Enfin ! C’est sans doute le mot qui est le plus revenu depuis l’annonce des Raptors de retirer le maillot de Vince Carter ce samedi 2 novembre. La franchise canadienne a traîné des pieds pour rendre hommage à son ancien arrière. Sans la décision des Nets de retirer le maillot du Hall of Famer en janvier 2025, peut-être que les dirigeants canadiens auraient encore attendu, préférant faire de Kyle Lowry le premier joueur honoré par la franchise.
Mais pourquoi avoir tant attendu alors que l’impact de « VC » au Canada et à Toronto semble si évident ? C’est la force du temps et aussi des highlights : ils font oublier les petites polémiques et les ressentiments. Car la fin de l’aventure à Toronto puis le départ de Vince Carter furent loin d’être agréables, pour le joueur comme pour la franchise et ses fans, comme le rappelait, il y a quelques années, la chaîne Secret Base dans une longue vidéo très détaillée.
2001, sommet et premières fissures pour le « Golden Boy » de la NBA
Et tout ne s’est pas cassé en décembre 2004, quand le transfert vers New Jersey est intervenu. Premier petit retour en arrière, en 2001, au moment où l’arrière est au sommet de sa popularité et de sa carrière sportive. Il faut se souvenir que, depuis son arrivée dans la ligue en 1998, tout sourit à l’arrière. Michael Jordan à la retraite, il est le nouveau phénomène, le nouveau chouchou avec son jeu hyper spectaculaire et ses dunks incroyables qui font le bonheur des Top 10.
Il devient vite très populaire, donc All-Star, remporte le concours de dunks en 2000 et les Raptors progressent, au point d’être en demi-finale de conférence en 2001, face aux Sixers. Une série légendaire où Allen Iverson et Vince Carter vont offrir un duel de haut niveau, jusque dans le Game 7. C’est la première cassure entre la star et la franchise.
Quelques heures avant le Game 7, le matin même, l’arrière souhaite aller chercher son diplôme universitaire obtenu à North Carolina. Même si c’est un court déplacement en avion, cela reste un voyage à effectuer avant le match le plus important de sa carrière. Une décision plus ou moins comprise par ses coéquipiers – « je m’en fous » dira le joueur – qui prendra une tournure plus importante et négative quand les Raptors s’inclineront dans ce match décisif, après le shoot à la dernière seconde manqué par… Vince Carter. Les regrets seront éternels pour les joueurs et les fans des Raptors.
Néanmoins, la franchise canadienne semble sur la bonne voie et dans la foulée de cet exercice réussi, elle prolonge sa star. C’est le début des ennuis. Vince Carter se blesse et manque 22 matches durant la saison 2001/02, les Raptors régressent (l’arrivée d’un vieillissant Hakeem Olajuwon n’y changeant rien) et ils sortent dès le premier tour. Les critiques reviennent concernant « VC », qui ne serait pas un leader. Et ce n’est pas la saison suivante qui va les éteindre.
Des attitudes douteuses, sur et en dehors des terrains
Il est encore plombé par les blessures : il ne joue que 43 matches… Deux ans après sa prolongation de 94 millions de dollars sur six ans, le joueur a donc seulement disputé 103 matches, dont aucun en playoffs, et des doutes sur son hygiène de vie et son envie de travailler émergent. Surtout, en plus de ne pas être sur le parquet avec ses coéquipiers, des attitudes dérangent. On le voit notamment danser lors d’un concert du chanteur Nelly en novembre, pendant que ses coéquipiers prennent 25 points contre les Hawks.
La fracture la plus nette intervient après la saison 2003/04, encore très décevante avec 33 succès et des vacances dès le mois d’avril. Vince Carter est mécontent du président des Raptors, Richard Peddie, car aucun All-Star n’est recruté pour renforcer l’équipe qui patine depuis la demi-finale de conférence en 2001. Et l’arrivée du rookie Chris Bosh n’a pas emballé Carter. Dès lors, durant l’été, le joueur et son clan demandent un transfert, qui sera assumé publiquement quelques semaines après, en septembre.
« C’est le moment pour dire la vérité : je veux être transféré. Je suis prêt pour cela. Cela n’a rien à voir avec les fans ou avec la ville, c’est simplement le moment de m’occuper de moi. C’est le moment d’avancer », explique le joueur, toujours All-Star saison après saison malgré les années ratées des Raptors.
Comme le transfert n’est pas effectué avant la reprise, Sam Mitchell, qui connaît sa première expérience sur le banc lors de cette saison 2004/05, doit composer avec ce dossier brûlant. Tellement que les deux hommes, début novembre et à Portland, en viennent aux mains selon la version de Jalen Rose. Le coach ayant reproché à son joueur d’être souvent blessé, ce que ce dernier n’a pas apprécié. Ambiance…
Vince Carter avoue qu’il n’a pas tout donné aux Raptors…
Forcément, avec une demande de transfert dans le dos, l’ancienne idole de Toronto est sifflée par ses propres fans, et elle se permet même, à Seattle, de donner les systèmes de son équipe aux joueurs adverses dans une fin de match serrée ! Une rencontre perdue par les Raptors d’un petit point. Le 8 décembre 2004, pour conclure ces premières semaines de compétition assez catastrophiques sur le fond comme sur la forme, il se blesse au tendon d’Achille à Detroit.
Plus du tout motivé et déterminé à quitter le Canada, avant sa blessure, ses performances avaient chuté de manière significative avec seulement 15.9 points de moyenne à 41% de réussite au shoot et même quatre matches (dont celui où il se blesse contre les Pistons) terminés avec 5 petits points ou moins…
Finalement, les Raptors transfèrent Vince Carter à New Jersey le 17 décembre 2004, pour une contrepartie très, très maigre pour un All-Star confirmé de quasiment 28 ans : Eric Williams, Aaron Williams et Alonzo Mourning (qui ne portera jamais le maillot canadien), plus deux premiers tours de Draft (2005 et 2006). Le joueur était blessé au moment du transfert et les joueurs échangés ne sont pas à la hauteur, des preuves assez claires qu’il fallait acter ce divorce, tant la situation était devenue intenable.
Dernier clou pour fermer le cercueil : après son transfert vers les Nets, Vince Carter donne un entretien à John Thompson. Ce dernier lui pose cette question : « Penses-tu que Vince Carter s’est autant donné à fond qu’il aurait dû le faire ? » Voici la réponse du joueur : « Sur les dernières années, non. J’ai eu la chance d’avoir du talent, donc on est gâté quand on peut faire plein de choses sans vraiment travailler. Désormais, je pense qu’avec les blessures et les choses que j’ai traversées, je dois travailler plus dur. » Sachant que son propos ferait polémique auprès des fans des Raptors, le joueur dira évidemment que la phrase a été sortie de son contexte. Mais le mal est fait et les mots sont dits.
Vingt ans pour digérer le divorce
La suite est connue. Carter retrouvera des couleurs et les playoffs avec les Nets. Il affrontera et éliminera même les Raptors au premier tour des playoffs en 2007. La franchise canadienne mettra plus d’une décennie après ce transfert pour passer à nouveau un premier tour de playoffs, avant ensuite d’être au sommet de la NBA en 2019 avec Kawhi Leonard et Kyle Lowry. Celui qui fut surnommé « Vinsanity », lui, ne gagnera jamais le titre avant sa retraite en 2020, après 22 saisons dans la NBA.
On l’a donc vu, ce divorce fut long et pénible. Avec le temps, les mémorables images de Vince Carter à Toronto ont permis d’effacer les comportements douteux, les blessures et les échecs du joueur entre 2001 et 2004. Si la franchise de Toronto a mis tant d’années pour honorer son ancienne star, ce n’est pas dénué de sens, vu le passif entre les deux camps. Même si, dans le même temps, il ne faut pas oublier qu’il a mis les Raptors sur la carte au début des années 2000. Ce qui restera le souvenir le plus fort et sera, à l’évidence, le centre de la cérémonie de ce samedi soir.