« Ah il y a des journalistes français qui suivent la NBA ? »
Eh oui Clint, il y en a et ils sont même plutôt nombreux. « Bon cela étant dit comme je ne joue jamais, personne ne vient me voir », reconnait alors l’intérieur suisse en souriant, d’une lucidité dépourvue d’amertume. Ses stats sont éloquentes : 20 minutes en 6 matches pour 8 rebonds et 0 point.
Son sort de cireur de banc et d’intérimaire D-League, le rookie des Rockets l’a accepté. La blessure de Dwight Howard ne change rien à sa situation, l’ex-Chalonnais sait qu’il devra attendre la prochaine pré-saison pour espérer gratter des minutes et entrer dans la rotation de Kevin McHale. Comment le vit-il ? Basket USA en a discuté avec Clint Capela.
Clint, ton passage a D-League a été une réussite, tu y as montré de belles choses. Mais quand le staff te l’a annoncé, tu l’as pris comme une punition ou pas ?
Au début cela ne fait jamais vraiment plaisir, c’est certain. Et puis après j’ai vraiment pris conscience de la qualité de l’effectif et des ambitions de titre de l’équipe et là j’ai compris que ça serait compliqué. Je savais un peu tout cela avant de venir mais sur place, tu réalises encore plus. En plus j’ai été blessé aux adducteurs entre la draft et le début de saison. Déjà que si j’avais pas eu ce pépin, ça aurait été dur mais là j’ai vite compris que ça serait la D-League. Une fois là bas, j’ai surpris les dirigeants. Ils ne pensaient pas je serais aussi énergique et efficace. Quand je suis revenu à Houston, j’ai remarqué que les regards sur moi avaient changé, comme s’ils s’étaient alors dit : « ah oui lui il sait faire des choses ». J’ai compris qu’il fallait prouver sur le parquet pour que les gens croient en toi. Etre allé en D-League m’a été beaucoup plus profitable que des entraînements où je ne suis même pas dans les dix. Au moins là-bas j’ai joué, fait des stats, on a parlé des moi, il y a eu des vidéos…
Mais mentalement tu l’as vécu comment ce passage obligé à l’échelon inférieur ?
Cela s’est plutôt bien passé car les dirigeants ont toujours été en contact avec moi, depuis le début. Après un bon match, ils m’envoyaient des textos pour me dire de continuer comme ça, qu’ils auront bientôt besoin de moi. Même le GM m’a envoyé des messages pour me féliciter et me montrer qu’il suivait mes performances. Ce sont quand même eux qui décident de l’équipe donc avoir leur soutien ça m’a vraiment bien aidé. J’ai senti qu’il y avait un vrai projet avec moi, qu’ils savaient pourquoi ils m’avaient drafté. Je suis content de cela, ça me met à l’aise.
Du coup quand tu réintègres l’effectif en NBA, tu te dis que tu vas enfin pouvoir jouer un peu plus ?
Oui et non… Je sais que le coach peut m’appeler et sortir du banc… Mais je sais aussi que je ne joue pas, si ce n’est quatre minutes par ci par là quand il n’y a pas d’enjeu. C’est dur mais je dois l’accepter. Je regrette surtout de ne pas avoir pu faire la pré-saison normalement, pour avoir les mêmes chances que les autres. Quand on voit qu’en un match de présaison c’est toute la saison de Tariq Black qui a changé, il fait un bon match, y a une interview sur lui et hop, c’est parti. Cela aurait pu être pareil pour moi, mais je n’ai pas pu en avoir l’opportunité. C’est mon principal regret.
Donc tu as fait une croix sur un temps de jeu cette saison ?
Oui, il faut être réaliste. En NBA, la rotation change uniquement en cas de blessure donc tant pis mais je préfère l’accepter. Je me dis que ça me permet d’avoir plus de temps pour m’adapter, c’est un nouveau pays pour moi.
Dans les trois mois qu’il reste en saison régulière, tu penses au moins pouvoir essayer de progresser ou c’est trop dur seulement en s’entraînant ?
Avec juste des entraînements c’est compliqué, surtout que je suis en bout de rotation et que ce sont des moitiés d’entraînement. Si un des gars des dix ne veut pas changer, bah tu ne joues pas… C’est mieux de jouer en D-League, au moins là-bas tu peux jouer des matches. Je ne dis pas que j’ai envie d’y retourner mais au bout d’un moment ça devient difficile de rester là sans rien faire. Je dois être patient et rigoureux, comme je l’ai été à Chalon il y a deux ans, quand Greg Beugnot me martyrisait aux entraînements (rire). Au moins je sais que j’ai la confiance des dirigeants. Parfois je me dis encore que je vais rentrer et faire des trucs de fou, mais sans temps de jeu c’est dur.
C’est encore un peu tôt ou tu sais déjà sur quel profil tu vas construire ton début de carrière ? Ton temps de jeu passe d’abord par la défense et le rebond ?
Au départ il vaut mieux confirmer sur ses qualités, et pour moi ce sont le rebond, le contre et l’activité défensive. C’est grâce à ça que mes coéquipiers vont prendre confiance en moi et me passeront ensuite la balle. Le jeu offensif ça ne peut être que dans un second temps, c’est comme que j’ai procédé à Chalon. Je vais faire pareil en NBA : consolider mes points forts pour ensuite me concentrer sur le reste et prendre des shoots à mi-distance.
Tu entends aussi profiter de cette fin de saison sans jouer pour observer et apprendre le jeu NBA ?
Oui, exactement. Débarquer ici n’a pas été facile au début. Donc oui j’en profite d’être sur le banc pour avoir la chance de bien regarder les autres joueurs et apprendre. Pour beaucoup je ne les voyais que dans les magazines ou la TV, j’ai cette chance là et j’en profite. Par exemple, face aux Clippers, j’ai bien observé Chris Paul et j’ai été impressionné par sa gestion du match. Avant j’étais très Stephen Curry mais là Chris Paul, j’ai vraiment compris pourquoi il était si fort. J’apprends de jour en jour car je suis un spectateur privilégié.
Propos recueillis à Los Angeles