warriors comme les « vilains », l’équipe à abattre, avec Kevin Durant dans le rôle de l’ennemi public numéro 1. Comment ne pas détester une équipe qui compte quatre All-Stars 2017, plus une palanquée de role players talentueux et expérimentés (dont Andre Iguodala et David West – anciens All-Stars – ou encore Shaun Livingston) et qui écrabouille la concurrence comme si de rien n’était ?
En fait, et pour revenir à Shaq, il faut effectivement remonter au début des années 2000 pour se souvenir de ces années durant lesquelles le titre était pour ainsi dire joué d’avance alors que les Lakers de Phil Jackson avaient non seulement Shaq et Kobe mais aussi Robert Horry, Rick Fox, Derek Fisher… En tant que spectateur, il est très facile de détester ces équipes où le talent déborde de partout et qui tuent tout suspense par leur supériorité flagrante.
Plus encore que les Tres Amigos du Heat qui ont connu la défaite avant de remporter deux titres, les Warriors ont remis la mode du rouleau compresseur au goût du jour. Pour mieux « supporter » leur domination à venir, voici quelques pistes…
Le talent au service de l’équipe
D’abord et avant tout, il faut bien reconnaître que les Warriors sont une équipe qui joue de manière altruiste. Le mot clé est « selflessness » en anglais. Si on le décompose : ça signifie littéralement l’absence d’égo.
À commencer par Steve Kerr, le leader spirituel de la troupe. Apôtre s’il en est du partage de la balle.
« Il y a quelque chose de très particulier chez eux, en tant qu’êtres humains », soufflait le coach dans les couloirs de l’Oracle pour le Bleacher Report. « C’est ce qui, selon moi, fait passer certaines équipes dans une autre dimension. Beaucoup d’équipes ont du talent, mais ce talent n’est pas utilisé pour le bien de tous. Ils s’occupent vraiment les uns des autres et s’apprécient vraiment. »
Pour Andre Iguodala, c’est le même refrain. Une ode à la « démocratie des Warriors« .
« Notre style de jeu, notre jeu de passe est sous-cotée », précise quant à lui Andre Iguodala sur CBS. « Notre défense aussi, année après année, n’est pas assez valorisée. Chaque joueur sait très bien quel est son rôle et le remplit parfaitement, et c’est rare. On a par exemple Klay Thompson qui peut planter 60 points avec 11 dribbles. Et aussi un autre gars qui peut scorer 60 points mais qui a besoin du dribble. Mais il n’y pas de clash. Chacun fait son boulot. En général, c’est difficile de partager les richesses mais dans notre équipe, c’est facile. »
En l’occurrence, Klay Thompson a confirmé qu’il n’avait aucune intention de devenir la star d’une équipe, comme le soufflait un CJ McCollum plaisantin durant les playoffs. L’arrière des Warriors souhaite au contraire rester longtemps dans ce cycle vertueux mis en place sur les bords de la Baie d’Oakland.
« Je n’ai pas du tout l’impression d’avoir eu à faire des sacrifices », a expliqué Klay Thompson sur ESPN. « Je préfère de toute manière faire partie de quelque chose d’historique. Avoir ses tirs ou être la star de l’équipe n’est pas tout dans le basket. J’espère que je vais pouvoir faire ça pendant longtemps avec les Warriors. »
De l’isolation au mouvement sans ballon
Et si l’on remonte dans la chronologie, il y a pile poil un an de ça, Draymond Green a également donné le ton. À la sortie du match 7 perdu, alors que le rêve d’un « back to back » venait de se casser en mille morceaux, l’intérieur de Golden State n’a pas hésité à se montrer vulnérable.
« Tu as vu ce qu’il nous manque. On a besoin de toi. À toi de jouer, » a-t-il envoyé à Kevin Durant en SMS, ainsi que le révèle Sports Illustrated. « Juste après la défaite du match 7, ça montre qu’on était sérieux. »
Ça montre aussi que les Warriors étaient prêts à tout pour revenir au sommet de la montagne. Et, en recrutant Kevin Durant, Golden State a tout simplement doublé son avance sur les autres franchises. Rappelons d’ailleurs au passage que ce sont les Warriors qui sont allés chercher KD, tout simplement parce qu’ils en avaient besoin pour reprendre leur titre, et que l’explosion des salaires le leur permettait.
« Kevin n’a rien fait de mal, ni les Warriors », rappelait Adam Silver avant le début de la finale. « Ils ont profité de l’espace financier. Peut-être auraient-ils dû trouver une autre façon de signer, en transférant d’autres joueurs ou en ne prolongeant pas certains autres. Impossible de trouver une bonne solution. Au final, c’est injuste de prétendre que leur réussite est uniquement due au fait de la venue d’un joueur. »
Et l’intégration de Kevin Durant s’est faite tout en douceur, au sein du système altruiste et sans ego des Warriors.
« J’ai simplement essayé de vivre l’instant présent », précise Kevin Durant pour FanRag. « Et ça a marché ! Je me souviens de nombreux moments dans ma carrière où je continuais à penser trop au passé ou à l’avenir, sans profiter de l’instant présent. Dans cette série, je suis resté concentré sur le présent. »
Et le Kevin Durant qui a grandi à Oklahoma City en jouant l’isolation s’est transformé en MVP des Finals NBA en devenant le chantre d’un collectif qui a joué pour lui pendant toute la série.