À 65 ans, Gregg Popovich a retrouvé les sommets pour la cinquième fois de sa carrière, sept ans après son dernier titre, quinze ans après le premier. Retour sur le parcours et la longévité uniques de celui que certains considèrent comme le meilleur entraîneur de l’histoire.
Voilà des années que l’on qualifie son équipe de sous-estimée, mésestimée, sous-médiatisée… mais qu’on ne s’y trompe pas, Gregg Popovich est devenu une star, l’un des visages les plus populaires de la ligue, porté par son intégrité et sa ténacité.
Après être passé à quelques secondes du titre NBA, San Antonio s’est remis en selle pour le conquérir 361 jours plus tard. Cette réussite, les Spurs le doivent avant tout à leur coach.
Seulement 2 victoires pour sa 1ère saison pro !
Ce dernier est un monument du sport américain : avec 18 ans passés sous les couleurs texanes, Gregg Popovich affiche simplement la plus grande longévité des coaches en activité dans les sports majeurs américains. Pourtant, au début de sa carrière, personne n’aurait pu prédire un tel succès et, pour cause, pour sa première saison en tant que head coach, Gregg Popovich n’a remporté que… deux matchs.
Nous sommes en 1979 et Greg Popovich est le coach de Pomona-Pitzer, obscure équipe de Division III NCAA. Huit ans après cette première saison, il remporte finalement le premier titre de l’histoire de la fac. Entre temps, il prend une année sabbatique pour apprendre aux côtés de Larry Brown, alors coach de Kansas.
Comme son ami et collègue R.C Buford, le coach texan suit Larry Brown en 1988 pour devenir assistant coach des Spurs. C’est le début d’une longue aventure passionnelle avec l’équipe de Fort Alamo, jusqu’au succès que l’on sait.
Le géniteur du plus beau jeu collectif de la ligue
Depuis trois ans au moins, San Antonio produit certainement l’un des plus beaux jeux de l’histoire de cette ligue, adoubé par ses adversaires les plus féroces. Pour retrouver une telle fluidité de jeu offensif, il faut certainement remonter aux Sacramento Kings de Rick Adelman, Chris Webber et Vlade Divac. Mais contrairement à leurs ainés californiens, les Texans défendent, à tel point que Miami n’a jamais inscrit plus de 98 points lors de ces finales.
Cette saison, l’équipe de Gregg Popovich a terminé dans le top 5 des meilleures attaques et défenses de la ligue avec 62 victoires, malgré les blessures (29 cinq majeurs différents) et tout en préservant ses joueurs (pas un joueur à plus de 30 minutes par match). Cette saison, enfin, Gregg Popovich a terminé champion en respectant ses principes à la lettre. Ces derniers sont simples et tiennent en un seul mot : collectif.
L’équipe avant tout
Quelque soit le statut de ces joueurs, Gregg Popovich a toujours préservé l’équipe. Si les joueurs des Spurs louent l’esprit familial de l’équipe, San Antonio reste un club ultra-concurrentiel où seule l’excellence a sa place. À titre d’exemple, quelque soit leur talent, leur contribution passée ou leur statut, les Gary Neal, Stephen Jackson, Dejuan Blair ou George Hill ont été sacrifiés afin de préserver les chances de l’équipe. Ces départs ne sont en rien liés à l’affect, tous ces joueurs entretiennent encore d’excellents rapports avec leur ancien coach, ils ne convenaient simplement plus au plan de la direction.
C’est aussi pour cette raison que San Antonio n’est que la 20e masse salariale de la ligue : seuls les joueurs raisonnables peuvent intégrer l’équipe, même s’ils ont la carrure de Hall of Famers.
« La manière dont nous dirigeons l’équipe porte sur trois points : en premier, la personnalité, en second, le talent, et en troisième, la conscience d’être dans un petit marché. » expliquait Peter Holt, le propriétaire, à ESPN. « Donc, nous sommes fiers d’essayer de gagner sans dépenser au-delà du raisonnable. »
L’expérience militaire de Gregg Popovich n’est pas sans offrir de nombreuses clés pour comprendre son management. Stratège émérite, le coach a toujours privilégié le sacrifice d’un pion afin de protéger le reste du groupe. C’est d’ailleurs de cette façon qu’il est parvenu à la tête de son équipe en 1996.
Bob Hill: « Je ne savais pas qu’il voulait ma place »
Malgré deux saisons autour des 60 victoires, Bob Hill, le coach des Spurs à l’époque, est débarqué après le mauvais départ de son équipe. Avec un David Robinson blessé, San Antonio affiche un bilan de 3 victoires pour 15 défaites. Alors General Manager, Gregg Popovich pense qu’il est temps de changer de voie, quand bien même l’entraineur présente des circonstances atténuantes.
« J’ignorais que Gregg Popovich voulait être coach. J’ai eu un pressentiment après la seconde année (en 95-96), deux équipes ont alors voulu se renseigner à mon sujet à ce moment-là mais les Spurs n’ont pas accepté », raconte Bob Hill à Yahoo Sports « À ce moment-là, j’avais le sentiment que s’il avait l’occasion de me virer, il l’aurait fait. J’aurais peut-être dû démissionner et partir ailleurs. Finalement, je suis resté et c’est lui qui a eu le boulot. Je suis persuadé qu’il l’avait envisagé depuis le début. »
18 ans après ce choix, Bob Hill reconnait sans problème que Gregg Popovich a fait le bon choix. C’était le mieux à faire pour l’équipe. Le coach a remporté son cinquième titre NBA en traversant les générations depuis Avery Johnson jusqu’à Tony Parker, de Sean Elliott à Kawhi Leonard, de Bruce Bowen à Danny Green. Avec pour seul fil rouge, Tim Duncan, son fils spirituel.
Une constance à toute épreuve
Malgré les changements d’effectif, l’âge et la concurrence, San Antonio est au plus haut niveau depuis presque vingt ans. À l’heure actuelle, aucun coach ne peut en dire autant.
« La continuité et la constance sont très importantes, » expliquait-il à Sports Center. « Nous nous faisons confiance les uns les autres. On peut se disputer, se battre, ne pas être d’accord, mais nous continuerons d’avancer ensemble et de nous soutenir sur le terrain. »
Professeur de talent, l’héritage du coach est énorme et sa philosophie, en partie léguée par Larry Brown, continuera d’être inculquée après sa retraite. De Mike Brown à Mike Budenholzer, Monty Williams, Jacques Vaughn, Sam Presti, Rich Cho, Kevin Pritchard, Dell Demps, Danny Ferry ou Rob Henningan, tous sont des élèves du « Pop ». Tous sont imprégnés de ces préceptes et tous jouent ou joueront un rôle à court ou moyen terme dans la ligue.
Trente-cinq ans après ses débuts, le petit coach de division III universitaire peut être fier de son parcours.