All-Star Week-End 1989, un Soviétique met fin à la guerre froide entre la NBA et l’Europe

Nous sommes en 1989, à Houston. La NBA et le All-Star Weekend sont en plein essor avec une mondialisation en marche. L’année précédente, Michael Jordan s’est envolé depuis la ligne des lancers-francs pour remporter le Slam Dunk Contest devant Dominique Wilkins avant de faire le spectacle lors du All-Star Game du dimanche soir avec 40 points et le trophée de MVP. Bref, tous les regards sont portés sur la ville texane pour un show qui prend chaque année encore plus d’importance dans le calendrier NBA.

Neuf joueurs sont invités à participer au concours de tirs à 3-points. On y retrouve les plus fines gâchettes des années 1980. Sans doute aurez-vous reconnu Reggie Miller (Pacers), 23 ans à l’époque, Craig Hodges, le shooteur des Bulls, Danny Ainge, représentant des Celtics en l’absence de Bird, ou encore Dale Ellis, alors superstar des Sonics. Mais, si l’on fait attention à cette photographie, on s’aperçoit que l’un des joueurs ne porte pas de maillot NBA… Qui est donc ce numéro 12 à la coupe mulet et moustache qui correspondent si bien aux années 1980 ? Il s’agit d’un certain Rimas Kurtinaitis, réputé pour être le meilleur shooteur de toute l’Europe.

Champion du monde en 1982 puis champion olympique en 1988 avec l’URSS aux côtés d’Arvydas Sabonis ou Sarunas Marciulionis, au nez et à la barbe des États-Unis menés par David Robinson et Mitch Richmond, Kurtinaitis fait partie de la « génération dorée » des Soviétiques avant l’explosion du bloc communiste. Il continuera sa carrière de joueur sous les couleurs de la Lituanie, décrochant deux nouvelles médailles olympiques, en bronze, à Barcelone et Atlanta.

Mais qu’est ce qui explique la présence d’un « intrus » dans cette grande fête de la NBA, en pleine Guerre Froide entre l’Amérique et l’Union Soviétique. Comme bien souvent, on doit cette invitation à David Stern. L’ancien commissioner de la ligue n’a jamais hésité à briser les barrières et endosser le costume de pionnier au cours de sa longue carrière. L’idée de Stern était d’inviter Kurtinaitis afin de mettre l’accent sur le côté international de la NBA. Contrairement à nos jours où la NBA est une ligue globale avec des joueurs (et des stars) issues de tous les continents, rares étaient les joueurs non-américains qui évoluaient dans ce championnat. Quelques Canadiens, l’un ou l’autre Sud-Américain, quelques Européens (Smits, Schrempf) le plus souvent formés aux États-Unis, le Soudanais Manute Bol… Bref, des exceptions plus qu’autre chose.

Afin d’aider la ligue à prendre son envol hors des frontières nord-américaines, Stern a donc envoyé une cassette vidéo du dernier concours de tirs à 3-points à Kurtinaitis.

« Ils m’ont envoyé la cassette du concours de 1988. Je connais les règles et je sais que je peux me montrer compétitif » avait déclaré Kurtinaitis avant le concours via un interprète au Orlando Sentinel du 10 février 1989. « Je suis comme un pionnier, débroussaillant un chemin. »

Il ne croit pas si bien dire. Quelques mois après son passage au All-Star Weekend, les premiers joueurs d’origine soviétique et yougoslave font leurs débuts en NBA, pour la saison 1989-1990 : Alexander Volkov, Drazen Petrovic, Vlade Divac ou encore Sarunas Marciulionis.

Malheureusement, Kurtinaitis n’a pas franchement fait honneur à son statut lors du concours. Il termine 9e et dernier avec seulement 9 points, loin derrière le futur vainqueur, Dale Ellis. Mais l’important n’était pas là. La barrière est brisée. Sans cette apparition au All-Star Weekend, la NBA et le basket en général ne seraient peut-être pas où il en sont aujourd’hui.

Kurtinaitis n’a quant à lui jamais joué en NBA. Il a fait le tour d’Europe des clubs, passant par le CSKA Moscou, le Real Madrid et même l’Élan Chalon en 1996. Devenu coach à partir de 2002, il remporte l’Eurocup à trois reprises, la plus récente il y a quelques jours avec l’équipe de Khimki.