Il n’y avait pas de panique dans la voix et dans les mots de Stephen Curry et Draymond Green jeudi soir. Malgré un dernier quart-temps complètement raté qui avait permis aux Celtics de prendre le contrôle de la série avec autorité, les deux leaders des Warriors étaient calmes. Ils l’étaient de nouveau lors de l’entraînement samedi. Ils l’étaient tellement qu’on pouvait se demander si ce ne s’était pas seulement une façade.
Les deux joueurs ne sont pas toutefois pas nés de la dernière pluie. C’est leur sixième NBA Finals ensemble. Ils ont connu tous types de scénarios en playoffs. Ils ont vu et battu tous types d’adversaires. Ce calme n’est donc pas une simple posture. Leur expérience leur permet d’avoir du recul sur ce premier revers alors que beaucoup voyaient les Warriors en grand danger.
Un calme contagieux
Stephen Curry et Draymond Green ont aussi conscience que la plupart de leurs coéquipiers ne possèdent pas la même expérience qu’eux. Comme le disait l’ailier fort après la qualification en finale, les jeunes joueurs suivent son exemple. S’il joue avec confiance, le reste de l’effectif fera de même. S’il reste impassible après une défaite rageante, son équipe prendra exemple sur lui et sur Stephen Curry.
Ce calme cache toutefois une détermination à toute épreuve. Stephen Curry avouait même ne pas avoir bien dormi après la défaite du Game 1. Draymond Green était lui dans l’auto-critique. Au lieu de se laisser consumer par leur frustration, les deux acolytes ont redoublé d’intensité, de rigueur, et de calme pour mener les Warriors vers une victoire impressionnante de force et de maitrise.
« Steph Curry donne le ton en attaque, et c’est à moi de faire de même en défense, et je voulais m’assurer qu’on démarre le match de la meilleure des façons, » explique Draymond Green, qui est allé prendre la balle dans les mains d’Al Horford sur la première possession du match pour forcer un entre-deux.
Curry n’était pas surpris. Il savait avant tout le monde que la tornade Green allait arriver.
« Cinq minutes après le Game 1, » dit-il. C’est à ce moment qu’il a su. « Juste par ce qu’il avait dit et ce qu’il avait montré. Il savait ce qu’il avait à faire. Ce genre de choses n’apparait pas forcément sur la feuille de stats mais vous ressentez sa présence, son intensité. L’adversaire aussi, et c’est contagieux. »
Draymond Green et l’intensité défensive
Kenny Atkinson nous l’avait dit à demi-mot samedi : les Warriors étaient satisfaits de leur plan de jeu, à l’exception de quelques ajustements tactiques et surtout d’un besoin d’être plus dur, plus physique, et plus intense. « Nous devions être plus concentrés et jouer le rôle de l’agresseur, et je pense que nous l’avons dès les premières minutes, » confirmait Steve Kerr. « Draymond a été énorme pour nous dans ce domaine. »
L’un des ajustements fut de mettre Draymond Green sur Jaylen Brown et de décaler Klay Thompson sur Al Horford. Ce choix tactique a neutralisé le pivot dominicain, qui n’a pris que quatre tirs, dont aucun à 3-points. Si Brown a démarré fort, marquant 4 de ses 6 premiers tirs, l’intensité de Green a fini par l’user.
« Draymond a donné le ton avec son agressivité physique sur Jaylen Brown, » lançait Kevon Looney. « Il a mis le feu en défense. Et quand il fait ça, tout le monde le suit. On ne pouvait pas aller à Boston menés 2-0, c’était un gros match pour nous, et toute le monde a répondu présent, » décrivait Gary Payton II, de retour cette nuit dans la rotation de Golden State pour la première fois après sa fracture du coude lors du Game 2 contre Memphis.
En bon leader, Green a toutefois tenu à souligner l’effort réalisé par ses coéquipiers de ce côté du terrain. Looney, Wiggins, Payton, Curry, et même Klay Thompson et Jordan Poole, pourtant en délicatesse avec leurs tirs, ont tous relevé le défi.
« Tout le monde a été plus dur. Ce n’était pas juste moi, c’était toute le monde. Si je suis le seul à être plus intense, ça ne marchera pas, » résume-t-il ainsi. « C’est un effort collectif. Les gars étaient prêts à venir aider et ils ont tenu leur un contre un. »
Cette performance défensive a vraiment pris sa source en deuxième quart-temps. Les Warriors ont limité Boston à 20 points à 7 sur 24 aux tirs. L’attaque a alors suivi après la pause pour les aider à prendre le large.
Stephen Curry, le maestro
Depuis le début de la série et malgré une défense constamment focalisée sur lui, Stephen Curry parvient à trouver les brèches pour faire payer l’agressivité de Marcus Smart et des aides qui arrivent lorsqu’il attaque la raquette. Alors que Klay Thompson et Jordan Poole étaient aux abonnés absents en première mi-temps, Curry a lui réussi à marquer 15 points, tout en jouant juste.
« Il a été incroyable dans ses prises de décisions. Il a joué sans ballon. Il n’a pas pénétré dans le trafic. Il a pris ce que la défense lui a donné. Lors des six premières minutes, il était à 0 point mais il ne forçait rien, » raconte Draymond Green. « Il a laissé le jeu venir à lui et nous avons tous suivi son exemple. »
Cette patience s’est transformée en un nombre minime de balle perdue pour Stephen Curry (2), mais également pour le reste des ses coéquipiers (12 au total). Le double MVP a haussé le ton en troisième quart temps et la pression qu’il a mis sur la défense des Celtics a fini par faire craquer leur défense.
« Steph était à couper le souffle dans ce troisième quart temps, » disait même Steve Kerr après la rencontre. À l’instar de Draymond Green, l’intéressé préférait lui relativiser sa performance, préférant mettre sa justesse sur le coup de son expérience et d’une connaissance parfaite de son rôle et de l’influence qu’il a sur le jeu de son équipe.
« Cette saison, je me dois d’être agressif pendant tout le match. Je dois créer, je dois attirer l’attention, me procurer des tirs, et plus que tout continuer de mettre la pression sur la défense, » explique-t-il. « Depuis le début de la série, quand je fais le nécessaire, soit on s’est procuré de bons tirs, soit la balle continue de circuler et ça a aidé notre attaque à se mettre en place, particulièrement ce soir. Et quand on prend de bons tirs, qu’on ne perd la balle, ça aide notre défense. On va voir comment ça va évoluer à l’extérieur mais pour l’instant ça fonctionne bien. »
C’est exactement ce qui s’est passé en troisième quart-temps. Les Warriors ont cherché, plus que d’habitude, des matchups avantageux lui permettant d’attaquer Robert Williams ou Al Horford. Le double MVP a mené la danse pendant tout le quart-temps, marquant 14 points dont trois tirs primés qui ont permis à Golden State de mettre la tête des Celtics sous l’eau alors qu’ils essayaient de rester en embuscade.
« Il sait que par moment, il doit sacrifier ses tirs pour nous trouver, et ce soir il a trouvé l’équilibre parfait »
Malgré tous les trophées et les records glanés par le meneur des Warriors, on continue de le sous-estimer. Contrairement à un LeBron James ou un Giannis Antetokounmpo, il existe une recette pour ralentir Curry. Les Grizzlies, les Cavs, et bien d’autres, ont montré qu’en étant extrêmement physique avec lui et en essayant de le trapper avec de grands gabarits, il peut avoir du déchet. Les Celtics ont l’effectif idéal pour mettre en place de genre de stratégie et pourtant Curry continue de poser son empreinte sur cette série.
« Ce n’est pas nouveau. Ça fait des années que nos adversaires essaient de le défendre comme ça, et nous savons comment aborder ce genre d’approche, » soupire Kevon Looney. « Il est beaucoup plus costaud qu’avant. Il est en rythme. Il sait que par moment, il doit sacrifier ses tirs pour nous trouver, et ce soir il a trouvé l’équilibre parfait. »
Avec un effectif différent des années précédentes et un Klay Thompson en difficulté après deux matchs, Stephen Curry se sert de l’expérience qu’il a emmagasinée ces deux dernières saisons pour trouver le juste milieu pour le bien de l’équipe.
« C’est une accumulation des deux dernières années et le fait de comprendre que cet équilibre est différent, » explique-t-il. « Le scoring, la création, j’essaie de garder le contrôle, d’être calme, de lire le jeu, de sentir le rythme du match, et jouer en conséquence. Je peux me servir de toute l’expérience acquise entre 2015 et 2019, et lors de ses deux dernières années pour faire les bons choix. »
Curry – Green, un duo complémentaire
À travers Stephen Curry et Draymond Green, les Warriors sont sûrs de leur force. Ils connaissent leur identité, ils établissent le standard à suivre par le reste de leurs coéquipiers. Le calme projeté après le Game 1, la détermination partagée avant le Game 2, et cette intensité et concentration démontrées cette nuit ont donc servi de baromètre à Golden State.
« Personne n’a paniqué. Tout le monde était sur la même longueur d’onde, et on savait que si on jouait notre jeu, nous pouvions reprendre le contrôle de la série. Ce n’est par encore fait, mais nous nous sommes mis dans une situation qui doit nous permettre de le faire, et c’est ça qui est important, » finissait Draymond Green, faisant référence au besoin de gagner l’un des deux prochains matchs à Boston pour récupérer l’avantage du terrain. « C’était à moi d’envoyer ce message. Et les gars ont suivi, en particulier en défense. Si je n’envoie pas ce message, qui peut le faire ? »
Stephen Curry et Draymond Green sont le yin et le yang de Golden State. Leur façon de mener leurs troupes est complémentaire. Curry est la force tranquille, donnant l’exemple tous les jours sans avoir besoin de beaucoup parler. Green amène lui le côté émotionnel. C’est le feu, l’âme de l’équipe. Ils se connaissent sur le bout des doigts et cette connivence rend les Warriors quasi imbattable depuis huit ans.
« On aurait pu mettre Draymond sur Coach Udoka, et vu comment il a entamé le match, ça aurait quand même changer la donne, » rigole Curry.
Les sourires étaient de mise après la victoire dans le Game 2, mais ils ont vite laissé place à un calme familier. Stephen Curry et Draymond Green sont en mission, et le reste des Warriors est au garde à vous.
Propos recueillis à San Francisco.