Décédé cette semaine, à l’âge de 86 ans, Elgin Baylor est considéré comme l’un des meilleurs joueurs de tous les temps, mais aussi l’un des plus sous-estimés de l’histoire. Il faut dire que son absence de titre de champion (malgré 8 participations aux Finals, dont un record à 61 points qui tient toujours !) fait tâche sur son CV bien fourni et lui vaut, aujourd’hui encore, cette étiquette de « loser magnifique ».
Comble de l’ironie, ou plutôt de la malédiction, les Lakers ont décroché le trophée Larry O’Brien quelques mois seulement après l’annonce de la retraite de l’homme aux 11 sélections au All-Star Game, en 1972. Avec Wilt Chamberlain et Jerry West comme principales têtes d’affiche de la franchise californienne, dominatrice tout au long de cet exercice 1971/72.
Coéquipier de longue date d’Elgin Baylor, puisqu’ils ont partagé ensemble 12 saisons et plus de 800 matchs chez les « Purple & Gold », Jerry West était forcément l’un des mieux placés pour rendre hommage à celui que l’on surnommait « Elg » ou encore « Rabbit ».
Profondément touché par l’annonce du décès du Rookie de l’année 1959, le légendaire meneur/arrière des Lakers regrette avant tout que son ami n’ait jamais véritablement eu la reconnaissance qu’il méritait.
« Je ne pense pas qu’il ait été suffisamment reconnu à sa juste valeur, personne ne lui a vraiment donné le crédit qu’il mérite », assure ainsi Jerry West, chez nos confrères de USA Today. « À l’époque, le jeu était complètement différent, mais il était déjà l’un des joueurs les plus modernes de son temps, ce que je pensais aussi être. Nous étions athlétiques, nous pouvions courir, sauter et faire des choses que d’autres ne pouvaient pas reproduire. Pourtant, lorsque les gens regardent ce qu’il a accompli, il n’y a pas trop de reconnaissance, car il ne possède pas de titre de champion. »
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La classe à l’état pur
Plutôt que de se lamenter sur le gros point noir de la carrière d’Elgin Baylor, Jerry West a souhaité rappeler que le Hall of Famer, intronisé à Springfield en 1977, était surtout un personnage particulièrement classe, humble et attachant, en plus d’être un basketteur incroyable (27.4 points, 13.5 rebonds et 4.3 passes de moyenne en carrière).
« C’était une personne exceptionnelle, quelqu’un de très équilibré dans sa vie », raconte Jerry West. « Il n’a jamais attiré l’attention sur lui, il n’a jamais tenté de se mettre sous le feu des projecteurs. Il était juste silencieux, calme et majestueux en dehors du terrain. Il n’a jamais évoqué sa grandeur en tant que basketteur pendant tout ce temps. Il était juste classe et élégant. […] Et je n’ai jamais entendu de polémique l’impliquant lui et ses coéquipiers. Il se contentait de jouer et laissait parler son jeu, sans se plaindre de quoi que ce soit. C’était quelqu’un de très spécial, de vraiment remarquable. »
Drafté en 2e position lors de la Draft 1960, soit deux ans après que le premier choix de la Draft 1958 ait « sauvé » les Lakers (selon Stu Lantz) en acceptant de les rejoindre, Jerry West n’a pas mis bien longtemps pour saisir la personnalité en or d’Elgin Baylor, pas du genre à voir le nouveau venu comme un concurrent, malgré tout son talent.
« J’espérais pouvoir devenir un joueur comme lui », rapporte Jerry West. « Le simple fait d’être le coéquipier de quelqu’un comme lui, c’était vraiment quelque chose de très spécial. Il a pris le temps de prendre sous son aile un jeune homme originaire de Virginie-Occidentale, silencieux, en retrait et qui ne connaissait rien, pour l’aider à grandir en tant que joueur et en tant que personne. Il m’a permis d’apprendre ce que c’est d’être un professionnel. »
West/Baylor, duo en or des « Purple & Gold »
En dehors des terrains, Elgin Baylor et Jerry West étaient donc particulièrement proches, ne manquant jamais de discuter ensemble de bien des sujets. L’un d’eux, lié aux questions d’injustices raciales, a d’ailleurs profondément marqué et fait grandir celui qui a ensuite inspiré la silhouette du logo NBA.
« Grâce à lui, j’ai beaucoup appris sur la façon d’interagir avec les gens et sur les questions d’injustices raciales », souligne ainsi Jerry West. « Je ne me rendais compte de rien à l’époque, j’ignorais ce qui se passait dans le monde. Je me préoccupais simplement de jouer au basket et de gagner. Mais nous avons parlé de beaucoup de choses ensemble, de ce qu’il avait vu dans sa vie, de ce que j’avais vu dans la mienne et de ce que je ne comprenais pas. J’en ai beaucoup plus appris de lui, qui avait grandi dans une grande ville, car j’avais grandi dans une petite ville. Mais j’y ai vu les mêmes choses que lui. »
Cette relation entre Jerry West et Elgin Baylor, deux joueurs dont les statues figurent aujourd’hui aux abords du Staples Center, s’est renforcée même après la fin de leurs carrières respectives. D’où l’émotion ressentie par l’ancien meneur des Lakers, lorsqu’il fait l’éloge de son ancien coéquipier.
« J’ai eu la chance de partager tellement de choses avec lui… J’adore vraiment cet homme. Je n’ai jamais rencontré un coéquipier comme lui dans toute ma vie. Et je n’ai jamais rencontré une personne plus gentille, charmante et sympathique qu’Elgin Baylor », conclut Jerry West.