Présaison en Chine, académie en Inde, Africa Game en Afrique du Sud, match de saison régulière au Mexique… Depuis la fin des années 80, la NBA est partie à la conquête du monde, et jamais elle n’a été aussi présente sur les différents continents. Avec l’accent sur ces nouveaux marchés, l’Europe semble désormais en retrait. Les World Games, qui capitalisaient sur la présence de joueurs européens pour proposer des matchs de présaison en France pour les Spurs de Tony Parker ou en Espagne pour la version Pau Gasol des Lakers, ont été remplacés par par un unique match de saison régulière à Londres.
Face au défi d’une NBA plus globale, quelle est la place du Vieux Continent et quelles sont les initiatives mises en place pour continuer à faire de l’Europe une place forte pour la Grand Ligue ? C’est dans ce contexte que Basket USA a eu l’occasion d’échanger avec Benjamin Morel, directeur de la région Europe pour la NBA, lors du récent All-Star Game.
L’Europe en avance sur le reste du monde ?
Pour Benjamin Morel, si l’Europe reste évidemment une priorité pour la NBA, elle doit être abordée sous un angle différent des autres continents car la popularité de la marque NBA y est déjà établie.
« Je ne dirais pas qu’il y a moins d’intérêt. L’Europe est un gros marché pour la NBA et c’est le cas depuis longtemps. À bien des égards, l’Europe est un marché mûr mais comme toutes compagnies, nous devons également nous tourner vers les marchés et les économies émergeants, » nous explique-t-il.
Outre la concurrence que représentent désormais l’Asie et l’Inde, les changements du calendrier NBA et l’accent mis sur la santé des joueurs rendent la possibilité de matchs à l’étranger plus complexe. La présaison a été raccourcie et la logistique pour organiser un ou plusieurs matches de saison régulière en Europe, ou ailleurs, nécessite une période creuse de plusieurs jours avant et après la rencontre pour les équipes concernées.
Le constat est donc simple. Oui, la NBA aimerait avoir des matches en Europe, en particulier à Paris, mais elle sait que ce n’est pas forcément réaliste. Si assister à un match NBA possède de nombreux avantages dans les nouveaux marchés, l’équipe de Benjamin Morel doit elle se concentrer sur d’autres leviers pour continuer à intéresser le continent européen.
« Évidemment, j’adorerais être de retour en France, en Allemagne, en Italie… et nous étudions d’ailleurs de près la possibilité d’un match à Paris, mais nous partons du principe que 99% de nos fans n’assisteront jamais à un match NBA. À partir de là, jouer des matchs à l’étranger est important mais ça ne peut pas être notre priorité car nous voulons toucher tous nos fans, » insiste Benjamin Morel avant de poursuivre. « En revanche, nous sommes désormais tournés vers le progrès et la technologie pour rendre la NBA plus populaire. À ce titre, la distribution de contenu et la possibilité de téléviser des matchs en prime time dans chaque région du monde est beaucoup plus importante que la délocalisation de rencontre. »
Un duo foot anglais – NBA pour séduire le téléspectateur européen ?
Dans ce domaine, la ligue regarde d’ailleurs de près les performances des matchs se jouant en après midi pendant le week-end aux États-Unis. Actuellement dans sa quatrième saison, la campagne des « NBA Sunday » propose une affiche disponible en première partie de soirée en France et ailleurs en Europe de l’Ouest. Le but étant de créer un événement récurrent, au même titre que les matchs de Champions League les mardi et mercredi, et facilement accessible.
« Vous pouvez voir de nombreux matches via nos partenaires dans chaque pays mais il est primordial pour nous de créer une habitude chez nos fans en leur proposant une expérience plus pratique que des matchs au milieu de la nuit, » concède Benjamin Morel. « Nous faisons également des tests le samedi avec des matchs qui commencent en deuxième voire troisième partie de soirée car vous pouvez veiller et vous lever plus tard le dimanche matin. »
Entre un Warriors – Rockets, Real – Barça, ou même un film ou une série, la NBA prend donc le pari que vous choisirez son match. La ligue ne voit cependant pas les autres sports comme de potentielles menaces. « Nous sommes au contraire encouragés par la passion des fans en Europe, » nous lance d’ailleurs Benjamin Morel avant d’expliquer que la NBA ne peut toutefois pas ignorer les autres sports et leur calendrier. « Ça pourrait être intéressant d’avoir un match NBA directement après un match de Premier League, » prend-il en exemple.
Un pied dans le futur
La ligue voit par ailleurs beaucoup plus loin que de simple retransmission à la télévision. Elle veut en effet fusionner le direct et le virtuel en capitalisant sur les nouvelles technologies pour offrir à ses fans, eu Europe mais pas seulement, une expérience digne d’un siège au bord du terrain sans quitter le confort de leur canapé.
« Dans quelques années, notre business model pourrait très bien passer de droits télés à vendre des billets virtuels. Imaginez, vous vous demandez quoi faire de votre soirée et d’un coup grâce à la réalité virtuelle vous pouvez être assis au premier rang du Staples Center à côté d’une star pour disons dix dollars ou euros, » professe-t-il avant de calmer ses propres ardeurs. « Nous n’en sommes pas encore là mais nous voulons être leader dans ce genre d’initiative, car nous pensons que c’est opportunité unique. Idem avec la réalité augmentée. Nous suivons tout ça de très près. »
La NBA continue donc sa tradition d’innovation. Benjamin Morel nous rappelle d’ailleurs qu’il y a dix ans, la ligue était au premier plan de la révolution numérique en lançant le League Pass. S’il parait aujourd’hui évident et indispensable, son lancement était pourtant à l’époque un pari unique en son genre dans le monde du sport. Une décennie plus tard, il peut être vu comme la fondation d’une initiative cherchant à donner aux fans le pouvoir de choisir.
C’est d’ailleurs dans ce domaine que la NBA cherche de nouveau à innover pour faire tomber un maximum de barrières entre le fan et le contenu qu’elle produit. Que ce soit des matchs du League Pass commentés dans différentes langues ou une personnalisation accrue des hightlights disponibles, la NBA ne ferme aucune porte.
« C’est la direction que nous voulons prendre mais pas seulement pour le League Pass, pour notre App, nos sites internet et leur contenu également, » décrit Benjamin Morel. « Notre rêve serait de pouvoir tout vous offrir dans votre langue, de vous laisser choisir les matchs qui vous intéressent tout particulièrement, et de recevoir des highlights plus longs de joueurs dont vous êtes fans. Nous sommes proches de cette nouvelle réalité et je pense que c’est un grand pas en avant pour nos fans à l’international. »
La NBA à l’assaut de la jeunesse européenne
Si la facilité d’accès au contenu de la ligue est l’une des priorités de l’équipe de Benjamin Morel, l’autre chantier décisif concerne la jeunesse et comment l’attirer vers le basket, et par extension vers la NBA. À ce sujet, le dirigeant de la zone Europe puise une nouvelle fois dans l’histoire de notre sport pour nous amener vers l’initiative majeur de son équipe.
« La naissance de la NBA et du basket en tant que sport global est arrivée lors des Jeux olympiques de Barcelone en 1992. Quelques années plus tard, les enfants qui avaient vu la Dream Team à Barcelone ont commencé à joindre la NBA, et puis les Dirk Nowitzki, Tony Parker, Pau Gasol ont suivi, » explique-t-il. « Avec la technologie et le nombre de joueurs étrangers dans nos franchises, la NBA apparait plus proche que jamais pour les jeunes d’aujourd’hui. »
Le monde plus connecté donne également un accès plus direct à d’autres sports. Ainsi, pour aiguiller la nouvelle génération européenne vers le basket, la Grande Ligue a décidé de lancer en partenariat avec les fédérations nationales, la « Junior NBA« , une initiative cherchant à créer une réplique de son championnat. Et la NBA ne fait pas les choses à moitié.
« Stimuler la participation de la jeunesse est absolument fondamental et c’est pour cette raison que nous avons lancé la Junior NBA avec un championnat du monde qui aura lieu cet été. C’est un effort global en Europe et nous travaillons en étroite collaboration avec les fédérations nationales car nous possédons un objectif commun, » nous annonce Benjamin Morel, avant de détailler son fonctionnement. « Le but est de créer un premier contact inoubliable avec le basket pour encourager les jeunes à joindre un club et les laisser convaincre leurs amis d’en faire de même, le tout en utilisant l’expérience NBA. C’est-à-dire que nous choisissons une ville et trente écoles. Chaque école est affiliée à une équipe NBA pour créer un mini championnat NBA, et les vainqueurs recevront une bague comme les champions NBA. »
À l’heure actuelle, la NBA compte pas moins de 32 ligues juniors en Europe avec comme objectif de continuer à étendre l’initiative à plus de pays et de villes sur le Vieux Continent mais également ailleurs à l’international.
Entre innovation et limitation
L’approche de la NBA en Europe a donc pris un tournant inévitable. Les besoins et demandes du marché international le plus ancien ne sont pas comparables à l’émergence de l’Asie, de l’Inde mais également de l’Afrique. Ainsi, la NBA se sert de l’Europe comme d’un laboratoire, en y testant de nouvelles stratégies et initiatives.
Si elle n’est donc pas le continent oublié de la NBA, l’Europe doit toutefois faire face à des réalités qui la dépassent. L’Asie et l’Afrique possèdent pas moins de cinq milliards d’habitants. L’Europe ? Moins d’un milliard. Le potentiel que représente ces nouveaux marchés pour la NBA est donc gigantesque. C’est pour cette raison que la ligue possède trois académies en Chine et une autre ouverte l’été dernier en Inde et que l’Asie possède désormais la priorité pour accueillir des tournées de présaison.
La NBA a besoin d’y générer un enthousiasme, comparable à celui déjà présent en Europe, pour espérer voir dans un avenir proche des joueurs d’origines indiennes, chinoises ou japonaises rejoindre ses rangs.
Propos recueillis à Los Angeles.