Entre canapés, plateaux de charcuterie et de fromages, ainsi que les bruits de fonds de salle de gym alors qu’une salle de musculation était improvisée dans la zone mixte, Vincent Collet est revenu sur la victoire écrasante (96-46) de la France face à la Turquie, en ouverture de la préparation des Bleus.
Plus que l’écart final, qui n’est qu’anecdotique, le sélectionneur tricolore se félicitait de la progression de sa troupe, notamment sur ses principes de jeu prioritaires, à savoir la défense, la relance et le mouvement de ballon. Et puis, évidemment, on ne pouvait pas ne pas parler de la prestation de Victor Wembanyama, déjà brillant.
« Je n’ai pas encore totalement ma liste en tête »
Vincent, qu’avez-vous pensé de ce premier match de préparation qui lance la campagne olympique, face à une équipe de Turquie assez faiblarde ?
Ce n’est pas l’écart qui m’intéresse évidemment ce soir, car il est toujours fonction de l’adversité. Malgré tout, ça va dans les deux sens. Sur les 46 points qu’ils ont marqués, il y en a 20 qui l’ont été aux lancers francs. Ils ont seulement réussi 11 tirs sur 50, ce n’est pas souvent qu’on arrive à un tel total. Le plus important, c’était de vouloir tout de suite afficher notre identité. Ça fait maintenant six jours qu’on travaille tous ensemble, et un peu plus avec les autres, mais depuis le début, on a une obsession, c’est de construire une défense qui soit hors norme. Ce soir, c’était un premier pas, mais il faudra encore s’améliorer bien sûr, faire mieux et il y a matière pour le faire. Dans notre identité, il n’y a pas que la défense, il y a aussi la relance, on a marqué 43 points de relance, c’est beaucoup ! L’adversaire y était pour beaucoup aussi, mais on a une volonté de se projeter vers l’avant, avec des transferts de balles rapides, même sur la transition, qui ont produit beaucoup de choses efficaces, on va continuer dans cette direction-là. Et puis, même dans un match réussi, il y a des choses moins bien. Nos mises en place sont parfois trop lentes, et face à des équipes plus agressives défensivement, ce sera un vrai problème. C’est pas toujours le cas, ça dépendait des cinq. En tout cas, c’est un axe de travail. Celui-ci était un match un peu à part, à partir de samedi, on va avoir droit à cinq matchs très haut de gamme, dont ce match face aux champions du monde qui sera d’un tout autre calibre.
Est-ce que vous avez déjà en tête les noms des joueurs qui vont être retenus pour la suite de la prépa, ou est-ce que ce match fait encore partie du processus de sélection ?
Non, je n’ai pas encore [ma liste] en tête. Je l’ai un peu plus maintenant, mais je ne l’ai pas totalement quand même. Le match de samedi sera très important, et les entraînements. Nos derniers entraînements depuis vendredi ont été très intenses. Pas tous. On met des couleurs par degré d’intensité, et on a eu un minimum par jour qui est d’intensité rouge. C’est là qu’on observe beaucoup de choses, au même titre qu’un match comme celui de ce soir. C’est bien sûr pour ça qu’on a beaucoup fait tourner les arrières, car c’est sur ce secteur que les discussions vont bon train. On a des éléments d’enseignements importants, pas simplement qui joue bien, qui joue moins bien, mais c’est lié à notre identité. On évalue les joueurs prioritairement sur ses aspects-là. Sur la défense certes mais aussi sur le mouvement de ballon. Je parlais récemment des « 50 swings », il faut que la balle bouge…
Vous avez beaucoup testé de cinq différents, au moins deux complètement différents à chaque quart-temps, qu’est-ce que vous souhaitiez observer en particulier ?
Ce qui nous importe beaucoup, c’est le fonctionnement des cinq, la dynamique, et clairement, le premier cinq [composé de Matthew Strazel, Isaia Cordinier, Bilal Coulibaly, Victor Wembanyama, Rudy Gobert], ça correspond totalement à ce que je souhaite voir pour cette Équipe de France cet été. C’est l’impression visuelle que ça doit donner, et même si on a raté des tirs, des actions de finition, ce n’est pas important. Le plus important maintenant, c’est ce qu’on met en place, qu’on colle au texte. Je parlais de swings (des transferts de côté), de relances, c’est une exigence. On n’a pas fait un seul entraînement sans un exercice de relance, pour vous dire à quel point c’est important à mes yeux, pour que tout le monde s’en imprègne. Je pense que ça correspond à notre profil d’équipe. On a vu les envolées de Coulibaly en deuxième mi-temps. Et ce n’est pas le seul. On a plusieurs arrières – ailiers qui ont cette capacité de franchissement sur le jeu ouvert. Dans les choses à améliorer, notre rampe de lancement a été hésitante, on a encore tergiverser alors qu’on avait des bons rebonds.
« Au niveau de la couverture d’espace, d’avoir les deux, c’est du jamais-vu ! »
Qu’avez-vous pensé de la prestation du duo Wembanyama – Gobert, et ce, des deux côtés du terrain, car on a vu des relations intéressantes pour mettre le ballon sous le cercle entre les deux hommes ?
C’est évident pour tout le monde que leur association défensive ne pose pas de problème. La question se posait davantage en attaque car ce n’est pas facile de jouer avec deux très grands mais Victor a la capacité à s’écarter. Surtout, il a montré ce soir sa capacité à passer. Rudy a bénéficié de ses services en début de match. Au niveau défensif, de la couverture d’espace, d’avoir les deux, c’est évidemment très bénéfique, c’est même du jamais-vu ! Même quand l’un sort loin du panier, l’autre le protège. C’est d’autant plus efficace que les trois extérieurs chassaient le porteur de balle et l’amenaient vers le piège. D’où l’importance de la pression et de la qualité défensive des extérieurs. Notre défense ne sera exceptionnelle que si les extérieurs apportent leur contribution pour harasser l’adversaire. C’est aussi un travail de sape.
Quels aspects du jeu allez-vous scruter dans la double confrontation à venir contre l’Allemagne, qui est d’un tout autre niveau ? Parmi ceux-ci, est-ce que la passe à l’intérieur ne serait pas un objectif ?
On ne va rien ajouter de plus, on va jouer avec les mêmes formes. On veut plutôt continuer à établir notre identité, sur des choses simples. Vous l’avez remarqué, sur les premières actions du match, on a effectivement eu cette recherche, dans la relation du poste haut au poste bas. On devra montrer que c’est un point fort, avec Mathias aussi qui nous l’a montré à l’entraînement. Même si on va jouer à fond, ça va être une partie de poker menteur. On va jouer des choses simples, basiques mais sur l’intensité, ça va être intéressant. L’Allemagne a beaucoup d’atouts sur le registre offensif, donc ça va être intéressant de voir comment notre défense peut les contrôler et les limiter.
Qu’avez-vous pensé de la performance de Victor Wembanyama, auteur de 24 points et omniprésent au cercle, avec cinq alley-oops spectaculaires qui ont fait vibrer le public de la Kindarena à guichets fermés ?
Il est capable d’aller chercher des ballons où personne d’autre peut aller ! C’est un joueur extraordinaire. On a mis en place des systèmes simples où on fait des écrans dans le dos pour le libérer et ça devrait le libérer lui, mais aussi d’autres joueurs. Mais si on parle de ses alley-oops et ses actions spectaculaires, ce qui m’a le plus plu, c’est son entame de match, le sérieux. Il n’a pas du tout cherché à briller, il l’a fait parce qu’il est très fort et il finit par faire des actions d’éclat. Son début de match, c’était beaucoup de passes, beaucoup de patience, c’est ce Victor-là qui peut nous amener très loin.
Propos recueillis à Rouen