Son histoire avec les SuperSonics n’aura duré que deux ans, entre 1993 et 1995, entre deux passages chez les Hornets en début de carrière, mais Kendall Gill n’a que de bonnes choses à dire sur la ville de Seattle et ses fans.
Privée de NBA depuis le déménagement forcé à Oklahoma City en 2008, la Cité émeraude mérite qu’on la lui rende selon l’arrière retraité, qui s’est ouvert sur les raisons de son malaise durant sa courte carrière à Seattle, entre sa relation compliquée avec George Karl et ses problèmes de santé, qu’il révèle pour la première fois avec autant de franchise.
« C’est pour ça qu’on jouait si dur cette saison-là, parce qu’on adorait nos jours de repos ! »
À son arrivée, dans un échange contre Eddie Johnson, Dana Barros et un premier tour de draft 1994 (un sacré package quand on y repense), Kendall Gill est attendu comme la dernière pièce du puzzle pour ainsi dire. Les Sonics sont des prétendants au titre alors que Michael Jordan est en train de s’essayer au baseball et le GM, Bob Whitsitt, se frotte les mains d’avoir pu échanger « une paire de role players contre une star ».
Il faut dire que le très élégant scoreur formé à Illinois est au sommet de la hype, lui qui sort de playoffs 1993 particulièrement convaincants à 17 points, 5 rebonds, 3 passes de moyenne (mais seulement 17% à 3-points), en battant Boston au premier tour avant de tomber face aux Knicks en cinq manches en demi-finale de conférence.
« À l’époque, j’étais jeune, je voulais jouer dans une grande ville. Et c’est pour ça que j’ai quitté Charlotte », explique Kendall Gill dans le podcast Iconic Sonics. « Mais, avec le recul maintenant, je ne ferais pas le même choix. Je jouais avec Larry Johnson, Alonzo Mourning, Mugsy Bogues, Dell Curry, on venait de pousser les Knicks à cinq matchs en playoffs. On était une équipe qui monte. Mais j’étais jeune et j’ai voulu aller voir ailleurs, sans vraiment savoir ce que je laissais derrière moi. Heureusement pour moi, j’atterrissais dans une autre bonne situation à Seattle parce qu’ils avaient une grosse équipe, prête à jouer le titre. Avec Shawn Kemp, Gary Payton, Ricky Pierce, Sam Perkins, Vincent Askew, Michael Cage et tous ces gars. Je ne les connaissais pas tous mais j’ai vite appris à les connaître, et surtout à comprendre qu’ils avaient la meilleure équipe de la Ligue à ce moment-là. Je me suis adapté et j’ai essayé de m’intégrer. C’était vraiment bien la première année. »
Avec 14 points, 3 rebonds, 3 passes et 2 interceptions de moyenne, Kendall Gill réussit effectivement son adaptation à sa nouvelle équipe, qui roule sur la saison régulière avec un bilan mastoc de 63 victoires pour 19 défaites au total, dont 26 victoires sur leurs 29 premières tentatives !
« On avait gagné 63 matchs cette saison. On en était arrivé au stade où le staff nous donnait des objectifs à chaque match. Si on tenait l’adversaire à moins de 85 points, on avait droit à un jour de repos ! Si on marquait plus de 121 points, on avait un jour de repos ! C’est pour ça qu’on jouait si dur cette saison-là parce qu’on adorait nos jours de repos [rires] ! Si on faisait le boulot sur le terrain, on pouvait se reposer ! Mais c’était génial de pouvoir jouer avec Gary et Shawn, deux des meilleurs joueurs avec lesquels j’ai joués dans ma carrière. Il y avait une telle excitation dans la salle, c’était toujours à guichets fermés, avec un public super bruyant et réactif. Tous ces matchs sur les chaînes nationales. Cette année-là, on était vraiment considéré comme les favoris pour le titre. »
« Quand ça frappait, j’avais six ou sept migraines par jour ! »
Mais après une sortie catastrophique au premier tour des playoffs aux mains des Nuggets de Dikembe Mutombo, un « upset » retentissant avec le n°1 qui tombe d’entrée de jeu, Kendall Gill va entamer sa descente aux enfers à Seattle.
Trop jeune et impétueux, il se prend fréquemment la tête avec George Karl qui n’apprécie guère certaines de ses habitudes de « diva ». De même, s’il s’entend bien avec les deux stars, Kemp et Payton, au début du moins, le courant ne passe clairement pas avec Detlef Schrempf, arrivé en même temps que lui à l’été 1993.
« Ma relation avec George n’est toujours pas au beau fixe. Bien après ma retraite, on s’était croisé et on s’était serré la main. Je m’étais excusé de certaines choses qui sont arrivées durant ma deuxième année à Seattle. Je pensais qu’on avait enterré la hache de guerre. Mais il a écrit un bouquin dans lequel il m’a décrit comme un mauvais coéquipier, ce qui m’a fait mal. D’autant plus qu’il m’avait lui-même dit, quand je jouais pour lui, que j’étais trop altruiste pour être une superstar. Je ne comprends pas comment je peux être un mauvais coéquipier si je suis trop altruiste… J’ai un ressenti différent de celui que j’avais à 24 ans vis-à-vis de George, mais je peux vous dire qu’on ne s’est toujours pas assis à la même table pour partager un repas. »
Avec les années et l’expérience, Kendall Gill reconnaît maintenant aisément qu’il aurait davantage dû profiter de la nature autour de Seattle, mais aussi de visiter la ville et ses alentours. Le souci, c’est qu’il souffrait en silence, et en coulisses, d’un trouble de santé rare, les céphalées en grappe.
C’est un mal de tête violent, avec des attaques qui peuvent durer de 15 minutes à 3 heures et se produisent tous les jours ou pratiquement tous les jours pendant des semaines ou des mois. Tout un programme…
« Les gens ne le savent pas mais je souffre de céphalée en grappe. J’en ai souffert entre l’âge de 10 ans et jusqu’à ma dernière année en NBA », révèle Kendall Gill. « C’était saisonnier. J’avais un épisode en automne, un autre en hiver, un autre au printemps et parfois en été. Quand ça frappait, j’avais six ou sept migraines par jour ! Ces migraines sont insupportables. Ma première année, j’habitais à Bellevue [à Seattle], la deuxième, j’avais déménagé en centre ville dans un appartement. J’étais à l’appartement et je prenais de l’Imitrex en piqures. Normalement, on ne peut en prendre que deux par jour. Et cette fois-là, j’en étais à six ou sept par jour pour essayer d’éliminer ces maux de tête. Mais c’était encore pire. À un moment donné, j’ai passé trois jours sans pouvoir dormir. J’étais éreinté. Je me souviens d’aller au Tacoma Dome [où évoluaient les Sonics en 1994-95 pendant les travaux de la future KeyArena], et je m’endormais au volant parce que je n’en pouvais plus. J’ai fini par appeler le syndicat des joueurs pour leur expliquer ma situation et ils m’ont conseillé de faire un break. Je ne pensais pas que c’était de la dépression, je l’ai reconnu plus tard, mais pour moi c’était simplement un très mauvais épisode de mes crises de migraine. Au final, j’ai dû passer une semaine et demie au repos. J’avais encore des maux de tête mais je pouvais au moins dormir normalement. »
« Je ne voulais pas que les gars me considèrent comme quelqu’un de faible »
Après une première saison à 77 titularisations, Kendall Gill était plus souvent qu’à son tour sur le banc pour sa deuxième campagne avec les Sonics. Son secret médical étant de plus en plus lourd à porter : « Il n’y avait que le préparateur physique qui le savait, personne d’autre ! »
« Je ne voulais pas que les gars me considèrent comme quelqu’un qui est faible, qui est toujours malade et sur qui on ne peut pas compter. C’est comme ça qu’on se comporte et qu’on se considère quand on est un athlète de haut niveau qu’on imagine toujours fort et costaud. J’ai donc toujours essayé de gérer ces maux de tête par moi-même. Jusqu’à ce qu’ils deviennent trop forts pour moi… »
Comme à Charlotte qu’il a quittée en en entraînant indirectement l’implosion, Kendall Gill va abandonner les Sonics dans un nouvel échange, contre Hershey Hawkins cette fois. Pour le succès qu’on connaît à Seattle futur champion de l’Ouest, mais finaliste malheureux face aux Bulls de Michael Jordan (à 72 victoires en saison régulière).
Toujours recordman du nombre d’interceptions sur un match, avec onze, Kendall Gill se souvient malgré tout de ses années à Seattle avec un petit pincement au coeur. Malgré les maux de tête, chez lui ou au centre d’entraînement, il a vécu de grands moments de bonheur, et un paquet de victoires (120 pour 44 défaites en deux saisons) avec les Sonics.
« Que ce soit Zach LaVine ou Jamal Crawford et la nouvelle génération qui arrive [Kevin Porter Jr., Paolo Banchero], ce sont des gars qui se sont pris d’amour pour le basket parce qu’il y avait les Sonics. Le souvenir du Reignman, le souvenir du Glove, tout ça va toujours exister à Seattle. Ça ne va jamais disparaître. D’autant que Shawn vit encore là-bas. L’un des plus grands joueurs des Sonics vit encore en ville, ça mérite d’être dit ! »
Kendall Gill | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
1990-91 | CHA | 82 | 24 | 45.0 | 14.3 | 83.5 | 1.3 | 1.9 | 3.2 | 3.7 | 2.3 | 1.3 | 2.0 | 0.5 | 11.1 |
1991-92 | CHA | 79 | 37 | 46.7 | 24.0 | 74.5 | 2.1 | 3.0 | 5.1 | 4.2 | 3.0 | 2.0 | 2.3 | 0.6 | 20.5 |
1992-93 | CHA | 69 | 35 | 44.9 | 27.4 | 77.2 | 1.7 | 3.2 | 4.9 | 3.9 | 2.8 | 1.4 | 2.5 | 0.5 | 16.9 |
1993-94 | SEA | 79 | 31 | 44.3 | 31.7 | 78.2 | 1.2 | 2.2 | 3.4 | 3.5 | 2.5 | 1.9 | 1.8 | 0.4 | 14.1 |
1994-95 | SEA | 73 | 29 | 45.7 | 36.8 | 74.2 | 1.4 | 2.6 | 4.0 | 2.6 | 2.6 | 1.6 | 1.9 | 0.4 | 13.7 |
1995-96 * | All Teams | 47 | 36 | 46.9 | 32.9 | 78.4 | 1.5 | 3.4 | 4.9 | 5.5 | 2.8 | 1.4 | 2.8 | 0.5 | 14.0 |
1995-96 * | CHA | 36 | 35 | 48.1 | 31.5 | 76.1 | 1.6 | 3.7 | 5.3 | 6.3 | 2.8 | 1.2 | 3.1 | 0.6 | 12.9 |
1995-96 * | NJN | 11 | 38 | 44.1 | 36.0 | 83.1 | 1.5 | 2.5 | 3.9 | 3.2 | 2.7 | 2.0 | 1.9 | 0.2 | 17.5 |
1996-97 | NJN | 82 | 39 | 44.3 | 33.6 | 79.7 | 2.2 | 3.9 | 6.1 | 4.0 | 2.7 | 1.9 | 2.7 | 0.6 | 21.8 |
1997-98 | NJN | 81 | 34 | 42.9 | 25.7 | 68.8 | 1.4 | 3.4 | 4.8 | 2.5 | 3.3 | 1.9 | 1.5 | 0.8 | 13.4 |
1998-99 | NJN | 50 | 32 | 39.8 | 11.8 | 68.3 | 1.2 | 3.7 | 4.9 | 2.5 | 3.2 | 2.7 | 1.4 | 0.5 | 11.8 |
1999-00 | NJN | 76 | 31 | 41.4 | 25.6 | 71.0 | 1.1 | 2.6 | 3.7 | 2.8 | 2.8 | 1.8 | 1.2 | 0.5 | 13.1 |
2000-01 | NJN | 31 | 29 | 33.1 | 28.6 | 72.2 | 1.0 | 3.2 | 4.2 | 2.8 | 2.1 | 1.5 | 1.6 | 0.2 | 9.1 |
2001-02 | MIA | 65 | 22 | 38.4 | 13.6 | 67.7 | 0.5 | 2.4 | 2.8 | 1.5 | 2.1 | 0.7 | 0.9 | 0.1 | 5.7 |
2002-03 | MIN | 82 | 25 | 42.2 | 32.2 | 76.4 | 0.6 | 2.4 | 3.0 | 1.9 | 2.2 | 1.0 | 1.3 | 0.2 | 8.7 |
2003-04 | CHI | 56 | 25 | 39.2 | 23.7 | 73.5 | 1.1 | 2.3 | 3.4 | 1.6 | 1.9 | 1.2 | 1.5 | 0.3 | 9.6 |
2004-05 | MIL | 14 | 20 | 40.0 | 33.3 | 90.0 | 0.8 | 1.9 | 2.6 | 1.9 | 2.6 | 1.0 | 0.6 | 0.3 | 6.1 |
Total | 966 | 31 | 43.4 | 30.0 | 75.4 | 1.3 | 2.8 | 4.1 | 3.1 | 2.6 | 1.6 | 1.8 | 0.5 | 13.4 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.