Stephen Curry et Klay Thompson qui enchainent les tirs de loin, Draymond Green partout en défense et chef d’orchestre en attaque. Ces scènes sont aussi familières que lointaines. Nous ne sommes pourtant pas en 2014, en 2015, ou en 2016, mais la blessure au mollet de Kevin Durant à deux minutes de la fin du troisième quart temps d’un Game 5 complètement fou a forcé les Warriors à puiser dans leur glorieux passé pour aller chercher une victoire qu’ils n’avaient pas le droit de laisser filer.
« À ce moment-là, j’étais vraiment au fond du trou »
À ce moment du match, rien n’était pourtant certain. À +20 avec trois minutes à jouer avant la mi-temps, la belle machine de Golden State a commencé à s’enrayer. La balle ne voulait plus trouver le cercle, leurs passes atterrissaient directement dans les mains de l’adversaire ou des spectateurs du premier rang, et James Harden ramenait Houston à -1. Tendue, l’Oracle a perdu sa voix à la vision de Kevin Durant qui boitait bas et d’un Stephen Curry de nouveau à côté de ses pompes.
« Pendant quelques minutes, ce n’était pas évident à gérer, » concède le meneur. « Et puis nous nous sommes serrés les coudes. C’était un roller coaster d’émotions ce soir. Mais pendant le temps mort, nous nous sommes tous regardés, certains avaient un sourire en coin en réalisant ce que ce moment signifiait pour nous, que d’autres joueurs allaient devoir répondre présent. «
Pendant ce temps mort, outre Draymond Green, c’est DeMarcus Cousins qui a ainsi pris la parole pour recadrer tout le monde. « DeMarcus a fait un super boulot pour nous calmer en nous disant que tout allait bien se passer, qu’il fallait juste jouer, » expliquait Andre Iguodala dans le vestiaire.
Face à cette adversité grandissante, c’est Stephen Curry qui a pris les choses en main malgré ses difficultés. « Juste avant la blessure de KD, j’ai raté un lay-up tout cuit et un 3-points ouvert en transition. À ce moment-là, j’étais vraiment au fond du trou, » confie le double MVP. Et pourtant, il a réussi à inverser la tendance.
« Quand Kevin est sorti, Steph est entré dans un mode différent. Ça m’a rappelé il y a quatre ou cinq ans, avant que Kevin n’arrive, quand notre attaque était dépendante de Steph pour générer de bons tirs, » explique Steve Kerr. « Il n’a plus ce genre de responsabilités mais ce soir, il était nécessaire qu’il retrouve ce rôle et il a pris contrôle du dernier quart temps. Il a été brillant en fin de match quand nous en avions absolument besoin. »
« Vous ne vous rendez pas compte de la difficulté des tirs qu’il a mis »
La force de caractère de Stephen Curry était aussi soulignée par Andre Iguodala. Crucifié par les critiques depuis le début de cette série, le meneur a sorti le grand jeu. « Vous ne vous rendez pas compte de la difficulté des tirs qu’il a mis. Ils étaient super importants, en particulier son stepback. Quand nous avions besoin de paniers, il est allé les chercher. Et ça a donné le ton pour toute l’équipe. »
Stephen Curry n’a pas eu besoin d’attendre longtemps pour voir son « Splash Brother » lui emboiter le pas. Bouillant pour débuter le match après deux sorties manquées dans le Texas, Klay Thompson a ajouté sept points aux douze de Stephen Curry dans la dernière période pour repousser les assauts des Rockets
« Klay a été fantastique, il a mis des tirs énormes, » confirmait Stephen Curry. Le plus gros est venu dans le money time. Un tir à 3-points en tête de raquette pour donner huit points d’avance à son équipe, juste après un autre tir de loin cette fois de Draymond Green, lui aussi déterminant dans cette fin de rencontre.
Avec cinq fautes personnelles, il a trouvé le moyen de provoquer un passage en force risqué sur Chris Paul, prenant au passage une faute technique. Mais l’intérieur a souvent le dernier mot, et celui-ci est venu derrière la ligne des 7m25 sur la possession suivante.
« Draymond écope d’une technique, et derrière marque à 3-points, fait exploser la salle. Ça résume bien le genre de personne qu’il est, » rigole Steve Kerr. « Compétiteur incroyable. Il met de gros tirs quand on en a besoin, des actions décisives, et arrive à enflammer les fans. »
« Kevon Looney a été le héros méconnu du match »
Malgré toute sa volonté, Draymond Green a tout de même fini le match sur le banc mais le collectif des champions en titre, remis en question après les Games 3 et 4, a pris le relais, avec en chef de file un Kevon Looney absolument fantastique. Auteur de 9 rebonds, donc 5 offensifs, et beaucoup plus à l’aise en défense, « Loon », comme le surnomment ses coéquipiers, a retrouvé le temps d’un match son niveau des playoffs derniers. « Je n’ai pas assez d’adjectifs pour décrire sa performance. Cinq rebonds offensifs, il a du cœur ! » s’enflammait Klay Thompson, faisant écho aux propos de Steve Kerr.
« Kevon a été le héros méconnu du match. Il a été extraordinaire, » résume son entraineur. « Il a enchainé les actions décisives, y compris le sauvetage dans le corner à la fin du match qui a mené au lay-up de Klay pour tuer le match. Il va jouer un rôle plus important avec la blessure de Kevin. »
Kevon Looney n’a pas été le seul à répondre présent. Jonas Jerebko a marqué un 3-points important en début de dernier quart-temps, Shaun Livingston, peu à son avantage dans cette série, a aussi apporté son écot. Après la blessure de KD, Draymond Green explique que tout le monde a pris conscience que c’est collectivement que les Warriors devaient réagir.
« Personne ne peut combler ce vide. On doit le faire collectivement. Et en fin de match, c’est que nous avons fait, » explique-t-il. « Jonas a mis un gros 3-points, j’ai mis un 3-points, Klay en a mis un. Nous nous sommes vraiment reposés les uns sur les autres. Et on a besoin de ça pour trouver de bons tirs et c’est ce qui a fait la différence. »
« Nous savons que nous allons devoir être proches de la perfection »
Une fois l’excitation de la victoire retombée, les Warriors sont conscients de la montagne qu’ils doivent gravir. Bizarrement, ils se retrouvent dans la même situation que Houston l’année dernière. Vainqueur du Game 5 chez eux, les Rockets avaient perdu Chris Paul et ont fini par perdre les deux derniers matchs, ouvrant la porte au doublé de Golden State. Cette année, le sort a changé de camp mais le défi, aussi compliqué soit-il, est beaucoup trop alléchant pour baisser les bras.
« Nous savons que nous allons devoir être proches de la perfection pour aller à Houston sans Kevin et gagner le match, » évalue Klay Thompson. « Ça va être dur mais c’est la raison pour laquelle on adore les playoffs, parce que c’est difficile de gagner ».
Les champions en titre, plus menacés que jamais malgré leur avantage dans la série, voulaient toutefois savourer avant de faire face demain au diagnostic sur la gravité de la blessure de Kevin Durant.
La morale de cette nuit mémorable est venue de Steve Kerr qui a pour l’occasion emprunter une formule de Jürgen Klopp, l’entraineur de Liverpool. Steve Kerr qui avait tweeté « YOU WILL NEVER WALK ALONE » après la qualification héroïque des Reds face à Barcelone en demi-finale de la ligue des champions, s’est donc lâché.
« Nos gars sont des putains de géants. C’est ce qu’il (Klopp) a dit et je comprends ce qu’il a ressenti. Je m’excuse auprès de ma mère qui doit surement regarder mais nos gars sont des putains de géants, » répète-t-il. « C’était une victoire incroyable. »
Les quatre prochains jours nous diront si la magie des Warriors millésime 2015-2016 a encore un tour dans son vieux sac.
Propos recueillis à Oakland.