Dans sa quatrième année en NBA, Bogdan Bogdanovic (1m98, 28 ans) découvre enfin les playoffs. Enterré par la force des choses chez les Kings sans couronne de Sacramento, le sniper serbe a bien failli atterrir chez les Bucks à l’intersaison, mais ce sont finalement les Hawks qui ont réussi à le signer au dernier moment. Une sacrée aubaine !
Avec les Hawks, Bogdanovic n’a pas connu une première saison de tout repos, à cause de la pandémie évidemment, mais aussi à cause d’une blessure au genou qui l’a plombé dès le début de saison. Son baptême du feu passé avec réussite, Bogdanovic revit dans l’atmosphère brûlante des playoffs NBA. Comme le souffle un scout anonyme : « Il est fait pour les playoffs » !
Elevé à la dure au Partizan
On ne saurait lui donner tort tant celui qui porte le sobriquet de « Leader of Horde » sur les réseaux sociaux est un vrai patron, et un gagneur avant tout. Meneur de la très jeune troupe du Partizan entre 2010 et 2014, où figuraient notamment les Français Léo Westermann et Joffrey Lauvergne, Bogdanovic a grandi en remplissant chaque saison un peu plus son armoire à trophées.
Pour sa première étape professionnelle à Belgrade, il a ainsi remporté quatre titres de champion de Serbie, en plus des récompenses de meilleur joueur serbe, de meilleur arrière, et plus important, celui de MVP des playoffs en tournant à 30 points de moyenne en 2014.
A côté de ça, il a aussi soulevé deux trophées en Ligue Adriatique, plus une place dans le meilleur cinq de cette dernière et également le titre de meilleur jeune de l’Euroleague, toujours la même année. 2014 a décidément été une année charnière pour Bogdanovic, drafté par les Suns en juin (en 27e choix), également médaillé d’argent à la Coupe du Monde en Espagne…
Véritable stakhanoviste des parquets, Bogdanovic était dans son élément au Partizan. Comme un poisson dans l’eau quand il s’agit d’enchaîner les tirs et de se faire mal au quotidien avec des séances d’entraînement aussi interminables qu’exigeantes.
« Il n’y a pas de secret avec lui », témoigne Joffrey Lauvergne, lui aussi « coupé à la Serbe ». « Son éthique de travail est la raison pour laquelle il en est arrivé là, pourquoi il a progressé et pourquoi il est à ce niveau. »
Enfant de la balle, Bogdanovic est en quelque sorte la quintessence du basket serbe. Dès son plus jeune âge, le petit Bogdan s’est jeté corps et âme dans son sport. A l’instar d’un Drazen Petrovic, littéralement possédé et habité par sa passion…
« Pour lui, c’était le basket ou rien », assure son ami d’enfance, Aleksandar Komatina. « Il voulait réussir dans le basket à tout prix, donc il a été très sérieux avec sa routine et ses entraînements à un niveau qui est vraiment rare pour un gamin de son âge. »
Au sommet de l’Europe au Fener
Donnant son accord au Fenerbahçe à l’été 2014, après quatre ans passés au pays et une razzia sur tous les trophées disponibles, Bogdanovic s’attaquait à un autre défi : celui de l’Euroleague. Si la première saison fut maigre en retours, avec « seulement » le trophée de meilleur jeune d’Euroleague à ajouter à l’armoire (le deuxième de suite, comme seul Nikola Mirotic l’avait fait avant lui), Bogdanovic était bel et bien sur la voie du succès, goûtant tout de même au Final Four, mais sans succès.
Dès la saison suivante, le Fener retrouvait les sommets avec un triplé championnat – Coupe – Coupe du Président, avec Bogdanovic qui rafle le MVP de la Coupe. Mais le CSKA de Nando De Colo privait encore Bogdanovic de son rêve de titre sur la scène européenne en finale (et en prolongation) alors que l’arrière serbe déchirait en finale à 6 points à 3/11 aux tirs, dont 0/6 à 3-points pour -2 d’évaluation.
Un acte manqué et une bonne baffe dans la poire, mais pas de quoi l’arrêter pour autant… Ce serait mal connaître le personnage !
« Il fait partie de ces gars très motivés et habités qui ont simplifié leur vie autour du basket », commente un des assistants coachs de la sélection serbe. « Il est très motivé sur tout ce qui se passe à la salle, comme un Américain plus que comme le joueur européen lambda. Il est vraiment obsédé. »
Sa fureur de vaincre finira par payer la troisième année, pourtant mal commencée avec une blessure à la cheville qui le tiendra éloigné des parquets pendant deux mois, avec un « back to back » en championnat mais surtout la délivrance en Euroleague.
Pour sa troisième apparition de suite au Final Four, Bogdanovic délivre enfin, avec 14 points et 6 rebonds en demi-finale face au Real d’un Luka Doncic capot (et en pleurs), puis 17 points, 5 rebonds en finale contre l’Olympiakos pour enfin porter en triomphe le premier trophée du club en Euroleague.
« Ici, il était tout le temps sous pression d’être performant. Mais il aime ce type de pression. Il n’a pas peur d’avoir ce genre de responsabilité sur les épaules », confirme Maurizio Gherardini, le GM du Fenerbahçe, dans The Ringer. « Sa plus grande qualité est qu’il a ce que j’appelle une détermination sans limite pour progresser. Il savait qu’il était athlétique mais pas super athlétique. Rapide, mais pas super rapide. Il savait que son jeu devait être maîtrisé à la perfection pour être extrêmement efficace au plus haut niveau. Il a reconnu ses limites mais il n’a jamais voulu s’y tenir non plus. »
Le choc culturel à Sacramento
Enfin rassasié avec ce trophée d’Euroleague enfin conquis, plus celui de MVP de la finale en Turquie, Bogdanovic pouvait donc s’envoler pour les Etats-Unis, et les Kings, avec le sentiment du devoir accompli.
« Pour nous, le basket est l’option numéro un, notre seule option », explique-t-il. « [En Europe], ils veulent que tu te consacres complètement à ton jeu. On ne pense pas à ce qu’on va faire avec notre argent. Tu ne peux pas être basketteur et puis, en parallèle, rappeur ou homme d’affaires. Tu es seulement un joueur de basket. Si tu veux faire quelque chose d’autre, fais autre chose, mais ne te moque pas du basket ! »
Elevé dans ce respect presque religieux de son sport, Bogdanovic en a tout cas adopté l’approche monacale et l’éthique de travail irréprochable qui vont avec. Il ne lui manquerait presque plus que la tonsure finalement…
« Il n’aime pas ça mais je lui dis toujours qu’il est le professionnel ultime parce qu’il prépare toujours son physique. Il arrive toujours en avance. Il est toujours à la salle, il se fait masser, il reçoit ses traitements, il fait de la muscu, il fait ses séances de tirs… », complimente son coéquipier des Hawks, Clint Capela. « J’adore la manière avec laquelle il se prépare avant les matchs. Son succès ne doit rien au hasard. Il rentre des gros tirs mais ce n’est pas un hasard. Il est là chaque jour à faire le travail. »
Mais, du côté de Sacramento, Bogdanovic va rapidement se rendre compte que sa philosophie et son attachement viscéral à la balle orange ne sont pas partagés de tous ses coéquipiers.
« Le plus difficile pour moi était ma première année à Sacramento quand j’ai eu le sentiment qu’on abandonnait la saison dès le début de l’année », déclarait Bogdanovic dans The Athletic. « J’arrivais d’une équipe championne d’Euroleague, j’étais super motivé. J’avais peur de perdre cette compétitivité en moi. Les victoires étaient ce qui me portaient, tout le temps. Toute ma carrière, c’était comme ça : le Partizan est une équipe qui gagne [en Serbie]. Le Fenerbahçe, ils ne pensent qu’à gagner. Ils gagnaient des matchs mais aussi des trophées. Arriver à Sacramento la première année et ne pas savoir ce qu’était l’objectif collectif était un truc incompréhensible pour moi. »
Le leader a retrouvé une horde !
Dans le même temps, son palmarès, enrichi constamment depuis ses débuts, entrait en hibernation. A part pour des sélections honorifiques dans le deuxième meilleur cinq des débutants, ou son titre de MVP du Rookie Game au All Star Weekend de Los Angeles en 2018, Bogdanovic rongeait son frein. Relégué un peu vite aux oubliettes, dans l’anonymat de la Grande Ligue.
« Je dois dire que c’était bizarre de ne pas voir Bogdan disputer les playoffs pendant ces trois ans », reprend Komatina. « Parce que c’est vraiment son environnement par défaut, de jouer des titres. C’est dans ces moments-là qu’il est le meilleur. »
Après le match 1 face à Philadelphie, le mimétisme était effectivement saisissant entre le Bogdanovic du Fener et le Bogdanovic des Hawks. Le doigt sur la bouche pour faire taire un public hostile après un tir décisif, le Roi Bogdan est bel et bien de retour !
Le leader a enfin retrouvé une horde ! Enfin replacé dans une équipe compétitive en NBA, Bogdanovic peut de nouveau prendre plaisir à jouer des matchs à enjeu, et s’y montrer décisif.
« Chaque année, il a progressé. Il adore le basket, et son éthique de travail est incroyable. Il montre en ce moment qu’il n’est pas simplement un bon joueur, il peut faire gagner son équipe », assène son compatriote, Nemanja Bjelica, avant de fustiger les Kings au passage. « On ne peut pas laisser partir ce type de joueur pour rien… Mais bon, il est maintenant dans une meilleure situation. C’est mieux pour lui. »
Heureux bénéficiaires de son « clutch gene », ce dont se marraient récemment Solomon Hill et Trae Young, les Hawks n’ont pas tardé à prendre conscience de leur chance. Aux côtés de Young qui peut parfois passer au travers aux shoots, Bogdanovic représente une belle garantie sur les fins de match aux couteaux.
Le jeune meneur All Star des Hawks le reconnaît aisément : « Avoir un autre gars qui peut trouver des moyens de scorer et de créer des choses en sortie de dribble et d’impliquer tout le monde, c’est très important. C’était un bon ajustement pour nous. »
Perfectionniste et obsessionnel
Perturbé par son pépin au genou en janvier dernier, Bogdanovic n’a pu qu’assister à la rapide dégringolade de Lloyd Pierce aux manettes des Hawks. La nomination de son assistant, et vétéran historique de la Ligue, Nate McMillan n’était cependant pas pour lui déplaire. Quinze jours après la passe d’armes, Coach McMillan titularisait Bogdanovic et les Hawks terminaient la saison en boulet de canon, avec 19 victoires pour 9 défaites (dont deux de ses revers sans Bogdanovic au repos).
« On a un peu personnalisé notre attaque pour lui donner le ballon et lui permettre de bouger un peu », justifie McMillan. « Il est très bon dans ses mouvements sans ballon, en sortie d’écrans, donc on a ajouté plusieurs systèmes pour mettre Bogi en action sur ces situations. »
Auteur de 14 points, 7 rebonds et 4 passes de moyenne pour seconder parfaitement Young au premier tour des playoffs face aux Knicks, Bogdanovic a haussé le ton au premier match contre les Sixers, avec 21 points (plus 4 rebonds et 5 passes), dont un tir à 3-points qui a fait taire le chaud public de Philly dans la dernière minute.
Un tantinet en-deçà de ses standards en adresse, à 38% seulement à 3-points sur ces playoffs après avoir tourné à un très bon 43% cette saison – un record en carrière, Bogdanovic n’en reste pas moins un élément moteur de son équipe des Hawks qui compte bien jouer les trouble-fêtes jusqu’au bout face aux Sixers favoris.
Comme beaucoup de joueurs de sa génération, Bogdanovic a été influencé par la « Mamba Mentality » de Kobe Bryant, lui-même héritier de la force de caractère de Michael Jordan. Une mentalité qu’il avait en fait déjà fait sienne dès ses débuts en Serbie. Perfectionniste et obsessionnel, Bogdanovic peut passer des heures à répéter le même mouvement jusqu’à la maîtriser sur le bout des doigts.
Comme quand Gherardini avait surpris le jeune arrière le matin du match face au Panathinaikos, lors des playoffs d’Euroleague de 2017, tout seul à la cantine, en train de « penser au match, de se faire le match dans sa tête » car il « n’arrivait pas à dormir »…
« A ce stade, le basket se joue sur des détails », assure Bogdan. « Pourquoi je rate mes tirs quand je fais mes remontées en curl du côté droit, ou du côté gauche ? Quelle est ma faiblesse ? Je regarde la vidéo, je change mes appuis, j’ajoute un peu plus de force sur cette jambe… »
« C’est pour ces moments-là qu’on travaille »
Au moment de rencontrer les Hawks lors de la dernière intersaison, Bogdanovic n’a posé qu’une seule question : « Est-ce qu’on va gagner des matchs ici ? ».
Elevé au bon grain de la gagne en Europe, le natif de Belgrade avait de légitimes doutes avant de signer en faveur d’Atlanta, une franchise privée de playoffs depuis belle lurette, en 2006. S’il voulait évidemment quitter les Kings, il n’était aucunement question de rejoindre un autre radeau de la Méduse…
Avec des médailles d’argent à chaque grande compétition (Coupe du monde 2014, Jeux olympiques 2016 et EuroBasket 2017), en plus d’avoir été le meilleur scoreur (et membre du meilleur cinq) de la dernière Coupe du monde, Bogdanovic n’a certes que 28 ans mais son palmarès est déjà long comme un bras de son compatriote Boban Marjanovic. Ce n’est pas un hasard s’il fait même déjà partie du cinq majeur de la décennie 2010 en Euroleague…
Eternel bosseur, il a continué à suivre sa routine religieusement à Sacramento, travaillant sur son jeu et sur son tir. De toutes manières, c’est plus fort que lui… Avec Atlanta, « Bogi » a retrouvé le sourire car il a retrouvé son exutoire, ces matchs à la vie à la mort. Avec du public en plus !
« C’est pour ces moments-là qu’on travaille », affirmait-il tout sourire après le match 1. « Quand tu commences, tu regarde les highlights et tu vois ces tirs en fin de match et c’est ce dont tu rêves. Quand tu es gamin, c’est le genre de tirs que tu t’imagines prendre. Maintenant, c’est la réalité. Et je veux saisir chaque opportunité qui se présentera. »
Pour le coup, son expérience de superstar en Europe l’aide énormément, et lui permet encore plus de relativiser les moments chauds des playoffs NBA : « En NBA, je suis certain que je ne vais pas recevoir des pièces ou des briquets quand je suis aux lancers, ou avoir un laser dans les yeux comme au Panathinaikos. C’est très dur de rentrer son lancer dans ces conditions. Je sais que je n’ai pas à jouer dans ce type d’environnement. »
Son match 1 face à Philly :
https://www.youtube.com/watch?v=TJNwhTb9dJ4
Son passage en NBA :
Bogdan Bogdanovic | Pourcentage | Rebonds | |||||||||||||
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Saison | Equipe | MJ | Min | Tirs | 3pts | LF | Off | Def | Tot | Pd | Fte | Int | Bp | Ct | Pts |
2017-18 | SAC | 78 | 28 | 44.6 | 39.2 | 84.0 | 0.4 | 2.5 | 2.9 | 3.3 | 2.2 | 0.9 | 1.6 | 0.2 | 11.8 |
2018-19 | SAC | 70 | 28 | 41.8 | 36.0 | 82.7 | 0.6 | 2.9 | 3.5 | 3.8 | 2.0 | 1.0 | 1.7 | 0.2 | 14.1 |
2019-20 | SAC | 61 | 29 | 44.0 | 37.2 | 74.1 | 0.4 | 3.0 | 3.4 | 3.4 | 2.2 | 1.0 | 1.7 | 0.2 | 15.1 |
2020-21 | ATL | 44 | 30 | 47.3 | 43.8 | 90.9 | 0.5 | 3.2 | 3.6 | 3.3 | 2.2 | 1.1 | 1.2 | 0.3 | 16.4 |
2021-22 | ATL | 63 | 29 | 43.1 | 36.8 | 84.3 | 0.5 | 3.5 | 4.0 | 3.1 | 2.1 | 1.1 | 1.1 | 0.2 | 15.1 |
2022-23 | ATL | 54 | 28 | 44.7 | 40.6 | 83.1 | 0.4 | 2.6 | 3.1 | 2.8 | 1.6 | 0.8 | 1.2 | 0.3 | 14.0 |
2023-24 | ATL | 79 | 30 | 42.8 | 37.4 | 92.1 | 0.7 | 2.8 | 3.4 | 3.1 | 2.3 | 1.2 | 1.4 | 0.3 | 16.9 |
2024-25 * | All Teams | 54 | 25 | 42.7 | 36.3 | 87.9 | 0.4 | 2.5 | 2.9 | 2.7 | 2.4 | 0.8 | 1.4 | 0.2 | 10.8 |
2024-25 * | LAC | 30 | 25 | 47.4 | 42.7 | 87.5 | 0.4 | 2.7 | 3.1 | 3.2 | 2.3 | 0.7 | 1.2 | 0.2 | 11.4 |
2024-25 * | ATL | 24 | 25 | 37.1 | 30.1 | 88.2 | 0.5 | 2.2 | 2.8 | 2.0 | 2.4 | 0.8 | 1.5 | 0.2 | 10.0 |
Comment lire les stats ? MJ = matches joués ; Min = Minutes ; Tirs = Tirs réussis / Tirs tentés ; 3pts = 3-points / 3-points tentés ; LF = lancers-francs réussis / lancers-francs tentés ; Off = rebond offensif ; Def= rebond défensif ; Tot = Total des rebonds ; Pd = passes décisives ; Fte : Fautes personnelles ; Int = Interceptions ; Bp = Balles perdues ; Ct : Contres ; Pts = Points.